Pour les amateurs de bandes dessinées, Jean-Yves Delitte n’est pas véritablement un inconnu. Depuis 1989 il a publié près de 30 albums avec comme thème principal des histoires de marins et de marine. Peintre officiel de la Marine belge, il propose dans ses planches de très nombreux détails qui devraient intéresser les amateurs de bâtiments de guerre. Cette série de quatre albums tourne autour du dernier voyage d’un sous-marin U-Boot, de grande croisière, parti de la base de Peenemünde, là où le Troisième Reich avait installé l’un de ses centres de recherche les plus secrets, avec comme mission de gagner l’Argentine.
La cargaison du sous-marin est composée de mystérieux colis accompagné par un énigmatique Docteur Mengel. Une étrange créature décime l’équipage, sans doute une conséquence d’un mystérieux vaccin inoculé au personnel de bord.
L’action des quatre albums se situe à des moments très différents, des coursives d’un U-Boot en 1945, à la lagune de Venise en 2059, avec une mystérieuse tueuse qui élimine successivement tous les policiers en charge de l’enquête à propos du meurtre d’un étudiant et d’un professeur de sciences économiques.
Peu à peu, le lecteur découvre le fils de cette histoire qui semble bien déroutante au premier abord. Ce docteur Mengel a mis au point un dispositif de nanotechnologie qui lui permet d’atteindre l’immortalité. Une grande société multinationale implantée à New York a développé ce projet, et dispose de moyens de contrôle des esprits et des consciences qui semblent sans limite.
Le dessin de Jean-Yves Delitte est particulièrement achevé. Au fil des planches on découvre aussi bien le matériel militaire de la fin de la seconde guerre mondiale, et notamment les sous-marins de la Kriegsmarine, les B 24, de l’US Air Force, mais aussi les machines du futur, une partie de l’action se situe entre 2051 et 2059. On retrouve dans le scénario les ingrédients classiques du récit d’anticipation qui s’appuie sur un événement historique du passé, celui de la volonté de quelques dignitaires du régime nazi de continuer le combat, une fois la guerre en Europe perdue.
Plus d’un siècle plus tard, dans un univers hyper contrôlé par la technologie, et notamment par le numérique, la nature humaine n’a pas véritablement changé. Le désir de vengeance, l’ambition, la soif du pouvoir, la cupidité dicte toujours les actions de ses personnages. Au fil des quatre albums on retrouve des illustrations pleine page avec un luxe de détails dans le dessin qui favorise l’envie de s’évader dans cette histoire improbable, et qui n’a pas véritablement de fin.
Présentée en coffret, cette série de Jean-Yves Delitte tient toutes ses promesses, et pour les lecteurs qui apprécient les histoires fantastiques, il y a de fortes chances qu’ils y trouvent leur compte. Si l’on devait exprimer une réserve critique à son propos, on pourrait dire que le scénario parfois complexe et tortueux n’est pas au niveau du dessin et de la mise en couleur. De ce point de vue cette série de quatre albums constitue un sans-faute.
L’historien pourra trouver dans ce récit un intérêt évident pour l’histoire de la marine, et notamment celle des sous-marins, ces machines de guerre qui ont joué un rôle essentiel pendant la seconde guerre mondiale. La bataille de l’Atlantique a sans doute été l’un des théâtres d’opérations parmi les plus importants de la seconde guerre mondiale, et les sous-marins de la Kriegsmarine qui chassaient en meute les navires de transport qui reliaient la côte est des États-Unis et les cotes de l’Angleterre ont pu régner sur les océans jusqu’au début de l’année 1944.
L’extension de la couverture aérienne à partir des littoraux anglais et américains, le développement du sonar, l’organisation des convois, ont pu limiter leur action, d’autant que l’industrie de la construction navale américaine pouvait produire plus de Liberty ships que la flotte de l’amiral Dönitz ne pouvait en couler.
Dans cette grande histoire, il y a eu des sous-marins qui ont pu gagner les ports d’Amérique du Sud, avant d’être désarmés à la fin de la guerre et peut-être certains qui ont disparu en emportant avec eux tous leurs secrets.
Bruno MODICA