Une Marseillaise entonnée comme symbole d’un peuple uni contre la menace salafiste et les actes terroristes, un drapeau « bleu blanc rouge » que le président de la République a souhaité voir le 27 novembre 2015 flottant au vent chez tous les Français pour la journée d’hommage aux victimes du 13 novembre, une jeunesse qui se réapproprierait ces symboles (Cf. Le Monde du 27 novembre 2015, « La jeunesse s’empare des symboles républicains ») et dont une partie est volontaire pour s’engager dans les armées (Cf. Le Monde du 19 novembre 2015), être patriote même prend un sens positif, tout ceci montre que les symboles forts et fédérateurs de la France longtemps méprisés par une partie des Français dont un certain nombre aux orientations politiques – de gauche- bien affirmées, deviennent ceux de la résilience et du combat contre l’obscurantisme.
Aujourd’hui, l’appel au patriotisme
Pourtant, Ségolène Royal, candidate à la présidence de la République en 2007, et les médias l’ont largement souligné cette semaine, avait déclaré le 23 mars 2007. « Je pense que tous les Français devraient avoir chez eux le drapeau tricolore. Dans les autres pays, on met le drapeau aux fenêtres le jour de la fête nationale ». Elle avait aussi promis, si elle était élue, de « faire en sorte que les Français connaissent la Marseillaise ». Une partie de la gauche l’avait désapprouvée à l’époque et à compter de 2008 avait combattu toutes les formes de réappropriation des symboles nationaux. Pour quel résultat aujourd’hui ?
Les débats qui ont secoué la France sur le drapeau français et la Marseillaise depuis au moins cette époque ont montré la cristallisation des points de vue sur le respect à apporter à ces symboles sans réussir à l’imposer. Il a donc fallu le massacre de 130 Français et étrangers, touchant de nombreuses familles ou professions habituellement préservées pour que ces symboles retrouvent tout leur sens et leur pertinence dans l’esprit de résistance. Si les institutions et la classe politique avaient su garantir le respect de ses symboles et donc de la force des valeurs symbolisées, cela n’aurait-il pas pu être évité ?
Les responsabilités morales de ceux qui ont provoqué notre déliquescence
Suite à ces attaques du 13 novembre, il me semble maintenant nécessaire de poser aujourd’hui la question des responsabilités morales de partis politiques d’institutions, sinon même d’un certain nombre de citoyens qui ont refusé le respect dû aux symboles de la France, qui ont amené le délitement de l’identité française et de la capacité de résilience de la Nation, et finalement qui ont permis « intellectuellement » l’attaque de notre identité et de nos valeurs par des individus de nationalité française, éduqués et instruits en France.
Pourtant, cet affaiblissement de notre nation était dénoncé depuis longtemps par un grand nombre de personnes, de gauche comme de droite. Pour ma part, en réaction à des tribunes dans le Monde, j’avais publié un article intitulé « Respectons notre drapeau et notre hymne national ! » en avril 1993 dans le Casoar, revue trimestrielle des saint-cyriens. Certes, en le relisant, il me paraît assez sévère mais il s’avère malheureusement bien d’actualité. De fait, ne s’adressait-il pas aux parents des jeunes assassinés ce 13 novembre ? N’annonçait-il pas indirectement les conséquences futures de ce rejet de nos symboles qu’il nous faut désormais nous réapproprier ?
Des « intellectuels » bien-pensants… qui n’ont rien compris
Mais quelle virulence de ces quelques intellectuels dans ces deux articles du quotidien « Le Monde » du 8 février 1993 ! En réaction à la loi Sarkozy, ces bien-pensants, défenseurs des libertés individuelles à outrance, enseignants, chercheurs, artistes…, revendiquent le droit d’outrager le drapeau français et de ne pas respecter notre hymne national. Certes, en démocratie, l’individu peut revendiquer beaucoup de droits sans beaucoup de risques ou de contreparties, pourquoi pas celui de contester les institutions et leurs symboles ? J’aurai souhaité la même virulence contre ceux qui ont sifflé l’hymne national dans le stade de France.
