jeudi 20 juin 2024

Le « French Squadron » : les parachutistes de la France libre

Rassemblés en. Angleterre, puis transférés en Égypte, les premiers parachutistes de la France libre vont former le « French Squadron » du SAS et multiplier les missions en Crète, en Cyrénaïque et en Tunisie contre les aérodromes allemands et italiens.

Le Cameronian de la marine britannique a quitté Glasgow le 21 juillet 1941. Après avoir contourné l’Afrique, il va enfin toucher Suez. À bord, le capitaine Bergé, après 42 jours de mer, a eu tout le temps de se remémorer sa propre histoire. Elle se confond, depuis un an, avec celle de la 1re compagnie d’infanterie de l’air des FFL qu’il a créée et qu’il commande. Sur ordre du général de Gaulle, il la conduit au combat au Moyen-Orient.

Georges Bergé (1909-1997), Compagnon de la Libération.

Georges Bergé, officier d’active formé à la rude école de Saint-Maixent, est un homme sans états d’âme. Gascon, il est de tempérament ardent ; soldat, il aime son métier et, surtout, il croit en son pays.

Grièvement blessé le 18 mai 1940, l’armistice le surprend, à peine convalescent. Le 19 juin, il embarque à Saint-Jean-de-Luz sur un transport polonais à destination de l’Angleterre. Pour lui, il n’y a aucune autre solution, il faut continuer la lutte, c’est une évidence.

Il obtient, à force d’insistance, avec l’accord de De Gaulle, la création d’une compagnie de parachutistes, dont il prend le commandement le 15 septembre 1940.

Il lui a fallu surmonter cent épreuves, le manque de moyens matériels, les difficultés de recrutement, les querelles franco-britanniques et, surtout, l’esprit de routine de tous les états-majors.

En janvier 1941, à partir des premiers brevetés parachutistes, les services de renseignements anglais de la section 17 forment une dizaine d’agents. Le 5 mars, Bergé et quatre de ses compagnons sont parachutés en Bretagne pour un coup de main de va-et-vient. L’objectif se dérobe, mais ils créent les premiers réseaux d’accueil, rentrent en Angleterre riches d’expériences et d’informations qui conditionneront l’avenir.

Cette action provoque l’intérêt de Churchill lui-même. Churchill dont Bergé a retenu l’ordre à l’emporte-pièce : « Mettez le feu à l’Europe ! » La 1re CIA est là pour ça. En mai 1941, son unité comprend deux groupes : l’un, d’une vingtaine d’hommes, est spécialisé dans les opérations clandestines ; l’autre, plus important, est orienté vers les actions de commando de type militaire.

Le premier détachement se charge de mettre en œuvre les « désirs » de Churchill avec ses homologues anglais de la station 36. Avec le capitaine R.G. Weill, il deviendra l’embryon du BCRA. En juin 1941, la mission Joséphine B vient d’être menée à bien, avec les hommes de Bergé, lorsque l’état-major des FFL se manifeste.

Le second groupe, soit deux officiers dont Bergé, un médecin auxiliaire et une cinquantaine de parachutistes, garde le nom de 1re CIA et est mis à la disposition des FFL du Moyen-Orient. C’est ainsi que, pour le premier anniversaire de la création de son unité, le capitaine Bergé se retrouve à Damas où personne ne parait très fixé quant aux missions à confier au détachement.

Bergé multiplie les démarches : ses hommes et lui veulent se battre ! Grâce à l’intervention de Stirling auprès de De Gaulle, en janvier 1942, la compagnie est intégrée au centre d’entraînement du Spécial Air Service à Kabret, en Egypte. Elle devient le « French Squadron » du 1er bataillon SAS du major Stirling.

Objectif : l’aérodrome d’Hêraklion

David Stirling (1915-1990), le « Commandant fantôme ».

L’attaque aura lieu dans la nuit du 12 au 13 juin ! Le commandant Bergé a encore dans l’oreille les ordres de Stirling. Cette nuit-là, les aérodromes allemands doivent flamber, sinon les convois pour Malte seront détruits.

