Les ambitions militaires de la Pologne en Europe sont fortes mais en-a-t-elle les moyens humains et financiers ? Certes la volonté d’en découdre éventuellement avec la Russie n’est pas à écarter si l’Ukraine perdait la guerre. Le 19 mars 2023, sur LCI, l’ambassadeur de Pologne à Paris engageait d’une manière imprudente son pays dans cette direction suscitant une mise au point polonaise. Néanmoins l’histoire de la Pologne ne peut que l’inciter à se préparer à toutes les éventualités et elle veut s’en donner les moyens.
La Pologne, un Etat-membre de l’OTAN et un soutien indéfectible de l’Ukraine
La Pologne est membre de l’OTAN depuis. 1999. Son soutien à l’Alliance Atlantique est sans équivoque avec 89% des personnes sondées y adhérant (Cf. Rapport 2022 du Secrétaire général de l’OTAN, 21 mars 2023). Selon un sondage du Parlement européen d’automne 2022, elle figure parmi les États-membres craignant le plus un risque de propagation du conflit à d’autres pays (91 %).
Elle privilégie aussi ses relations avec les Etats-Unis au détriment d’ailleurs de l’Union européenne avec qui les affrontements politiques sont fréquents. Depuis le 21 mars 2023, faisant suite à une décision de Joe Biden en juillet 2022 qui répondait à une demande insistante de la Pologne depuis de nombreuses années, le Camp Kosciuszko à Poznan devient la première garnison permanente américaine en Pologne, la huitième en Europe. Elle accueille le commandement américain des forces terrestres du Ve corps, déjà présent depuis 2020.
Il aura pour missions de coordonner les opérations, de superviser les forces terrestres américaines en Europe, dont 10 000 soldats sont présents en Pologne, et d’assurer la planification opérationnelle avec les autres forces des Etats membres de l’OTAN sur le front Est de l’Alliance. A proximité de Poznan, la ville de Biedrusko formera aussi les tankistes sur les chars Abrams à venir.
Les forces polonaises sont constituées de 114 000 soldats pour une population de 38 millions d’habitants (France, 206 000 hommes pour une population de 68 millions d’habitants) dont 58 500 pour l’armée de Terre. Elle disposait de 800 chars (Léopard 2) avant la livraison de ses T72 livrés à l’Ukraine, 1800 véhicules blindé de combat d’infanterie dont 1200 BMP1, 700 pièces d’artillerie et LRM, 200 mortiers (Source The Military Balance, 2021).
Une partie de ses équipements militaires ont été livrées à Kiev soit plus de 260 chars d’assaut T72, une centaine de canons et d’obusiers automoteurs ainsi que 40 véhicules de combat d’infanterie BMP-1, quatre avions Mig 29 modifiés aux normes OTAN sur la vingtaine que la Pologne détient. Depuis le début de l’invasion, elle sert aussi de plateforme logistique pour la réception ainsi que pour l’acheminement du matériel pour l’Ukraine.
La Pologne a décidé de moderniser massivement ses forces armées.
Dans ce contexte de renforcement de la présence otanienne à l’intérieur de ses frontières, Varsovie cherche également à développer ses propres capacités. La Pologne est déjà l’un des pays de l’OTAN qui consacre la plus grande part de son PIB à la défense : 2,4 % pour l’année 2022. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a annoncé fin janvier que Varsovie allait consacrer 4 % de son PIB en 2023 à la défense. Ces huit dernières années, les dépenses militaires de la Pologne sont passées de 10,11 milliards d’euros en 2014 à 17 milliards d’euros en 2022 (France, 44 milliards en 2023) soit une augmentation de plus de 75 %.
Pour satisfaire ses ambitions, la Pologne a signé en juillet 2022 l’un des plus importants contrats militaires de son histoire avec la Corée du Sud. 180 chars de bataille seront livrés en 2023 ainsi que 48 obusiers K9, 12 avions FA-50 (48 à terme), avions d’entraînement et d’appui d’ici à la mi-2023. Une seconde partie de ce marché portera sur la production en Pologne de 800 chars et de 600 autres obusiers à partir de 2026. Un contrat additionnel a été signé en octobre pour 300 lance-roquettes multiples K239, amenant le coût total à environ 14 milliards d’euros.
