La guerre contre le salafisme djihadiste se poursuit. Après une longue traque, le logisticien présumé sinon organisateur possible des attaquants du bataclan a été interpellé, les proches qui l’abritaient arrêtés, un de ses complices tué. Son manque de courage devant le suicide et son départ pour le Paradis dont il ne devait pas être vraiment convaincu pour le retarder, son passé de délinquant, tous ces paramètres montrent que cet individu n’est qu’un meurtrier de peu d’intérêt et méprisable en tant que personne, bien loin d’un héros. Nul doute que son interrogatoire apportera cependant des éléments intéressants sur l’organisation des attaques terroristes.
Il n’en reste pas moins que le grand soupir de soulagement des Français, sinon leur satisfaction, ne doit pas être le signe d’un abaissement de la garde pour plusieurs raisons :
- L’ennemi n’est pas mort. Il a subi une défaite mais n’a pas perdu sa guerre. Salah Abdeslam était semble-t-il dans le processus de réorganisation de son entreprise terroriste (Cf.Le Monde du 19 mars 2016). Par ailleurs, la peur du salafiste radical a été exprimée par de nombreuses interviews de la communauté musulmane. Ceci permettrait d’expliquer l’omerta régnante sur les engagements terroristes des salafistes djihadistes, la faiblesse des condamnations et ces témoignages de bonne conduite souvent entendus au bénéfice des terroristes dans les affaires précédentes. La reconquête des territoires perdus de la République et des esprits doit être entreprise.
- La vigilance reste de rigueur d’autant plus si l’on regarde les chiffres de la quinzaine relevés dans le Monde en des articles différents et à des dates de parution différentes (3 et 10 mars 2016), sans doute pour éviter tout amalgame ou stigmatisation. Une partie des salafistes djihadistes sont des « droits communs ». Or, les prisons françaises détenaient 30 000 détenus musulmans sur les 67 362 détenus recensés au 1er février 2016. La menace de radicalisation est donc réelle d’autant que seulement 200 aumôniers musulmans sont nommés à ce jour par le Conseil français du culte musulman pour contrer le discours salafiste djihadiste des imams autoproclamés en prison.
- La situation des victimes du terrorisme doit aussi être rappelée. Ainsi, leur droit à réparation a conduit à la création du poste de secrétaire d’état aux victimes comme hier celui des anciens combattants. Pour la seule année 2015, 1 949 personnes sont directement concernées par les attentats salafistes. En décembre 2015, l’ancienne garde des sceaux avait estimé que le coût de l’indemnisation des seules victimes de novembre pourrait atteindre 300 millions d’euros.Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) sous la responsabilité du ministère de l’économie et actuellement financé par une taxe sur les contrats d’assurance, est chargé d’indemniser ces victimes. Ainsi, au 1er mars 2016, il avait distribué 25,3 millions d’euros à 1 765 personnes, dont 202 victimes des attentats de janvier 2015. Le FGTI s’attend à recevoir près de 4 000 dossiers en 2016. Il est vrai que la notion de victime s’étend désormais aux chocs post-traumatiques.
Cela conduit à un profond changement du paradigme sécuritaire.
- Les armées retrouvent peu à peu leurs responsabilités sur le territoire national. Notons en premier lieu ce rapport au parlement du 14 mars 2016 du ministère de la défense sur les conditions d’emploi des armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population (Cf. Rapport de mars 2016). La réalité de la sécurité intérieure s’impose avec des conséquences dans de nombreux domaines que ce soit dans les esprits ou dans le fonctionnement de nos institutions.
En effet, il y a aujourd’hui davantage de militaires engagés sur le territoire national qu’en opérations extérieures. Comme le spécifie le ministre de la défense dans une interview (Cf. Le Figaro du 14 mars 2016) « La menace à laquelle nous sommes confrontés a deux caractéristiques nouvelles. Premièrement, elle s’est militarisée. Deuxièmement, il s’avère que cette menace militarisée est la même à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières ». - Le coût de la sécurité s’élève – « Le surcoût de «Sentinelle» a été l’an dernier de 171 millions d’euros, primes comprises » il est sans doute temps d’intégrer par des recherches appropriées le gain apporté par cette sécurité : économie, sentiment de sécurité et donc d’entreprise, paix sociale….
- Comme je l’ai déjà évoqué (Cf. Mon billet du 13 mars 2016, « Recruter dans la police en passant par l’Armée »), les forces de police s’équipent partiellement d’armes de guerre certes à l’emploi semble-il limité (pas de tir en rafale) et à l’entraînement bien succinct. Ainsi ma proposition de transfert de militaires formés au bout de trois années d’engagement au sein des armées donnerait plus d’efficacité aux forces de sécurité. Le débat que j’ai suscité sur LinkedIn montre que cette proposition serait recevable et est à exploiter
Malgré ce renforcement majeur de la protection de nos concitoyens, je constate cependant qu’il existe toujours des citoyens ou des ONG qui n’aspirent qu’à limiter et à entraver les capacités d’agir des forces de sécurité au mépris de la réalité et aussi en raison d’une certaine forme de dogmatisme. Pour ces acteurs de la société, il s’agit surtout de ne pas remettre en cause le fondement même de leur existence ou les causes de leur engagement.
De fait, leur objectif permanent est la judiciarisation excessive de notre société, notamment par les procédures menées envers les forces de l’ordre ou par le procès d’intention sur l’emploi de la force et sur ses dérives éventuelles (Cf. Le Monde du 14 mars 2016). Dans l’immense majorité des cas, la violence légale n’est que la conséquence d’actes violents et la réponse à ceux-ci.
Je le redis clairement. Dès lors qu’un individu utilise la violence, se met en situation d’être compromis dans une zone potentiellement violente ou ne respecte simplement pas la loi ordinaire, il doit savoir qu’il doit en assumer les risques et qu’il en subira des conséquences éventuellement physiques. L’exemple de Sivens est à rappeler d’autant que ce 18 mars 2016 le gendarme mis en cause a été mis sous le statut de « témoin assisté ». N’oublions pas de le soutenir dans cette procédure judiciaire éprouvante dans tous les cas mais que d’autres militaires pourraient rencontrer à l’avenir.
Certes, dès lors qu’il n’y a pas de violences physiques – bien que subir des insultes pendant des heures n’est-ce pas aussi une forme de violence à l’encontre des gendarmes ou des CRS – il est possible de faire appel à une certaine proportionnalité de la force. En revanche, toute action violente doit être sévèrement réprimée et les forces de sécurité quelles qu’elles soient, protégées juridiquement et sans ambiguïté, ce qui ne doit pas empêcher les enquêtes internes, rendues publiques mais qui seront de toute façon contestées.
Le débat sur l’équilibre entre les libertés individuelles et la sécurité de tous est loin d’être achevé. Pour ma part, la réponse est claire : sans sécurité collective, il ne peut y avoir de liberté.