La Grande Guerre des gendarmes
« Forcer au besoin leur obéissance » ?
Louis N. Panel
À partir de sa thèse de doctorat remarquée, soutenue en 2010, Louis Panel nous offre un riche panorama de ce que fut la gendarmerie dans la Première Guerre mondiale. Et l’objet de son étude est loin d’être inutile puisque, dans la mémoire populaire, les mots « gendarmes » et « Grande Guerre » sont souvent associés (de façon négative) à la recherche des « permissionnaires retardés » et à l’image du fusil dans les reins des poilus.
Or c’est bien un tout autre univers que nous fait découvrir l’auteur, en dix chapitres parfaitement structurés. Bien sûr, la gendarmerie et les prévôts ont des responsabilités (des missions) essentielles dans la phase de mobilisation puis dans le maintien de l’ordre, aux armées comme à l’arrière. Mais il faut pour être complet aborder aussi les questions de renseignement, celles de libre disposition des axes de circulation (Voie sacrée et front de la Somme par exemple), sans oublier (pourquoi le cacher ?) « la chasse aux avinés » et l’indispensable police des gares et des cantonnements. Certes, la gendarmerie n’a pas à être considérée comme une « arme combattante » au sens de la présence en ligne sous le feu (même si pour des volontaires ou dans quelques cas particulier cela a été le cas), mais son rôle est absolument essentiel pour le bon « fonctionnement » dans toute la profondeur du champ de bataille et de l’arrière d’une lourde et complexe machine de plusieurs millions d’hommes. Assez gravement secouée par les mouvements de 1917 (« La gendarmerie et les manifestations de la crise », pp. 403-455), la prévôté est réorganisée et le ministère Clemenceau constitue « le moment d’un spectaculaire printemps de la gendarmerie ». Le chapitre 10 est consacré à la sortie de guerre : « Victoire et frustrations », du fait de la « légende noire » qui entoure « les cognes » fusilleurs de poilus. L’arme y gagne, en tout cas, son indépendance de la cavalerie, une organisation propre largement modernisée et des troupes spécialisées. Ainsi, « on doit donc voir dans le drame de la Grande Guerre le creuset dont est sortie la gendarmerie du XXe siècle ».
Scrupuleusement référencé, complété par de nombreux tableaux et graphiques en annexe, bénéficiant d’une solide bibliographie, ce volume apporte une contribution particulièrement utile à la connaissance d’une arme, décriée à l’époque, présente sur tout le territoire comme aux armée et dont les missions très diverses sont parfois mal connues. Une étude de grande qualité.
Nouveau Monde éditions, Paris, 2013, 611 pages.
Source : Guerres et Conflits