jeudi 6 février 2025

Officiers généraux et participation au Grand Débât

Titre un peu « accrocheur » car les militaires n’ont pas été présents en tant que tels dans le Grand Débat qui aurait pu cependant les concerner par certains points. L’objet de ce billet aborde en fait la participation au moins de quelques officiers généraux en seconde section à l’animation des Grands Débats au niveau des départements.

La période des Grands Débats s’achève ce week-end. J’ai eu l’opportunité et la chance d’être sollicité comme animateur par la préfecture de l’Essonne pour me mettre à la disposition des maires qui le souhaitaient. Sur les trente animateurs « volontaires », nous étions trois généraux, deux de la gendarmerie et moi-même de l’armée de Terre. 16 des 30 volontaires étaient des commissaires-enquêteurs. Je n’évoquerai que mon sentiment sur cette nouvelle expérience dans l’engagement citoyen.

Sur l’organisation locale des “Grands Débats” en Essonne

J’ai animé six grands débats sous des formes différentes. Tous se sont déroulés dans une atmosphère de dialogue et d’écoute, sans violence verbale, avec souvent plutôt une envie de parler que d’être une force de proposition. Le refus de traiter le sondage ayant trait au Grand débat et jugé trop orienté a été général. Il a donc fallu faire connaître le site du Grand débat pour qu’individuellement il soit au moins répondu aux questions posées.

Des réactions intéressantes peuvent être relevées avec amusement. Précisant à chaque débat qui j’étais et pourquoi j’étais là, le fait de préciser que j’étais officier général a suscité parfois quelques crispations, certes, de courte durée de l’auditoire J’ai rappelé que ce type d’engagement était citoyen… au même titre que d’autres. Cela montre aussi les perceptions mitigées qui peuvent encore apparaître dans notre société civile peu au contact des militaires.

J’ai été particulièrement chanceux dans mes contacts puisque quatre de ces grands débats ont accueilli un député chacun (LREM ou LR, information me semble-t-il intéressante politiquement) et un Premier ministre à Saint-Germain-Lès-Corbeil le 7 mars, au demeurant au contact très sympathique. Il était net aussi que les premiers maires rencontrés étaient peu motivés mais au fur et à mesure, leur intérêt s’est éveillé quant à l’utilité de ces débats sous un format différent de celui qu’ils pratiquent le plus souvent au niveau local. Quant aux députés, ne cumulant plus les mandats, il était clair qu’il leur fallait ce contact avec la population. Il faut en effet constater sur l’ensemble de ces six animations leur forte implication pour susciter ces débats.

Cependant, à l’issue, tous ont jugé ces échanges utiles avec bien entendu une attente forte de la suite qui sera donnée ce que nous verrons bientôt. Chaque commune a par ailleurs fait le travail de secrétariat pour recueillir les propos, certes bien souvent après le leur avoir rappelé, les mettre en ligne pour les administrés et les envoyer à l’organisation du « Grand Débat ».

Concernant la sociologie du public, entre 60 et 140 personnes en fonction des communes, il faut bien constater que la population n’était pas totalement représentée. Les « gilets jaunes » étaient visuellement absents et très peu d’intervenants s’en sont revendiqués. Constatons ce que d’autres observateurs ont généralement aussi constaté : 50% et plus de retraités, moins de 5% de jeunes, pas de minorités visibles.

Quelques thématiques

Sur le fond, des sujets ont été évités ou abordés indirectement comme la CSG sur les retraites, l’immigration, le référendum d’initiative citoyenne. Peu de propositions sont apparues dès lors que les réunions étaient globales. L’organisation que je proposais – travailler d’abord en groupe sur chacun des quatre thèmes, puis restituer par groupe devant l’ensemble de l’auditoire, enfin débattre collectivement – a été beaucoup plus productive lorsqu’elle a été acceptée.

J’ai retenu un certain nombre de remarques ou propositions :

  1. Équité de tous devant l’impôt avec la demande que chacun paie l’impôt sur le revenu même symboliquement ;
  2. Moins de pression fiscale, des dépenses publiques maîtrisées et des impôts mieux justifiés ;
  3. Des aides sociales mieux utilisées et donc attribuées avec par exemple une obligation de bons d’achat pour les allocations de rentrée scolaire et non le versement de somme d’argent, dans l e dossier du Grand Débat, il faut rappeler que sur 1000€ de dépenses publiques, 575€ sont consacrés à la protection sociale (et 31€ à la défense par exemple).
  4. Le vote blanc ;
  5. La fermeture de l’ENA ;
  6. Un mille-feuille administratif à simplifier – les citoyens ne savent plus vers qui se tourner dans le cas des intercommunalités, avec un maire se retrouve aussi en première ligne sur tous les sujets ;
  7. La simplification des formalités administratives en général ;
  8. Les indemnités des élus mais aussi leur statut, les unes n’allant pas sans l’autre ;
  9. Le système de santé mais sujet évoqué uniquement lorsque le Premier ministre est venu, le hasard (réel) ayant été que des intervenants étaient du monde médical et avaient lancé le débat sur cette question. La visite du Premier ministre n’était pas annoncée ;
  10. L’arrêt de la pression sur les petites communes pour faire des logements sociaux alors qu’elles n’en ont pas les moyens, et pas souvent le foncier.

Pour conclure

Je souligne l’intérêt de faire appel aux généraux dans la participation à la vie citoyenne. Je ne sais si beaucoup d’entre eux ont participé à cette activité. Certains m’ont dit refuser ce type d’engagement. Pour ma part, être plus présent dans la cité me paraît indispensable. Cela a suscité des propositions ou remarques, inévitables sur une partie des thèmes abordés.

Cela a permis d’utiliser cette opportunité pour répondre avec autant de compétences possibles sur le rétablissement du service militaire proposé y compris par ceux qui n’avaient pas voulu le faire, sur les économies dans la défense avec cet exemple de cette armée qui « fait tourner ses véhicules dans la cour des casernes pour justifier la dotation de l’année suivante ». L’intervenant qui ne pouvait pas avoir fait son service militaire relatait un fait que je n’ai jamais vu en presque quarante ans de carrière ! Mais le mythe perdure même si bien avant, cela semble s’être produit. Dans le domaine de la transition écologique enfin, une question intéressante m’a été posée. Quelle est la dépendance des armées aux hydrocarbures et notamment au moteur diésel ? Question pertinente aujourd’hui car je ne crois pas que nos chars puissent fonctionner à terme à l’électricité…

Aussi, dès lors que les préjugés sur les officiers généraux ont été corrigés, après des premiers contacts souvent surprenants sinon suspicieux, la société civile nous reconnaît quelques compétences, sinon une image positive. Refuser cette spécificité militaire par une trop grande discrétion, c’est, faut-il aussi le rappeler, ne plus exister à terme et laisser d’autres parler ou penser à notre place. Les généraux doivent être présents, actifs dans la société civile et ne pas se dissimuler. Nul ne peut nier leur sens du service et cet effacement ne peut être que préjudiciable à la Nation et bien sûr à la République.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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