Cette interview d’environ 8 minutes sur Cnews ce samedi matin incite à approfondir les réponses que j’ai faites (Cf. Sur Cnews en replay).
Soyons clairs. Ce budget 2018 pour la défense est satisfaisant seulement en apparence avec certes une hausse de 5,6% par rapport à 2017. Cette communication politique était néanmoins obligatoire après le départ du général de Villiers cet été. Je constate pourtant que le président Macron semble éviter désormais le milieu militaire, sa première défaite en communication :
*Le Premier ministre, certes responsable de la défense nationale selon la Constitution, retrouve sa place et présente le budget à Toulon ce samedi 31 septembre tout en évoquant la nécessaire confiance entre l’exécutif et les armées.
*La cérémonie d’hommage au sous-officier du 13e RDP tué au combat au Levant sera présidée par la ministre des armées…
Concernant le budget, le président Macron, chef des armées, s’est certes engagé à porter les ressources de la défense à 2% du produit intérieur brut… en 2025, hors pensions et hors surcoûts OPEX soit plus de cinquante milliards d’euros à cette date.
Pourquoi ce budget est-il seulement en apparence en hausse ? Le calcul est vite fait si l’on se réfère seulement au budget OPEX (et opérations intérieures) qui serait désormais pris complètement en charge par le ministère des armées malgré les engagements initiaux du président.
Ainsi, le ministère des armées ne sait pas encore comment financer les 850 millions d’euros au titre des OPEX 2017. Une ligne budgétaire pour les OPEX de 650 millions d’euros a été fixée pour 2018. Or, le coût réel pour les opérations extérieures et intérieures peut s’élever aux alentours d’1,4 milliard si je me réfère à 2016. Le coût cumulé de 1,6 milliard d’euros au titre des OPEX 2017 et 2018 à la charge des armées relativise l’augmentation budgétaire d’1,8 milliard. S’ajoutent la prise en compte des gels budgétaires de 2017 et les 3,4 milliards d’euros d’impayés reportés année après année selon le Figaro.
Ensuite, cette augmentation de 5,6% permettra d’atteindre 1,82% du PIB en 2018 (contre 1,77% en 2017 et 1,78% en 2016) … mais avec pensions, ce qui limite à nouveau cette augmentation. Certes, elle sera poursuivie avec 1,7 milliard d’euros de plus par an jusqu’en 2022. Si les OPEX durent au même rythme qu’aujourd’hui, le budget des armées ne va pas réellement s’améliorer.
Si je prends en considération les 18,5 milliards d’euros d’équipements prévus sur un budget 2018 hors pension de 34,2 milliards, je rappellerai que plus de 3,5 milliards d’euros sont dédiés à la dissuasion nucléaire et près de 4 milliards au profit du maintien en condition des matériels, dont les besoins sont nettement plus importants compte tenu de leur état général. Le matériel neuf livré devrait donc être limité et impacter l’industrie d’armement qui emploie quand même plus de 160 000 personnes.
Enfin, les armées continuent de perdre des effectifs. En 2018, 500 postes sont ouverts. Or, en 2019, malgré les nouveaux recrutements décidés après les attentats de 2015, les armées compteront 4600 personnels de moins qu’en 2014 selon le Figaro. Pour la période 2018-2022, les généraux ont pourtant demandé 9 000 personnels supplémentaires. La ministre Florence Parly a négocié 7 000 recrutements avec Bercy… qui en proposerait 1 500.
Faut-il rappeler que 64% des effectifs militaires sont sous contrat, donc licenciable ou au contrat non renouvelable si besoin est, à la différence par exemple de policiers qui pourraient être embauchés dans les budgets à venir cette fois jusqu’à l’âge de la retraite ? Recruter des militaires ne se fait pas dans l’objectif d’un emploi à vie mais en fonction des menaces. La position sous contrat de la majorité des militaires permet cette flexibilité des ressources, ce qui n’existe pas vraiment dans la fonction publique en général.
L’usure des personnels d’une part, l’efficacité des militaires de l’opération Sentinelle comme aujourd’hui à Marseille imposent donc des effectifs supplémentaires. La vision comptable de Bercy ne doit pas en revanche s’imposer. Il y va de l’efficacité d’une mission de protection de la population qui pourrait bien s’éterniser.
Mais, finalement, ne faut-il pas douter de la sincérité de ce budget 2018 ?