Cet événement majeur du 21ème siècle a-t-il créé un nouveau Mur ? C’est possible au moins temporairement (voir l’excellent dossier de Politique étrangère sur la notion de « Mur » d’octobre 2010). Je ne peux cependant m’empêcher d’associer à cet événement la première guerre du Golfe qui a aussi marqué l’évolution du monde et des relations internationales.
Dans cette période 1991-2001[1], je constate en effet que nous étions, sommes entrés dans un nouveau conflit que je pourrais appeler la « guerre sans fin » pour l’instant, où les puissances redessinent la carte des relations internationales et bien loin des dividendes de la paix prônés à l’époque par un ancien Premier ministre, Laurent Fabius. Après la guerre froide et la lutte contre le monde communiste, nous sommes engagés dans un conflit civilisationnel entre un monde musulman incluant des mouvances terroristes mais les condamnant peu, un monde occidental se sentant en danger, une exacerbation aussi de cet antagonisme par le jeu des puissances comme la Chine et la Russie qui veulent exprimer leurs puissances au moins par leur capacité de nuisance.
Les conflits des vingt dernières années se sont majoritairement déroulés dans les Etats musulmans mettant aux prises des forces armées régulières, des mouvements de guérillas (Irak, Afghanistan), des groupes agissant par des actes de terreur au service de leur religion bien plus qu’au service d’un nationalisme ombrageux. Il n’est pas certain enfin que les conséquences des révolutions arabes soient un facteur d’atténuation de cette opposition civilisationnelle entre monde musulman et monde occidental, entre arabo-musulmans et occidentaux. L’avenir nous le dira.
Quel état des lieux pour les forces armées françaises ?
Peut-on cependant en déduire des conséquences militaires de cette agression terroriste du 11 septembre ? Constatons que jamais les forces armées n’ont été autant engagées alors qu’elles étaient réduites inexorablement, de réformes en réformes, sans réellement tenir compte de cet événement. Le 11 septembre ne semble pas avoir influé positivement sur les capacités des forces armées.
Certes, conséquence tardive de 1991 et non de 2001, c’est le fort développement de l’interarmées. Il a permis le renforcement nécessaire du rôle du chef d’état-major des armées depuis les décrets de 2005 en prenant sous son autorité les chefs d’état-major de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air. C’est l’affirmation de son rôle de conseiller militaire du gouvernement malgré quelques réactions négatives d’une partie du monde politique.
Un autre point important a été la suspension du service national en 1996 et sa conséquence, un modèle d’armée 2015 envisagé de 245 000 militaires environ soit une armée de terre de 136 500 hommes, une marine de 45 500 marins, une armée de l’air de 63 000 aviateurs. Modèle caduc malgré le 11 septembre.
En 2010, suivant les orientations données par le Livre blanc, les armées représentaient encore 235 230 militaires[2] et 69 990 civils (Source Bilan social du ministère de la défense de juillet 2011) avec une armée de terre de 125 141 « terriens », une marine de 39 868 marins, une armée de l’air de 52 519 aviateurs.
En 2014, l’armée de terre devrait comprendre, civils compris, 225 000 personnels (hors DGA, directions et services) soit 131 000 personnels pour l’armée de terre dont 88 000 pour les opérations, 44 000 personnels pour la marine, 50 000 personnes pour l’armée de l’air. La déflation a été la règle et a donc seulement un lointain rapport avec les conflits issus du 11 septembre.
Or le Livre blanc (P130) a rappelé que « le critère du nombre – effectifs et équipements demeure pertinent et ne peut être entièrement compensé par la qualité ». Il faudra toujours pouvoir déployer 30 000 hommes en six mois pour l’armée de terre. Nous sommes toujours à la projection souhaitée de 5 000 hommes sous court préavis mais aussi au déploiement de 1 500 hommes équipés à 8000 km par voie aérienne mais c’était déjà l’objet des travaux au sein des armées en 1998 !
[1] Ainsi en 1991, sur une armée de terre de 290 000 hommes, certes en incluant la conscription que beaucoup regrettent aujourd’hui, le pays ne pouvait envoyer que 12 000 hommes soit moins de 5% de ses effectifs soit encore 12 régiments constitués à partir de 50. La capacité de remplacement en cas de durée du conflit n’était que de 5 000 hommes. C’était aussi la difficulté à transporter loin les 16 100 personnels de la division Daguet posant le problème des moyens militaires de transport. C’était aussi la création de la direction du renseignement militaire, du commandement des forces spéciales qui ont fait en revanche la preuve de leur utilité militaire dans les conflits récents.
[2] armée de terre 19 345 civils, marine 6118 ; armée de l’air. Hors les trois armées, 17 702