samedi 20 avril 2024

Patrie et forces armées, pour un patriotisme différent et citoyen

L’année 2011 et cette seconde semaine de novembre 2011 sont extrêmement symboliques pour la réflexion sur notre histoire moderne : 20 ans après la première du Golfe, 10 ans après les attaques du 11 septembre, un Goncourt décerné à « L’art français de la guerre » heureusement offert cet été et que j’ai lu avant qu’il ne soit récompensé (j’y reviendrai la semaine prochaine), enfin cette 93ème commémoration du 11 novembre qui précède celles prévisibles du cinquantenaire de la fin d’Algérie avec toutes les repentances, dérives ou propositions démagogiques possibles en cette période d’élections présidentielles françaises.

Tout est symbole et l’ensemble de ces faits symboliques de notre histoire militaire conduit à une réflexion particulière sur cette 93ème commémoration et sur ces événements, à la place aussi du soldat dans notre société. En ces temps d’engagements permanents de nos forces armées, ce 11 novembre met en avant le besoin de reconnaissance de l’engagement du soldat hier et d’aujourd’hui par le citoyen ordinaire.

En effet, l’Etat joue aujourd’hui pleinement son rôle à travers les cérémonies officielles. Le rôle des associations s’avère tout aussi fondamental. Cependant, la question n’est pas seulement celle de la reconnaissance collective de l’engagement du soldat au service de l’Etat et de la nation mais aussi celle de la reconnaissance par le citoyen ordinaire, vers ce que j’appellerai un patriotisme citoyen. Ainsi le site « Secret défense » de Jean-Dominique Merchet (JDM) raconte l’accueil fait au livre du lieutenant Nicolas Barthe, auteur du livre « Engagé » et écrit avec l’aide d’un jeune journaliste.

Ce que retient JDM est « l’ignorance » de beaucoup de Français – notamment des journalistes que N. Barthe a rencontrés – pour la chose militaire : « Ils ne savent pas ce qu’est une section (30 hommes), n’ont pas idée de la hiérarchie ». Ce qu’il remarque aussi est « cette ignorance qui se conjugue à une quasi-absence d’a priori », en fait une transparence du soldat dans notre société… sauf peut-être quand elle est en crise.

Je me remémore en revanche ces images qui circulent depuis plusieurs années sur le net concernant le retour d’Irak ou d’Afghanistan de ces soldats américains, canadiens, britanniques, australiens tués aux combats et aux honneurs rendus par les populations qui montrent ce patriotisme citoyens manquant tant à nos soldats en France.

Ce ne sont pas que des images mais aussi ces gestes quotidiens que j’ai encore constatés la semaine dernière, de mission aux Etats-Unis. C’est certes cet accueil de ce préposé au contrôle d’un lieu civil où, me reconnaissant comme officier français, me remercie de Servir. Quel beau mot dont on peut de demander s’il ne devrait pas être plus largement enseigné même au sein de notre société à la fois inquiète et en perte de repères. Ce sont aussi aux Etats-Unis ces T-shirts « We support our troops » ou ces magasins exprimant leur soutien aux soldats en opérations.

Pourtant ce soutien populaire émerge peu à peu en France. C’est cette initiative du gouverneur militaire de Paris pour que les Parisiens puissent être informés et se rassembler à l’heure du passage des dépouilles mortelles de nos soldats rentrant d’Afghanistan pour leur rendre un dernier hommage. C’est aussi ce témoignage régional dont témoigne le blog du Mamouth le 31 octobre 2011 « Les mercis alsaciens aux Diables rouges ». L’Alsace soutient son régiment, le Quinze Deux, commandé par le colonel Jeand’Heur avec qui j’ai travaillé il y a quelques années (Bonjour, mon « jeune »). Comme il l’explique clairement, « Le 152e régiment d’infanterie a un ancrage fort en Alsace, et la population nous le rend bien ».

Cela veut bien dire que le peuple de France peut, doit soutenir régionalement ses unités mais aussi que la désertification militaire est une erreur. Il y a aujourd’hui moins de régiments que de départements. Il exclut un lien armée-nation dont l’absence conduit non plus à une transparence mais à une absence du militaire de la société française dans certaines parties du territoire. Et ce n’est pas la gendarmerie qui, compte tenu de ses missions, remplacera ce lien.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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