La Pologne a également passé des commandes auprès des États-Unis pour l’acquisition de 366 chars Abrams pour des livraisons en 2023 et 2024. Une partie est financée par la partie américaine. S’ajoutent 32 avions de chasse F-35, 8 batteries de missiles anti-aériens Patriots et 96 hélicoptères Apache AH-64E. Enfin, en février 2023, le Département d’État américain a autorisé la vente à la Pologne de 18 lance-roquettes multiples M142 (HIMARS) et leurs équipements connexes pour un total de 10 milliards de dollars.
Le gouvernement polonais a aussi pour ambition d’accroître ses effectifs à 300 000 hommes d’ici 2030.
Pour autant ces ambitions affichées sont-elles réalisables, sinon réalistes ?
22 mars 2023
Très intéressante analyse Général.
Le doute est de mise quant au réalisme de leurs ambitions…
Pour diverses raisons mais, à mes yeux, la plus grande d’entre elles se trouve être le conflit aussi persistant que profond entre le Gouvernement Polonais en place et les institutions de l’union Européenne et les sanctions financières qui en découlent et en découleront encore..
Je suis d’accord avec vous. Le gouvernement polonais a plusieurs cartes à jouer dans ce conflit y compris dans le cadre de l’UE
Que feriez vous si votre pays avait été plusieurs fois , poignardé dans le dos par la russie, sans compter que l’armée russe, arrêtée à quelques kilometres de varsovie, a laissé l’armée allemande anéantir la capitale, ses résistants sans bouger ( disons que ça l’arrangeait de laisser faire les allemands, comme ils avaient laissé croire pour les assassinats de l’élite polonaise dans la foret de Katyn)!
Quand on a de la pourriture à sa porte, on étanchéise sa maison
Bonjour, ai-je dit le contraire? L’histoire polonaise est là pour le rappeler. En revanche, préciser la réalité ne me semble pas inutile pour douter du réalisme de cette montée en puissance de l’armée polonaise d’autant qu’elle se construit dans le cadre d’une politique intérieure particulière, non? Préparer à se battre à l’extérieur permet de faire de ce que l’on veut à l’intérieur au nom de la sécurité nationale; et si l’Europe en plus finance malgré ses critiques sur l’état de droit, allons-y. Vos remarques donc, certes justes, sont bien épidermiques et évacuent un certain nombre de problèmes. Cordialement
Je suis quand même surpris du nombre de chars dans les choix polonais. En Ukraine, certains rapports disent que les pertes sont essentiellement dues à l’artillerie et aux mines. Les capacités en tir indirect des chars russes font que ceux-ci conservent leur pertinence, avec de bon capteurs. Mais les chars américains, européens et asiatiques n’ont pas cette capacité. Le blindage semble être anecdotique, c’est juste un changement de chargé militaire sur le missile à trimballer.
Donc, au delà du coup de menton politique… pourquoi autant de chars?
Bonsoir moi aussi. C’est pourquoi je doute du réalisme de ces décisions polonaises, surtout dans le temps. Réaffirmer l’identité nationale polonaise, son nationalisme, permet (permettra) au gouvernement polonais actuel de rester au pouvoir. Je ne comprends pas vos remarques sur les chars en seconde partie de vos commentaires. Bonne soirée
Bonsoir. J’ai deux questions mon Général la première par pure curiosité : Il est dit que vous avez servi 2 ans sous uniforme ivoirien. Comment est-ce possible? L’autre sur la Pologne, Il ne suffit pas de consacrer un pourcentage de son PIB à l’achat d’arme. Il faut des hommes pour les utiliser or le taux de natalité est en chute libre. La Pologne qui n’est pas à un paradoxe près recrute beaucoup de femmes comme volontaires et réservistes. Cet aspect démographique est passé sous silence dans votre excellent article. Quand on sait que l’une des causes essentielles du délabrement de l’armée allemande est son manque d’hommes en état d’être militaire. Qu’en pensez-vous? est-ce que cela nuance votre article?