La nuit du 12 au 13, c’est maintenant ! Après trois jours de navigation, le sous-marin grec Triton vient seulement de faire surface. Les hommes d’équipage mettent à l’eau les deux canots pneumatiques. Les bruits, bien qu’étouffés, paraissent énormes dans le silence nocturne. Bergé, des yeux, cherche la côte, c’est cette barre plus sombre à un mille, peut-être deux, la côte nord de la Crète. Ils sont 6 dans l’aventure : Bergé, le sergent Mouhot et deux caporaux, Leostic et Sibard. Ils constituent le groupe d’assaut. L’Anglais, le capitaine Jellicoe, assurera la liaison avec le sous-marin pour le retour, si retour il y a… Le lieutenant Petrakis est crétois, il servira de guide. Leur mission : attaquer l’aérodrome d’Hêraklion.

Le parfum de la terre, odeur forte de la végétation que le soleil a chauffée tout le jour, annonce le rivage.

Pendant que Petrakis s’oriente, les canots sont détruits. Derrière le Crétois, qui mène rudement l’allure, la progression est difficile, épuisante. La nuit est sans lune, mais heureusement assez claire, le terrain étant effroyable : sentiers de chèvres ou traces de sangliers dans un maquis épais, pentes rudes, descentes abruptes, oliveraies desséchées, ruisseaux à sec, pierres qui roulent. Les sacs pèsent lourdement. Le lieutenant s’arrête enfin, s’accroupit et montre du doigt une lumière voilée, vers l’ouest :

Hêraklion.

Bergé frotte ses yeux que la sueur irrite et chuchote :

Distance ?

Une heure, peut-être deux ; l’aérodrome est sur notre chemin, avant la ville.

Alors, allons-y tout de suite… Il faut attaquer cette nuit ! Leostic, qui a repris son souffle, plaisante :

Le plus tôt sera le mieux ; après, nos sacs seront moins lourds…

C’est le benjamin de l’équipe, et même de la compagnie. Il n’a pas encore 18 ans. Bergé sait qu’il a falsifié sa carte d’identité pour s’engager. Le commandant a un faible pour ce gamin enthousiaste qui a subi sans flancher le même entraînement féroce que tous les autres.

L’aérodrome est là. Les silhouettes des bâtiments se devinent dans la nuit. Quelques lumières voilées marquent la piste d’envol.

La balle claque au-dessus du petit groupe en même temps que retentit le « Wer Da ? » d’une sentinelle toute proche. Il ne se passe rien, l’Allemand a dû croire qu’il avait rêvé. Mais l’attaque ne peut pas avoir lieu cette nuit. Camouflé avec les siens à proximité de l’objectif, Bergé est inquiet ; il pense aux convois. L’activité reste normale sur le terrain d’aviation. L’observation effectuée dans la journée permet de repérer un bon itinéraire d’approche pour la nuit suivante.

Le 13 juin, un peu avant minuit, les saboteurs atteignent sans problème les limites de l’aérodrome. Ils parviennent aux alvéoles qui protègent les appareils au moment où se déclenche une alerte aérienne qui fait disparaître les Allemands dans les abris. 15 avions sont rapidement piégés, puis un groupe de 6 autres, rassemblé à l’écart. Les charges d’explosifs encore disponibles sont distribuées entre le parc à véhicules et le dépôt de carburants.

À 01 h 30, les 6 hommes reprennent la direction de la montagne. Les explosions qui se succèdent font se retourner. Le ciel s’embrase vers Hêraklion.

Une joie immense envahit le cœur de Bergé. Il attendait cet instant depuis deux ans. Les autres se congratulent, mais il faut disparaître et le commandant les relance en avant. Le rendez-vous avec le sous-marin est sur la côte sud, de l’autre côté de l’île dans 72 heures.

