jeudi 18 avril 2024

Primaires à droite, relations internationales et sécurité intérieure

Disons-le franchement. L’actualité de la semaine passée ne peut conduire qu’à bien des interrogations. Le débat des candidats aux Primaires de la droite peut en effet interpeller sur la place de la défense et sur leur vision des relations internationales si l’un d’entre eux devenait président.

Renforcer les capacités militaires a été évoqué par plusieurs candidats mais je remarque que les deux favoris, Juppé et Sarkozy ont évoqué d’une manière explicite, sauf erreur de ma part pour le second, le seul renforcement de la police et de la gendarmerie. Je ne suis pas sûr que nous puissions compter sur ces deux politiciens pour renforcer les armées à compter de 2017 dans le droit fil des engagements pris par le gouvernement actuel.

Or, l’actualité de cette semaine montre que la guerre et les menaces resteront présentes pour de nombreuses années avec l’émergence de puissances militaires usant des armées pour appuyer leur politique étrangère. Ainsi, dans le cadre de la bataille pour Mossoul, la Turquie de l’islamo-conservateur Erdogan s’engage à peu à peu dans le combat. Installée au Kurdistan syrien, elle confirme sa présence non souhaitée dans le Kurdistan irakien où elle forme des combattants, dispose d’une base et appuie de son artillerie ces combattants. Il est plus facile de comprendre le manque de soutien des kurdes irakiens aux kurdes syriens désormais bien discrets dans leur engagement contre l’état islamique (Cf. Mon billet du 11 septembre 2016).

En Afrique, le déplacement d’Angela Merkel fait découvrir cette semaine une participation progressive de l’armée allemande aux opérations de maintien de la paix notamment avec 530 soldats au Mali au service des Nations unies et le souhait de construire une base permanente à Niamey (Niger).

Certes il ne s’agissait que du premier débat entre les candidats avant ceux du 3 et du 17 novembre prochains. Il faudra cependant qu’ils soient plus clairs, plus précis, plus engagés sur la politique étrangère de la France (Etats-Unis, Chine, Russie, Etats arabes du Golfe, Turquie dans le cadre européen) et finalement sur leurs orientations sur l’intervention des forces armées.

Concernant le territoire national, la Garde nationale a été créée officiellement à l’issue du conseil de défense du mercredi 12 octobre (Cf. Site de la garde nationale). Elle n’est qu’en fait une réorganisation de la réserve opérationnelle sous un autre nom avec des missions de sécurité intérieure. Deux piliers sont constitués : l’un sous l’autorité du ministère de la défense, l’autre sous celui du ministère de l’Intérieur. Il sera intéressant de voir l’organisation qui sera proposée le fonctionnement de cette autorité conjointe qui dépendra à mon avis beaucoup de la personnalité et de l’engagement des ministres concernés notamment à partir de mai 2017. Ceci conditionnera la viabilité de cette création nécessaire.

Aujourd’hui, l’objectif fixé par le Président de la République est que la Garde nationale comprenne 85 000 hommes et femmes à l’horizon 2018. Aujourd’hui, les réserves opérationnelles de la police, de la gendarmerie et des armées représentent un vivier de 63 000 personnes. Depuis cet été, 5 500 d’entre eux sont employés chaque jour comme le rappelle le dossier de presse. De fait, le prochain gouvernement aura la responsabilité de cette montée en puissance.

Des mesures incitatives sont proposées pour rejoindre la garde nationale et je retiens qu’il est enfin fait appel à « l’esprit patriotique ». Je ne peux, nous ne pouvons que soutenir cette décision qui vise à mobiliser les citoyens. Quel dommage qu’il ait fallu tant de morts dus aux attentats islamistes pour que la classe politique agisse pour faire face.

Enfin, la question de la sécurité intérieure avec cette attaque dans l’Essonne contre deux policiers avec la volonté de les tuer pose problème. Si les assaillants avaient su qu’ils auraient risqué leur vie en agressant un policier, auraient-ils osé ces tentatives d’assassinat ? Je ne le pense pas et l’ouverture du feu des policiers doit être revue avec une protection juridique qui peut aller jusqu’à accepter des erreurs de jugement. La loi et le contrôle de son application par la justice mériteront quelques changements.

Je suis pour ma part surpris aujourd’hui du manque de réactions dans la durée devant ces tentatives de meurtres. Il valait sans doute mieux compatir à Nice sur les victimes civiles de l’attentat islamiste du 14 juillet. Mieux vaut être une victime « civile » qu’un agent de l’Etat ! Le soutien aux policiers mis en avant après l’attentat contre Charlie hebdo a bien vécu mais n’avons-nous pas oublié un point important ? Qu’est-ce qui fait la crédibilité d’une force de police, d’une force militaire sinon la crainte qu’elles doivent faire ressentir notamment par leurs capacités à employer leurs armes ?

La crainte est un critère important pour l’image de ceux qui doivent imposer l’autorité de l’Etat. L’usage de la force en est un élément fondamental. Inspirer la crainte et non la peur contribue à conforter la force morale des agents de l’Etat qu’ils soient policiers, militaires ou réservistes de la Garde nationale. Elle contribue à la dissuasion nécessaire pour limiter la violence illégale, y compris avec ce dernier critère qui est celui du possible recours à une violence mortelle. Cette crainte de la force publique doit être reconstruite au sein de notre société pour que son effet dissuasif puisse s’exercer contre les acteurs de violence, qu’ils proviennent de la délinquance ou de groupes agissant par des actes terroristes.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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