La nouvelle organisation des forces terrestres rompt avec un ordre tactique séculaire : celui du régiment. Sa conception naît des contraintes de la politique, souvent présente dans l’histoire du régiment. La construction de l’ordre régimentaire accompagne l’édification de l’Etat-Nation. La IIIe République l’investit de fonctions politiques, sociales et culturelles. Or, aujourd’hui, l’instauration d’une organisation dite modulaire de l’armée de Terre qui bouleverse le principe régimentaire procède également d’une dynamique politique. Celle-ci se noue au début des années 1980. Prise en étau entre une demande politique densifiant ses actions extérieures et la rareté des effectifs disponibles pour ces actions, l’armée de Terre est contrainte de bricoler des organisations de fortune. Il s’ensuit une déstructuration de l’organisation tactique régimentaire : le corps de troupe, démembré, est transformé en « réservoir de ressources ». A la fin du siècle, une politique militaire de rareté conduit à normaliser et rationaliser ce procédé dans cette organisation tactique « modulaire » qui puise dans le régiment de quoi constituer des formations de circonstance pour des expéditions lointaines. Dans le même temps, cette politique contraint à mutualiser dans des bases de défense interarmées les moyens qui conféraient au régiment son autonomie d’action. Le chef de corps n’est plus maître de son corps. Est-ce la fin du régiment ?
Le colonel André Thiéblemont est breveté de l’enseignement militaire supérieur scientifique et technique, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et titulaire d’un DEA de sociologie. Il a servi à la légion étrangère, au service d’information du Premier ministre et au Service d’information de relations publiques des armées. Depuis les années 1970, parallèlement à ses activités militaires puis civiles, il mène à titre personnel des recherches articulant le quotidien du militaire et du combattant avec les dimensions politiques, idéologiques et culturelles de la vie des armées et de la société française. Auteur notamment de Cultures et logiques militaires (Paris, Puf, 1999), il a contribué à de nombreux ouvrages et revues françaises ou étrangères.