L’ennemi va rapidement se lancer à leur poursuite avec tous ses moyens. Les SAS français ont encore quelques heures devant eux. L’aube les surprend dans un amas de rochers où ils se camouflent. La journée du 14 passe très lentement. Ils ont très affreusement soif, le soleil les écrase de tout son poids et les mouches les harcèlent férocement. Personne ne vient les déranger.

Dès la tombée de la nuit, ils marchent comme fous dans un terrain dément. Ils sont à la limite l’épuisement lorsque les premières lueurs du jour reflètent sur la mer. Le point de rassemblement est proche. Maintenant, il faut encore se cacher. L’endroit n’est pas parfait, mais ils n’en peuvent plus.

Dans la matinée, ils sont découverts par un berger. À la demande de Petrakis, ils le libèrent ; l’autre promet de ramener de l’eau et des vivres. Pour tromper l’attente, Jellicoe et l’officier grec partent reconnaître le point d’embarquement. Le berger ne revient pas : il les a dénoncés aux Allemands qui les encerclent vers 17 h 00.

Pierre Léostic (1924-1942)

Mouhot engage le combat, qui va durer près d’une heure. Leostic est tué. À bout de munitions, les autres lèvent les bras après avoir rendu leurs armes inutilisables.

Le Triton ne ramènera que Jellicoe et Petrakis à Alexandrie. Ils ont entendu la fusillade. Ils pourront rendre compte de la réussite de la mission et du sacrifice des SAS français.

Après plusieurs tentatives, le sergent Mouhot s’évadera d’Allemagne et gagnera l’Angleterre en 1943. Moins heureux, le commandant Bergé terminera la guerre à la forteresse de Colditz..

La même nuit, dans le désert de Cyrénaïque

Durant cette nuit du 12 au 13 juin 1942 en Cyrénaïque, les cinq autres équipes du French Squadron ont aussi attaqué l’ennemi en même temps que Stirling et les siens. Le lieutenant Jordan, avec trois groupes, prenait en compte les trois aérodromes de Derna ; l’aspirant Zirnheld celui de Derka ; le sous-lieutenant Jacquier neutralisait Barce.

L’oasis de Siwa, que la légende appelle la piscine de Cléopâtre, sert de base de départ aux commandos SAS formés de deux équipes anglaises commandées par le major Stirling et son adjoint, le capitaine Mayne, et de trois équipes françaises, soit 25 hommes du French Squadron.

L’une est aux ordres de l’aspirant Zirnheld, recruté à Damas où il périssait d’ennui dans un bureau. Dans le civil, il est professeur de philosophie ; intellectuel brillant, poète, c’est aussi un redoutable homme d’action. Son objectif, c’est Berka III, un des aérodromes de Benghazi, à 1 500 km au nord-ouest. Ses hommes, le sergent-chef Bouard, les caporaux-chefs Fauquet et Iturria, le caporal Le Gall et lui-même seront amenés à pied d’œuvre par un détachement du LRDG.

Le 11 juin, les « rats du désert » les abandonnent à 40 km de Benghazi, en plein bled.

Rendez-vous au 18 juin, bonne chasse, bonne chance !

Ils marchent la nuit, se camouflent le jour. Au milieu de la deuxième nuit, celle du 12 au 13 juin, ils parviennent à proximité de l’aérodrome pendant une attaque de la RAF. L’alerte leur facilite l’intrusion dans le dispositif ennemi.

Victor Iturria (1914-1944), Compagnon de la Libération.

Sans coup férir, Fauquet piège trois avions ; au quatrième, les guetteurs réagissent et le blessent légèrement. Ce sont des Italiens, ils restent prudents. Bouard continue le sabotage sur deux autres appareils pendant que les autres maintiennent l’adversaire à distance ; Iturria, à coup de grenades ; l’aspirant et Le Gall, avec leurs PM. Les défenseurs se renforcent et leur agressivité contraint les parachutistes au repli. Bouard est blessé, mais ils réussissent à disparaître dans la nuit.

Au jour, ils sont recueillis par des nomades qui soignent le blessé, les cachent et les mettent en contact avec le capitaine britannique Mayne, qui revient lui aussi d’opération.

