Après avoir consacré un ouvrage sur le parcours de deux soldats corses dans la Grande Guerre, Dominique Camusso prend sa plume cette fois-ci aux côtés de Marie-Antoinette Arrio pour raconter l’histoire d’Eugénie Djendi.
Dans cet ouvrage, les deux auteurs retracent le parcours d’une jeune femme dont le nom a été découvert au détour d’un cimetière corse, dans le village d’Ucciani. Cette enquête passionnante, de la Corse à l’Algérie, de Londres à la France évoque le parcours singulier de cette Eugénie qui a fait le choix de s’engager dans la lutte contre l’occupant.
En janvier 1943, Eugénie âgée de seulement 19 ans rejoint le Corps Féminin des Transmissions à Alger. Après quelques mois de formation, elle occupe plusieurs postes d’opératrice d’Alger à Tunis et participe à la campagne de Tunisie. C’est alors qu’elle reçoit une proposition qui va changer sa vie : rejoindre les services spéciaux. Les agents qui opèrent déjà en France sont décimés par les services de renseignements allemands et il est rapidement nécessaire de les remplacer. Les femmes du Corps des Transmissions disposent alors de profils intéressants : jeunesse, maîtrise technique des outils radios.
À partir de novembre 1943, Eugénie Djendi va être formée pour devenir agent du contre-espionnage du réseau « Travaux Ruraux ». La jeune femme prépare sa mission d’infiltration pour laquelle elle a été recrutée : exercice physique, combat rapproché, maniement des armes, camouflage, parachutage, conduite automobile … Elle peaufine son infiltration en s’informant sur la manière de parler en métropole, les manières pour se fondre dans la masse. Eugénie complète sa formation d’opératrice avec l’apprentissage du chiffrement et la manipulation des modèles militaires.
Février 1944, Eugénie apprend qu’elle est désignée pour une mission. Elle doit se rendre en Angleterre d’où elle prendra un avion qui va la parachuter en France. Sa mission une fois débarquée est de rejoindre une cellule dont le PC est à Mâcon.
Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu… La suite pour Eugénie sera la captivité et la déportation au camp de Ravensbrück en août 1944. Il s’agit de sa dernière destination, la jeune Eugénie y décédera le 18 janvier 1945.
Cette enquête sur les traces d’Eugénie Djendi permet de mettre en lumière la vie d’une jeune femme qui s’est engagée pour la France mais aussi de rappeler le sacrifice de tous ceux qui étaient à ses côtés. Son parcours témoigne du processus de recrutement dans les services spéciaux, de l’entraînement et de la planification des opérations. Il apporte une pierre à l’édifice à la mémoire de ceux qui se sont engagés contre l’Allemagne nazie. L’ouvrage repose sur la compilation de témoignages mais aussi d’archives tel que les dossiers individuels conservés au SHD, archives départementales et d’amicales d’anciens combattants ou victimes de guerre.
À la fin de l’ouvrage, une liste des lieux de mémoire où est inscrit le nom d’Eugénie Djendi ; Ramatuelle, Tempford, Paris, Ravensbrück. Fait intéressant, c’est dans un jardin (du XVe arrondissement de Paris) qui porte son nom que le monument dédié aux morts en OPEX a été inauguré le 11 novembre 2019.
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La vie brisée d’Eugénie Djendi, de l’Algérie à Ravensbrück. Dominique CAMUSSO, Marie-Antoinette ARRIO. Série Deuxième Guerre mondiale, L’Harmattan. 2020. 20,50 euros