mercredi 27 novembre 2024

Une nation française qui s’étiole, une armée qui décline

Cette semaine ne peut que rendre encore plus inquiet le Français quant au futur de son pays, sans même évoquer le chômage en hausse constante, et de son armée.

Du drapeau

Une réflexion sur le symbole de notre drapeau est à nouveau nécessaire suite aux affrontements d’une minorité d’origine algérienne qui ne se sent pas française.

En effet, comment comprendre que cette minorité vivant en France, soutienne un pays étranger, sorte le drapeau d’un autre Etat, défile dans nos rues, souvent avec violence en affrontant les forces de l’ordre et ce n’est même pas pour exprimer sa déception face à une défaite ? Comment comprendre et accepter que ces minorités non assimilées, aient fait le choix de manifester violemment alors que leur champion, équipe composée à plus de 50% de binationaux d’ailleurs, avait gagné ?

Incompréhensible mais n’est-ce pas l’affirmation d’une opposition à notre société ? Il est possible de tolérer dans un cadre festif des drapeaux étrangers sur notre territoire. Cependant ce qui s’est à nouveau passé montre que l’’assimilation est partiellement un échec. Le gouvernement algérien, bien que mis sous pression, a bien fait de ne pas accepter de défiler le 14 juillet sur les Champs-Elysées.

Cependant, la contrainte publique doit s’exercer pour ne pas conduire à terme à des affrontements qui ne se limiteront pas à la police et aux émeutiers. Une première phase symbolique peut être le vote de cette proposition de loi contre les drapeaux étrangers sur la voie publique en France. Un drapeau n’est pas anodin. Une proposition de loi avait été faite le 16 janvier 2013 sur la réglementation des drapeaux étrangers (Cf. Mon billet du 26 mai 2013). Elle a disparu dans les méandres de l’Assemblée nationale (Cf. Proposition de loi).

Il n’est ni normal, ni acceptable que des drapeaux étrangers apparaissent dans des foules lors de manifestations politiques (élections présidentielles de 2012) ou sportives. L’accepter signifie que nous ne sommes plus souverains chez nous, que des communautés se constituent avec des références politiques et culturelles autres que celles de la république française. Cela est grave. Remettre les symboles à leur place éviterait peut-être les apprentis djihadistes.

Enfin, la problématique du drapeau n’est pas neuve et est d’actualité. Je prendrai l’exemple du drapeau européen imposé dans toutes les cérémonies officielles ou dans les communes. La réaction britannique est la seule à s’exprimer contre cette omniprésence. (Cf. Le Monde du 27 juin 2014). Les responsables du Foreign Office ont ainsi demandé à leurs homologues français qu’il ne soit pas trop visible lors des cérémonies du centenaire de la Grande Guerre, le 11 novembre.

Ce n’est pas l’Europe qui a gagné les deux guerres mondiales mais les peuples. Le drapeau européen n’apparaît presque nulle part au Royaume-Uni, certes aux positions européennes ambiguës mais son attitude mériterait réflexion sur ce point. Les Britanniques ont toujours su pour qu’ils se battaient, et sûrement pas pour le roi de Prusse pour reprendre une vieille expression.

Des armées inquiètes

Le drapeau est un symbole de la souveraineté nationale. Les armées aussi. Malgré les réactions fortes des chefs des armées contre les atteintes à la LPM, les encoches, plus modérées, ont eu lieu. Le chef d’état-major des armées exprime à nouveau son inquiétude sur la cohérence des armées et donc sur leur capacité à faire face à toutes les menaces (Cf. Opex360 du 23 juin 2014).

Cette inquiétude est partagée par les parlementaires. Ainsi, plusieurs d’entre eux ont exercé le 17 juin 2014 leur droit à vérifier les informations données par Bercy sur le budget de la défense et sur l’attribution des ressources exceptionnelles. Un soupçon de déloyauté de la part de nos élus envers l’administration ?

Ce sont enfin ces élus locaux qui s’inquiètent de la démilitarisation de leur région et de son impact notamment économique.

Il est vrai qu’entre un quart et un tiers des départements français ne disposent ou de disposeront plus d’une garnison. Le désert militaire s’étend et l’intervention militaire en cas de catastrophe naturelle ou technologique devient de plus en plus aléatoire dans des délais courts. La capacité réduite de l’Etat d’intervenir en tout temps et en tout point du territoire est aussi une forme d’atteinte de notre souveraineté.

Des armées mal administrées : le rapport du HCECM (mai 2014)

Rapport qui a fait l’objet de peu de commentaires. Surprenant et pourtant.

 « Depuis plus de quinze ans, les militaires ont connu une succession de réformes qui ont affecté, à des degrés divers, l’organisation du soutien et la qualité des prestations servies. Auparavant et jusqu’à la professionnalisation des armées, l’administration des militaires était connue pour son efficacité et sa réactivité, notamment parce qu’elle disposait d’une main d’œuvre de qualité et quasi gratuite, de moyens budgétaires moins comptés qu’aujourd’hui et de procédures financières dérogatoires » (Cf. partie 2 du  Rapport).

