mercredi 27 novembre 2024

Ministère de la défense ou ministère des Armées?

Ce colloque d’une matinée au titre évocateur « La guerre pourquoi en parler encore ? » a été une réussite. Célébrant le 1er anniversaire de la nouvelle école de guerre, il était animé par Pierre Servent avec des intervenants de qualité : Hervé Mariton, député de la Drôme, Louis Gautier, ancien conseiller défense de Lionel Jospin, le général d’armée Jean-Louis Georgelin ancien chef d’état-major des armées et Elisabeth Lévy, journaliste et « polémiqueuse ». Je ne commenterai pas les propos tenus qui méritent une réflexion plus sereine. Je réserve donc mon week-end pour cela. En revanche, deux réflexions à chaud méritent à mon avis que l’on s’y attarde… peut-être.

Ainsi cette promotion de stagiaires français et étrangers de l’Ecole de guerre, tous officiers supérieurs, a reçu son nom de baptême. Elle s’appelle désormais « Maréchal Juin » (1888-1967). La précédente s’appelait « Général de Gaulle ». Le clin d‘œil de l’histoire est que Juin était le major de la promotion de Saint-Cyr à laquelle appartenait… le général de Gaulle.

Un autre clin d’œil pourrait être la référence à la publication par le maréchal Juin d’un ouvrage intitulé « Trois siècles d’obéissance militaire : 1650 – 1963 » (Plon, 1964, 210 pages) que j’invite à lire. Ecriture fluide, exemples clairs pour montrer que l’officier français avait (presque) toujours obéi mais que son obéissance devait être finalement réfléchie dans le contexte des guerres auxquelles il participait. On y lit dans la préface de la version d’origine aussi bien la référence à la dissidence du 18 juin 1940 que celle du putsch d’Alger alors cet ouvrage était en attente en 1964 de « la sentence d’acquittement rendue par la Cour de sûreté de l’Etat dans le procès du général Vanuxem », père de mon camarade de promotion décédé accidentellement en Côte d’Ivoire…

C’est aussi cette préférence du général Georgelin exprimée durant ce colloque pour un ministère des armées qui ne soit pas celui de la défense. Pour illustrer sa position, il a rappelé l’origine récente de cette dénomination créée en 1969 au profit de Michel Debré, ancien premier ministre, afin qu’il entre dans le gouvernement du président Pompidou.

J’apprécie d’autant plus cette proposition que je l’avais évoquée dans un article intitulé « De l’armée de métier du lieutenant-colonel De Gaulle à l’armée de métier de demain » en juillet 1997, puis dans « Une armée professionnelle a-t-elle un avenir dans une démocratie moderne ? » en juillet 1998, tous les deux parus dans le Casoar, revue des Saint-Cyriens. J’avais aussi récidivé le 13 juillet 2011 dans le Monde « Quelles forces armées pour la France au XXIe siècle ? ».

Or, nous en sommes toujours à ce ministère de la défense qui n’exprime pas l’âme des armées ni leur finalité, faire la guerre ou la préparer pour en dissuader un adversaire éventuel pour rester dans l’esprit de ce colloque. En l’occurrence, les points de vue se rapprochent mais la proposition n’aboutit pas. Les militaires n’auraient-ils donc aucune influence comme ils le regrettent parfois ? En cette période électorale, pourquoi ne pas proposer cette transformation symbolique, déjà inscrite sur le fronton du ministère de la défense, boulevard saint-Germain ?

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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