François Hollande a présenté ce dimanche 11 mars 2012 sa vision de la défense s’il était élu. Cette allocution était considérée comme le second temps fort du candidat après sa visite à l’ile Longue. Une salle relativement pleine où naturellement beaucoup de camarades de la défense étaient présents pour s’informer… pour la plupart. Présence aussi de nombreux membres éminents du PS : anciens premiers ministres, anciens ministres. Un sentiment personnel donc que les questions de défense étaient prises au sérieux malgré qu’il ne s’agissait que d’une allocution et non d’un débat.
Jean-Yves Le Drian, président du conseil régional de Bretagne et ancien membre de la commission de la défense à l’assemblée nationale, a introduit le candidat en spécifiant que cette allocution était destinée aux hommes et aux femmes de la défense, en saluant aussi les officiers généraux dans la salle (présents en civil ou en 2S), ce qui n’a pas été le cas de François Hollande (simple remarque). L’allocution de François Hollande n’était sans doute pas totalement destinée à la communauté de défense mais il a témoigné à de nombreuses reprises son attachement à la communauté militaire.
Sur le fond, François Hollande a regretté à juste titre que la défense était un sujet « trop peu présent dans la campagne ». Cependant, s’il n’y a pas de débat sur la défense, cela est compréhensible d’autant que les Français, je le reconnais, ont des préoccupations beaucoup plus immédiates et compréhensibles face aux difficultés quotidiennes. D’ailleurs ce discours n’a pas fait la une des médias ce jour. C’est un signe mais il y avait le grand meeting de Nicolas Sarkozy.
Je retiendrai donc quelques points de cette intervention intéressante d’une heure qui s’est achevée par la Marseillaise (elle revient à la mode dans les meetings et cela est rassurant).
La notion d’indépendance nationale est réaffirmée. Le candidat veut « redonner à la France sa place et son rang en Europe et dans le monde sa voix singulière, sert la paix, sans affaiblir les intérêts nationaux ». Je n’avais cependant pas le sentiment que nous avions perdu notre rang. Or, le candidat propose au niveau européen la mutualisation des moyens militaires lorsque cela est possible (donc la perte de capacités), la spécialisation de capacités militaires par Etat (les Belges ont abandonné chars et artillerie, se reposant sur leurs alliés), de rationalisation aussi.
Or, les armées pour être efficaces et « indépendantes » doivent être une puissance militaire complète, c’est-à-dire que la France soit capable d’intervenir militairement seule dès lors que le chef des armées le demande. Ces propositions sur nos capacités conventionnelles par François Hollande, et le conflit libyen le montre avec le refus de certains de nos alliés d’intervenir, feront perdre à la France la capacité d’agir seule en fonction de ses intérêts nationaux.
Sur les interventions extérieures, les critiques de l’allocution sur le déploiement de forces supplémentaires en Afghanistan depuis l’été 2008 méconnaissent le devoir de solidarité avec nos alliés. La politique qui a été menée était pour moi légitime. Maintenant que le prochain président de la République change de politique, c’est son droit mais l’indépendance des décisions de la France ne doit pas nuire justement au rang de la France dès lors qu’elle ne respecte pas ses engagements. Ce retrait devrait être annoncé au sommet de l’OTAN le 20 mai si le candidat est élu.
François Hollande a exprimé sa volonté de refonder la politique de défense avec l’Afrique dans le cadre d’un partenariat global avec l’Union africaine, en associant l’Union européenne. Cette idée neuve permettrait en effet d’apporter les savoir-faire de nos forces armées en relançant une politique de coopération militaire qui avait été bien amoindrie depuis de nombreuses années.
Le candidat propose très justement de renforcer l’industrie d’armement, notamment dans un cadre européen. Celle-ci peut être un facteur de croissance car elle est peu exposée aux délocalisations, est créatrice d’emplois, s’appuie sur une forte capacité de recherche et de développement. Il a aussi proposé que les grands groupes industriels de défense associent les PME-PMI dans les réponses aux appels d’offres, ce qui apparaît une bonne idée.
Sur l’effort de défense proprement dit, le candidat ne s’est pas engagé. Certes, il a rappelé que le budget de la défense n’était pas une variable d’ajustement mais le discours évoque ça et là rationalisation, économies à faire, surcoût des OPEX. Au ministère de la défense, nous savons ce que cela signifie et cela n’est pas rassurant.
François Hollande ne s’exprime pas non plus sur les effectifs et la contribution des armées aux 60 000 postes de fonctionnaires promis dans son programme. En revanche, il est surprenant de comprendre que la DGA se verrait renforcée dans ses effectifs (bonne action de lobbying sans doute). Comme il n’est pas évoqué d’augmentation des effectifs des armées, cela voudrait-il signifier que les forces armées vont aussi perdre des personnels au profit de la DGA ?
J’ai apprécié particulièrement cette volonté de rééquilibrer les fonctions de sécurité que je traduis par un rééquilibrage entre l’intérieur et la défense.
En revanche, annoncer un recentrage autour du politique à travers une réorganisation du ministère de la défense (sans détails) pourrait bien signifier une remise en cause du rôle prééminent du chef d’état-major des armées suite aux décrets de 2005 et de 2009. Or, le chef d’état-major des armées est le conseiller « défense » du gouvernement impose une position particulière. Nous en saurons plus éventuellement en mai.
Je remarque que le candidat veut donner une plus grande place aux civils au sein du ministère de la défense, revendication déjà entendue lors de la professionnalisation. En gros, aux militaires les opérations, aux civils le reste donc les postes de responsabilité non opérationnels. Effectivement, ce sera le ministère de la défense et non celui des armées. La reconnaissance portée aux militaires évoquée à plusieurs reprises impose pourtant que les militaires dans leur ministère soient aux postes de responsabilité et pas seulement opérationnels d’autant que la mobilité professionnelle du personnel civil n’existe que peu. Cette orientation ne serait acceptable que si ce personnel civil était aussi soumis à la même mobilité professionnelle pour ne pas gripper le système face à des militaires mutés fréquemment avec l’implication que cela a sur la connaissance des dossiers.
Sur la condition militaire, le candidat souhaite notamment une participation active à la vie citoyenne. Je pense en effet que la première réforme du statut soit de permettre aux militaires de participer à la vie locale des communes dès lors qu’ils ne sont pas adhérents à un parti politique. A cet effet, ils ne devraient pas être mis en disponibilité sans solde comme c’est le cas aujourd’hui. Un second point évoqué de la condition militaire est celui de l’amélioration de la concertation dans les armées. A suivre.
Discours donc intéressant et instructif (lire aussi Jean Guisnel sur le site du Point). On peut regretter cependant que le discours ne soit pas en ligne ce soir sur le site du candidat. D’ailleurs, rien n’y apparaît sur la défense ou j’ai mal cherché. En outre, événement tenu le jour du grand meeting de Nicolas Sarkozy, l’impact médiatique a été faible sinon inexistant. Alors passage obligé du candidat ou réel intérêt pour la défense ?