À l’aube du quatrième jour, ils atteignent ensemble le point de rencontre avec le LRDG, qui les ramène à Siwa où le sous-lieutenant Jacquier, un autre chef d’équipe, les a déjà précédés. Avec ses trois hommes, Martin, Lagèze et Boutinot, il n’a pu atteindre les avions de Barce. Ils se sont contentés de faire sauter le dépôt de bombes, dont la déflagration a détruit les bâtiments de l’aérodrome, bouleversé la piste et endommagé plusieurs appareils. Ainsi, une vingtaine d’appareils ennemis ont été mis hors d’usage, sans pertes amies. Il n’en est malheureusement pas de même pour les actions prévues contre Damna. Seul le lieutenant Jordan est revenu. Quatorze hommes sont portés manquants.

Depuis Siwa, les trois groupes de cinq parachutistes sont transportés jusqu’à Derna par trois camions allemands récupérés, conduits par des Allemands antinazis recrutés par le SIG. Tout se passe bien jusqu’à l’entrée dans la ville. Ils se mêlent sans difficulté aux convois des forces de l’Axe talonnant la VIIIe armée qui retraite.

Augustin Jordan (1910-2004), Compagnon de la Libération.

Un des véhicules tombe en panne. Jordan décide d’abandonner un des trois objectifs. Un des chauffeurs trahit. L’équipe de Jordan et celle du caporal de Bourmont sont interceptées dans leur camion avant d’avoir opéré. Dans la confusion, le chasseur Guichaoua lance une grenade et s’échappe ainsi que le lieutenant. Les autres sont rapidement neutralisés. Il en est de même pour l’équipe du caporal Tournert qui devait traiter le second objectif : Martouba II. Guichaoua place sa dernière grenade dans un appareil qui flambe. Il est blessé à la tête, mais s’échappe vers le nord-ouest. Le 17, il tombe sur un bivouac italien ; il est de nouveau blessé à la main mais s’enfuit encore. Perdu dans le désert, il est prisonnier le 19 juin par une patrouille italienne. Jordan rejoint seul le point de rencontre.

Guichaoua est mort de maladie en Italie en août 1942 ; de Bourmont, Widal, Prados, Geiger se sont évadés d’Italie en septembre 1943 (Geiger a été repris) ; Gillet, Jouany, Tourneret, Royer J., Royer G., Logeais, James sont morts lors du torpillage du bateau qui les emmenait en Italie ; Drezen a perdu une jambe ; Legoff, évadé, continuera À campagne.

Sur les arrières ennemis d’El-Alamein

Quelques navires des convois ont réussi à atteindre Malte, peut-être grâce aux actions menées par SAS. Mais Tobrouk tombe, Siwa est évacué. Rommel atteint El-Alamein. Le général Montgomery qui vient de prendre le commandement de VIIIe armée, demande à Stirling de poursuivre et même d’intensifier ses opérations.

À Kabret, où il s’est regroupé, le French Squadron se réarme. Le 3 juillet, 60 parachutistes gagnent, avec les SAS anglais, une base s située en plein désert, à l’ouest de la dépression Qattara, à une centaine de kilomètres au sud Marsa Matruh, loin sur les arrières ennemis.

Michel Legrand (1918-1955), Compagnon de la Libération.

De là, le « Major Fantôme » lance des raids les aérodromes de la zone côtière. Dans la nuit 7 au 8 juillet, trois équipes chargées d’intercepter les convois routiers circulant sur la roue qui conduit à Alexandrie sont mises en place. Elles n’obtiennent guère de succès. Au cours de la même nuit, le lieutenant Jordan et l’aspirant Legrand s’en prennent, avec leurs hommes, aux bases aériennes de Fuka XVI et Fuka XIX. Si l’aspirant ne peut atteindre objectif, le capitaine détruit 8 Messerschmitt à Fuka XIX.

