L’institut de la recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM) a organisé un colloque le 24 novembre sur le thème « Les engagements stratégiques français : nouveaux regards ». Il s’agissait aussi d’une mise à l’honneur des jeunes doctorants. Or, au même moment, le Monde du 24 novembre 2011 publiait un sondage qui jugeait sévèrement les jeunes d’aujourd’hui qui seraient notamment paresseux (53%) et pas engagés (64%).
Ce colloque sur l’actualisation du Livre blanc présidé par Jean-Claude Mallet, ancien président de la commission du Livre blanc de 2008, a montré exactement le contraire avec les brillantes interventions de ces 13 doctorants en relations internationales, en droit, en défense, en sciences politiques, en histoire. Les sujets touchant à la défense nationale étaient en effet complexes mais ces jeunes ont montré qu’ils étaient travailleurs, intelligents, engagés raisonnablement, avaient des propositions sans être toutefois encore des stratèges… Certains étaient officiers de réserve, d’autres chargés de cours dans différentes universités. Tous publient. Les jeunes qui s’intéressent à la défense seraient-ils différents du reste de la jeunesse française ? A voir. Leur seule présence ce 24 novembre montre qu’il peut y avoir de l’espérance et que le ministère de la défense doit poursuivre son effort de soutien.
Pour en revenir au colloque où j’ai eu le plaisir d’animer une des quatre tables rondes, intitulée « Une stratégie pour l’action », les interventions ont montré tout leur intérêt concernant les évolutions possibles du Livre blanc. Ce qu’il en ressort est le souci généralement partagé que la France ait une position influente sur les relations internationales et de sécurité. Définir ses intérêts dans le Livre blanc et identifier l’influence qu’elle veut avoir demain sont apparu comme des priorités.
Par ailleurs, le représentant du SGDSN a souligné comme Jean-Claude Mallet qu’il fallait intégrer dans la réflexion stratégique du Livre blanc les conséquences de la crise économique, les rapports difficiles avec les Etats émergents, le constat d’une ONU peu réformable aujourd’hui (cela contredisant les accords Verts-PS rapportés par JD Merchet sur son site le 25 novembre), la montée du terrorisme notamment avec l’africanisation d’AQMI confirmée par les actions de ces derniers jours, enfin les grandes difficultés de la mise en œuvre de l’approche globale et de l’interministérialité dans la sortie de crise.
Les différentes interventions de Jean-Claude Mallet ont rappelé cependant que le Livre blanc n’était pas un objet théorique mais une « doctrine » (donc le « comment faire »), un objectif politique qui donnait un cadre de référence afin d’agir dans notre environnement proche. A ce titre, un large débat citoyen ne peut selon moi être exclu notamment à travers les programmes des prétendants à la présidence. Il a souligné que nous devions avoir une capacité permanente d’adaptation à la menace et que l’outil de défense devait être flexible (ne l’est-il pas aujourd’hui, d’ailleurs dans des limites extrêmes ?). En second point, la stratégie du pays devait intégrer le facteur économique, la bascule de la puissance loin du monde occidental. Il a évoqué l’importance du lien entre citoyenneté et défense qui mériterait effectivement que nous nous y penchions sérieusement, les conséquences sur les priorités en moyens de défense notamment dans l’acquisition de la connaissance des situations de crise et des capacités opérationnelles immédiatement disponibles par opposition à des programmes coûteux sans forcément utiles (Il faudra cependant expliquer lesquels et selon quels critères). Enfin aucun sujet ne devrait être écarté de la mise à jour du Livre blanc … même le nucléaire.
Le problème est que la dimension économique est devenue d’une telle acuité que l’on peut douter de la future capacité d’adaptation de notre outil de défense. Chacun s’attend à une nouvelle diminution de cette capacité. Dans ce cadre, le Livre blanc amendé sera-t-il vraiment capable de définir un « comment faire » à la hauteur des ambitions pour une France future forte et puissante ou ne sera-t-il que l’aveu de la fin de notre ambition même de puissance moyenne ?