Bien sûr, j’entends ces personnes des « temps jadis » s’étonner, s’effrayer, commenter avec des cris d’orfraie sur cette dernière mission. Or, il est temps de s’adapter à notre époque. Plusieurs raisons peuvent justifier cette évolution :
- Les Français ont changé. Ils demandent la sécurité dans une société qui ne paraît pas si sûre. Tout en soutenant majoritairement les Gilets jaunes, ils ne peuvent pas accepter la violence « émeutière » sinon politique telle qu’elles s’expriment dans la rue depuis novembre 2017. Leur inhibition face à l’emploi des forces armées sur le territoire national a en grande partie disparu depuis l’implication des armées contre le terrorisme ;
- L’Armée est en effet respectée. Année après année, son image positive s’est renforcée aussi bien auprès des citoyens que des élus car elle protège le territoire national à l’extérieur et à l’intérieur par l’opération Sentinelle contre les terroristes islamistes. Cultivant l’idéal de l’exemplarité, elle est disciplinée, elle n’est pas politisée. Professionnelle, maîtrisant sa force, responsable, elle sait faire face et a aussi redécouvert activement le territoire national qu’elle avait abandonné. Enfin, en accord avec sa vocation à servir, elle assume son rôle social en formant et en éduquant les jeunes qui lui sont confiés. En bref, elle sert la République et quand celle-ci a besoin d‘elle, elle est présente ;
- Enfin, dernier point, la France ne peut pas se permettre notamment pour des raisons budgétaires de multiplier ses forces de sécurité avec le paradoxe suivant : plus de Français, moins de forces de sécurité ; l’Etat se trouve désormais contraint d’utiliser tous les moyens à sa disposition.
En quoi cette implication militaire renforcée va-t-elle changer la situation ?
Force de 3e catégorie, l’Armée assurera la garde de points sensibles, disposera de règles d’engagement appropriées. Son déploiement permettra de dégager ainsi des effectifs au profit des forces de 1ère et de 2ème catégories. Cette décision gouvernementale est conforme à l’instruction interministérielle du 14 novembre 2018 (Cf. Billet de Lignes de défense du 22 mars 2019). Je note qu’il s’agit d’un texte récent signé sous la présidence Macron. Il marque la fin d‘une inhibition sur le recours aux forces armées sur le territoire national.
Cette décision exprime un message fort. Il signifie aussi que le contexte actuel a atteint un seuil inacceptable pour le bon fonctionnement des institutions. Il serait bon d’abord que les Gilets jaunes le comprennent, qu’ensuite, ils cessent un mouvement qui a perdu tout son sens. Certes, certains d’entre eux peuvent évoquer le fait que les militaires seraient « des « enfants » des gilets jaunes » (Cf. Le Monde du 22 mars 2019). Il est vraisemblable aussi que cette lutte a suscité des sympathies y compris de ma part. Moi-même, je les ai soutenus, les distinguant des acteurs de violence tout en rappelant le rôle possible des armées (Cf. Mon billet du 2 décembre 2018). J’y précisais notamment :
Les armées en tant que telles peuvent effectivement prendre des missions au moins de garde et de soutien pour dégager des effectifs de police. Cependant, leur mission ne pourra pas se limiter à surveiller sans réagir. Disposant d’une arme de guerre, il ne devrait avoir dans ce cas aucune ambiguïté sur son usage mais il faudra beaucoup de courage politique pour assumer cette réquisition et les risques. Attaquer un soldat de la République est un geste politique. J’espère que les chefs militaires sauront rappeler dans le cas où une telle solution serait retenue qu’aucun soldat ne devra être dans une situation où il serait sans défense. La communication gouvernementale devra être claire et sans ambiguïté.
Cependant, la confusion entre Gilets Jaunes et black blocs ce samedi 16 mars 2019 a été une grave erreur.
Quelle formation ?
Face aux critiques portant sur le recours aux forces armées, beaucoup évoquent leur manque de formation. L’expression « doctrine du maintien de l’ordre » a largement été utilisé depuis quelques jours. Je ne peux m’empêcher de citer ce document que j’ai rédigé au centre de doctrine de l’armée de Terre en mai 1999 sur le contrôle des foules, l’expression « maintien de l’ordre » m’ayant été interdite par le général adjoint. Le document sera refusé car il n’aurait jamais été d’aucune utilité.
Deux mois après, projeté au Kosovo comme « conseiller communication » auprès du général Cuche commandant les forces françaises à Mitrovica, je lui remettais ce document de travail. Il fallait répondre aux manifestations kosovares sur le pont de Mitrovica, qu’elles soient serbes ou albanaises. Il fallait s’interposer dans un contexte plus civil que militaire et éviter les morts. J’ai des vidéos personnelles tout à fait significatives ! Une des conséquences a été la formation de nos forces au « contrôle des foules » pendant plusieurs années.
Nos unités d’infanterie ont ainsi été équipées et formées par les gendarmes de l’école du maintien de l’ordre de Saint-Astier. Il est regrettable qu’un minimum d’aguerrissement dans ce domaine n’ait pas été maintenu. Cela serait d’autant plus justifié que nos opérations ne se font pas toutes en opération de haute intensité. Notre longue intervention en république de Côte d’Ivoire avait nécessité ce mode d’action pris en compte par les unités de la gendarmerie mobile.
Alors, certes, nos soldats ne sont plus formés au maintien de l’ordre mais est-ce que tous les policiers engagés depuis novembre l’étaient ?
Pour conclure
L’Armée de la République est dans son rôle et cette crise le rappelle. Je peux comprendre l’émoi de politiques par exemple des partis extrêmes mais il a été clair que notamment l’extrême gauche a instrumentalisé le mouvement des gilets jaunes pour le faire dégénérer.
Espérons cette fois que les extrémistes violents, pas uniquement les Gilets Jaunes égarés, seront arrêtés par nos forces de sécurité désormais en nombre suffisant et qu’ils seront jugés avec rigueur par nos magistrats. L’ordre républicain doit être rétabli.
Enfin, soutenons nos militaires, c’est la moindre des actions que nous puissions faire.