Le 11 juillet, Fuka XVI est de nouveau pris à partie ainsi que deux bases à El-Doba. Jordan et Legrand détruisent 4 appareils, mais Legrand est blessé. Les deux autres groupes, commandés par les aspirants Zirnheld et Martin, sont décelés par l’aviation qui détruit 2 Jeep avant l’action. L’attaque, menée par surprise par des commandos à pied, devient de plus en plus difficile.

Stirling équipe ses troupes en véhicules tout-terrain fortement armés, libérant ainsi le LRDG qui devient disponible pour d’autres missions, et surtout rend autonomes ses propres équipes d’assaut. Ainsi elles pourront utiliser d’autres formules d’attaque sur les arrières d’El-Alamein. C’est ainsi que les SAS donneront l’assaut, tous moyens réunis, à l’aérodrome de Sidi Haneish, dans la nuit du 26 au 27 juillet 1942.

Au milieu de la nuit, sous la lune haute dans le ciel, le désert s’étend devant la Jeep de tête. Les véhicules du LRDG sont restés en arrière, loin dans les dunes de l’erg qui ressemblent à des vagues figées lors de la naissance du monde. L’aérodrome de Sidi Haneish, un important centre de transit de la Luftwaffe, est là, sous les yeux des assaillants.

À deux kilomètres au nord, la piste d’envol est bien visible. La clarté lunaire fait ressortir les arêtes dures des bâtiments, les hangars, la tour de contrôle, les garages. Des avions sont visibles. Autour d’eux, à la lueur des phares, des hommes s’affairent auprès des camions-citernes et des chariots de bombes : les Allemands préparent des opérations.

Stirling donne ses ordres par radio. La manœuvre a déjà été répétée, les dispositions sont faciles à prendre. 16 Jeep chargent comme un escadron de cavalerie. Les sabres et les lances sont remplacés sur chaque véhicule par deux jumelages de mitrailleuses Vickers. 72 armes automatiques tirent en même temps !

Trois équipages français participent à cet assaut furieux qui sème la terreur et la mort sur la base aérienne. Le lieutenant Jordan et les aspirants Zirnheld et Martin qui les commandent ne céderaient pas leurs places pour un empire.

Les balles traçantes et incendiaires s’enfoncent dans les appareils, dans les citernes de carburants, dans les bâtiments. Toute la base brûle, explose. Des silhouettes affolées courent en tous sens, poursuivies par le flot d’essence qui brûle, les gerbes de balles, les grenades qui éclatent.

Durant trois quarts d’heure, l’enfer et la folie règnent sur Sidi Haneish. À 01 h 45, les assaillants disparaissent dans la nuit en direction du désert où ils éclatent en petits éléments. Il n’y a pas de pertes chez les Français, tout juste un tué chez les Britanniques.

André Zirnheld (1913-1942), Compagnon de la Libération.

Une première crevaison retarde la Jeep de l’aspirant Zirnheld, puis une seconde. Malgré l’aide du sous-lieutenant Martin, les réparations prennent beaucoup de temps. Puis, c’est le brouillard qui les ralentit et leur fait perdre la piste. Quand le jour se lève, ils se camouflent dans un amas de rochers, mais, à 07 h 30, une patrouille de Stuka les repère et les prend pour cible. Dès le premier passage des quatre appareils, Zirnheld est blessé au bras ; au troisième mitraillage, il est grièvement atteint à l’épaule et au ventre. L’aspirant va mourir, et il le sait. Il demande à son camarade Martin de l’abandonner. Les avions vont revenir. Martin tente de le transporter. Zirnheld souffre atrocement ; la piste est effroyable, la chaleur terrible. Il meurt vers midi. Ses compagnons l’enterrent sur place. Il est probable que la croix sommaire, plantée entre les cailloux recouvrant sa tombe afin d’abriter son corps des bêtes du désert, est le monument que souhaitait l’auteur de la « Prière du para ».

Trouvée dans ses papiers, elle sera lue à la radio de Londres quelques semaines plus tard. Le sacrifice de l’aspirant Zirnheld est le prix payé par les SAS du French Squadron pour la destruction de 40 avions à Sidi Haneish. Sur 400 appareils détruits environ par le 1er bataillon SAS, plusieurs dizaines ont été mis hors d’usage en moins de deux mois par les Français.