Nous le constatons tous les jours et personne ne voit les améliorations. Au contraire, et la réaction est « on ne peut plus rien faire et cela durera le temps que cela durera ». La démobilisation est forte. La civilianisation des postes n’arrange rien, les compétences n’étant pas toujours au rendez-vous.

Hier, l’administration militaire était un symbole d’organisation. Or le 8ème rapport annuel du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (cf. Rapport) remis au président de la République le 7 mai 2014 apporte une vision radicalement différente de l’administration des militaires (Cf. Processus de présentation, Voix du Nord du 28 mai 2014). De fait, la professionnalisation et les réformes successives, jamais abouties, ont conduit à cette désorganisation qui a remplacé l’homme par la technocratie et la technologie, quand elle fonctionne.

« L’administration militaire, qui a longtemps, notamment durant les années 60, été une sorte de modèle d’efficacité dans la fonction publique, a perdu son avance et a même pris du retard sur ce qui se fait à l’extérieur » (président du HCECM).

Or, son efficacité (ou « gestion administrative des ressources humaines et la délivrance des prestations de soutien individuel et collectif servies en temps de paix ») occupe une place croissante dans l’esprit des militaires et de leurs familles. Elle conditionne la confiance dans le système et donc un plein engagement dans les missions données. Malheureusement, « Le sentiment qui prévaut, depuis cinq ou six ans, est celui d’une dégradation assez générale, amplifiée par les difficultés associées à la mise en œuvre des bases de défense et les défaillances du logiciel de gestion de solde LOUVOIS ».

Composante de la condition militaire depuis l’établissement d’un service régulier de la solde au 14ème siècle, elle est donc devenue une source d’inquiétude qui fait douter de l’efficacité des armées, fragilisant le moral de l’individu et de sa famille.

L’administration des militaires s’est toujours caractérisée par des prestations plus complètes que celles assurées par l’État aux fonctionnaires civils, longtemps délivrées à proximité du militaire et par du personnel de la même armée, et par un service rendu généralement efficace, sinon efficient.

Je reprendrai in extenso le texte suivant du rapport qui reflète parfaitement ce que chacun d’entre nous ressent aujourd’hui. J’invite chacun à lire aussi les propositions de la partie 2.

« Les relations entre les militaires et leur administration reposaient par le passé sur des contacts directs et personnels. Il était facile, pour les militaires qui souhaitaient obtenir une information ou régler un problème, d’identifier au sein de leur formation l’interlocuteur avec qui dialoguer en vis-à-vis.

Réciproquement, le personnel administratif pouvait très facilement contacter directement chacun des militaires soutenus pour les renseigner ou leur indiquer ex ante les démarches à accomplir dans le cadre de la mise en œuvre de tel ou tel processus administratif.

Tous se connaissaient, pour avoir de multiples occasions de se rencontrer, partager la même « culture » et travailler sous l’autorité d’un même commandant de formation qui pouvait en outre aisément intervenir, si nécessaire, pour faciliter en interne le règlement d’un dossier ».

Cette déshumanisation, le flou des relations entre l’administration militaire et les administrés caractérisent désormais les relations entre les militaires soutenus et le personnel administratif surtout si celui-ci ne connaît pas les militaires. Ce qui va être de plus en plus en le cas. Civilianiser les postes administratifs, remplacer par des procédures informatiques, affecter parfois des militaires n’ayant pas connu le corps de troupe (quand les postes sont ouverts), sont les meilleures solutions trouvées pour déstructurer les armées et détruire leur efficacité. Cette action a été en effet bien plus efficace pour affaiblir nos armées qu’une agression militaire traditionnelle !

Pour conclure

Je noterai cette réflexion issue du rapport rappelant que les militaires travaillent en uniforme, exigence ancienne qui s’est généralisée dès le 17ème siècle. Ce port de l’uniforme a plusieurs fonctions :

L’uniforme réglementaire rend identifiable le militaire afin de signifier clairement son état, c’est-à-dire sa légitimité à « préparer et assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation ».

Il est aussi un symbole fort de l’identité du militaire à laquelle celui-ci reste très attaché, qui contribue à sa fierté et à la cohésion.

Cela me conduit à deux remarques :

  • Le fait même de porter l’uniforme peut leur être même contesté dans certains services du ministère de la défense aujourd’hui. J’ai même constaté l’obligation de porter la tenue civile pour ne pas indisposer le personnel civil de la défense ne supportant pas de recevoir des ordres d’un militaire. Il me semble pourtant que ce ministère comprend environ deux-tiers de militaires et devrait donc pouvoir affirmer une identité légitime ?
  • Ensuite, si chaque militaire assumait le port de sa tenue, y compris dans les réunions avec les autorités civiles, s’il la portait d’une manière correcte, sinon élégante, par exemple avec le port de sa coiffure ce qu’il oublie souvent à Paris, mais aussi sans se dissimuler derrière le retrait de ses galons pour être plus discret, sans doute serait-il lui-même plus sûr de ce qu’il représente, de l’autorité qu’il incarne, enfin des responsabilités qu’il assume au service de la nation. Etre militaire, cela se montre. Il faut en être fier malgré les remarques désobligeantes rapportées parfois. Etre visiblement présent aussi un élément clé et représentatif de la souveraineté nationale.

 

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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