En outre, ces intellectuels auraient-ils oublié l’article 2 de la constitution de 1958 : « la langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L’hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Le refus de respecter les valeurs de la République et leur dissociation des symboles les caractérisant ont conduit à la confiscation de ces derniers par l’extrême droite. D’autres symboles n’ont pas eu à ce jour le même refus comme le drapeau rouge et l’Internationale, autre hymne, au nom desquels les pires massacres ou atteintes aux droits de l’homme ont été faits. Je reconnais qu’une loi peut paraître excessive pour condamner toute atteinte à nos symboles républicains mais elle est à l’image de la dégradation de notre société dont ces quelques intellectuels sont la preuve.
« Quelques intellectuels », oui, car les artistes qui se sont rendus sur le Trocadéro entre les deux tours des élections présidentielles ont bien montré qu’ils avaient compris l’importance de nos trois couleurs et de notre hymne qu’ils ont chanté. Tout est symbole et ceux-là sont forts.
Ceux qui écrivent dans Le Monde aujourd’hui et revendiquent le droit de ne pas appliquer la loi, peuvent s’exprimer grâce à ceux qui ont défendu ces trois couleurs, à ceux qui, au nom des symboles de la France, sont morts sur les champs de bataille, dans les camps de déportation qu’ils soient nazis ou vietminh, pour que l’image de la France, malgré ses imperfections, soit au plus haut. Combien de ces « intellectuels » ont exercé leur devoir de mémoire et de reconnaissance le 11 novembre ou le 8 mai pour ces morts qui leur ont donné ce droit ? Il est vrai que le devoir de mémoire est devenu sélectif.
Une contestation « digne » du passé
Selon Bernard Cerf, auteur de l’un de ces deux articles du Monde, le droit d’outrager le drapeau et la Marseillaise est justifié par cette nécessaire capacité à s’opposer demain à des militaires. Effectivement, le militaire, aux ordres du pouvoir politique, élu par le peuple, peut recevoir la mission de protéger les institutions et donc ses symboles. Il est temps cependant que les idées fumeuses de mai 68 et autres idéologies du XXe siècle disparaissent. Les armées n’ont pas pour vocation de prendre le pouvoir !
La menace viendrait plutôt de ceux qui, au nom de libertés individuelles unilatérales, veulent contester par principe la société et ceux qui la défendent au nom des valeurs symbolisées par le drapeau tricolore et la Marseillaise. Cette contestation d’un autre âge est l’une des causes du mal-être de notre société. D’ailleurs, si peu de personnes ont réagi à cet amendement à la loi Sarkozy, n’est-ce pas un signe que beaucoup pensent qu’il est temps de retrouver des symboles communs et unificateurs pour vivre ensemble?
Effectivement, « le respect se mérite ». Où apprend-on ce respect sinon à l’école ? Il a quand même fallu qu’un ancien ministre de l’éducation nationale, M. Chevènement, impose d’apprendre la Marseillaise. On peut donc s’étonner que, s’exprimant dans un second article sur la même page, des enseignants ou des maîtres de conférence dépendant donc d’une institution au service de la République, revendiquent le droit de ne pas respecter ses symboles ou d’en refuser les lois. Il est temps pour eux de changer de métier pour garder leur liberté de parole et préserver la fidélité de leurs engagements, car que vont-ils apprendre à nos enfants ? A désobéir ?
Ce débat sur nos symboles républicains rappelle qu’ils sont indissociables de notre devise « Liberté, Egalité Fraternité ». La liberté, ou refus de tout esclavage, signifie aussi que celle de l’individu doit savoir s’estomper là où commence l’intérêt général de la collectivité. L’Egalité est celle de tous devant la loi, y compris de ces enseignants chargés de transmettre, avec neutralité, les valeurs de la société.
Enfin la fraternité permet cette tolérance mutuelle dans l’application équilibrée des deux premiers principes. Le drapeau et la Marseillaise sont les symboles de la communauté nationale. Le contester et revendiquer le mépris qu’on pourrait leur porter signifient le refus du rassemblement de tous autour de notre histoire.
Quant aux politiques, la grande majorité des députés a voté l’amendement à la loi Sarkozy, montrant justement leur engagement républicain au travers des symboles qui ont fait notre histoire. C’est d’ailleurs une responsabilité qui les honore. On peut donc s’inquiéter, certes à leur juste mesure, des réactions de ces quelques intellectuels qui revendiquent tous les droits, d’ailleurs au profit de quel modèle de société ?