 

Naissance de la 2e compagnie d’infanterie de l’air

Fin août 1942, Montgomery, soucieux de soulager la VIIIe armée qui prépare sa contre-offensive sur El-Alamein, organise plusieurs actions sur les arrières de Rommel. Il ne s’agit pas moins que d’enlever par surprise Tobrouk, Barce et Benghazi. Les SAS, sous le commandement de Stirling, s’empareront de Benghazi dans la nuit du 15 au 16 septembre. Mais l’opération Perce-Neige tourne mal. La surprise ne joue pas, l’assaut échoue, le repli est difficile ; car les Allemands disposent de troupes nombreuses et d’une aviation active.

Une vingtaine de parachutistes français, armant 4 Jeep et 3 camions, en reviennent indemnes. Les hommes du sous-lieutenant Harent abattent deux avions lors du retour à la base.

Le 20 octobre seulement, le bataillon SAS est rassemblé à Kabret. La 1re CIA reçoit l’ordre de rentrer en Grande-Bretagne au début du mois de décembre. Avec quelques anciens, de nouveaux volontaires, le capitaine Jordan, qui reste avec Stirling, entreprend de créer une autre CIA, pendant que le French Squadron aux ordres du lieutenant Fouchet embarque à Suez.

En novembre 1942, les Alliés ont débarqué en Afrique du Nord. En janvier 1943, Rommel s’est replié derrière la ligne Mareth qui sépare la Tunisie de la Libye. Les avant-gardes de Montgomery atteignent tout juste Tripoli. De violents combats se déroulent en Tunisie. Adossés à la frontière algéro-tunisienne, les Alliés piétinent et les soldats américains, inexpérimentés, encaissent des coups très durs.

Les SAS reçoivent l’ordre d’attaquer la voie ferrée Sfax-Gabès qui amène aux troupes allemandes les approvisionnements nécessaires. De Ghadamès, où ils se regroupent, deux détachements progressent vers le nord et la frontière tunisienne. Stirling commande l’un, le capitaine Jordan commande l’autre.

Le 19 janvier 1943, le détachement Jordan entre en Tunisie. Les deux forces font liaison dans la région de Ksar Rhilane. Stirling précise les objectifs. Il importe d’abord de forcer la trouée de Gabès.

Les SAS y parviennent, atteignant Bir Soltane le 23 janvier 1943. Le détachement du capitaine Jordan se heurte à un convoi de blindés allemands. Les parachutistes passent en force, mais perdent une Jeep, détruite avec son équipage.

Comme prévu, la voie ferrée Sfax-Gabès est sabotée. Les Allemands engagent le combat, le détachement éclate. Le sous-lieutenant Martin et ses hommes, pratiquement cernés, abandonnent leurs véhicules. Ils atteignent les positions américaines à pied, puis Gafsa. Ils réalisent ainsi, les premiers, la liaison entre la VIIIe armée venant d’Égypte, encore à Tripoli, et les Alliés débarqués en Algérie.

Bernard Harent (1916-1944), Compagnon de la Libération.

Le sous-lieutenant Legrand et ses hommes parviennent à Gafsa le lendemain, également à pied. Lors d’un accrochage, ils ont perdu Jordan, qui, à court de carburant, est capturé avec trois hommes. Le sous-lieutenant Harent atteint Constantine le 7 février, il lui reste une Jeep sur les cinq du départ.

Jordan rejoindra Bergé à Colditz, ils y retrouveront le major Stirling.

La 2e compagnie d’infanterie de l’air rejoint l’Angleterre en mars 1943. Avec la 1re compagnie, elle formera le 1er bataillon d’infanterie de l’air des Forces aériennes françaises libres.

Ainsi quelques dizaines d’hommes, qui croyaient à la devise « Qui ose gagne », ont, avec leur sang et leur courage, donné naissance à la glorieuse légende des SAS français.

 

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