mercredi 27 novembre 2024

Cyberstratégie et colloque à l’Ecole militaire (Paris)

Le Centre de Recherche des écoles de Coëtquidan et Alliance GéoStratégique (AGS) ont organisé un colloque le 29 novembre 2011 sur la cyberstratégie. Il se proposait de réfléchir à la réalité et aux fondements possibles d’une pensée cyberstratégique, finalement sur les conflits dans le cyberespace.

Rassemblant beaucoup de monde, plutôt jeune, ce colloque arrivait particulièrement à point après l’inauguration de la nouvelle chaire consacrée à la cyberstratégie de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN) du 25 novembre 2011. Olivier Kempf en avait fait une critique particulièrement sévère du discours d’ouverture de François Géré, intitulée La consternante inauguration de la chaire de cyberstratégie. Le titulaire de cette chaire n’a pas effectivement la réputation d’être un expert de la cyberdéfense et cette création a donc particulièrement été surprenante. Nous verrons bien si elle saura produire la réflexion au bon niveau des attentes. Regrettons comme Olivier Kempf que cette chaire n’ait pas été confiée à un chercheur plus jeune et aux idées sans doutes plus novatrices. Mes remarques positives sur les jeunes chercheurs faites précédemment trouvent ici à nouveau leur pertinence. La guerre moderne – sans aucun doute à redéfinir – devra être novatrice, faire appel aussi aux jeunes talents et faire preuve d’une plus grande ouverture, sinon de transparence, dans le choix des chercheurs dans le domaine de la sécurité nationale.

Pour l’instant, s’informer auprès du nouveau blog d’un expert reconnu comme celui de Daniel Ventre paraît opportun. L’ouvrage collectif « Cyberguerre et guerre de l’information » paru en français en 2010 aux éditions Hermès du CNRS et en anglais aux éditions Wiley en 2011 apporte un grand nombre de réflexions sur la guerre de l’information. Pour ma part, ma contribution à cet ouvrage a été celle de positionner les nouvelles guerres idéologiques du XXIè siècle dans ce nouvel espace de bataille qu’est devenu le cyberespace.

Pour en revenir au colloque dont les actes devraient paraître durant le premier semestre 2012, quatre thèmes étaient traités dans les différentes tables rondes :

  1. un champ stratégique à délimiter avec une sémantique à qualifier (cybersécurité, cyberguerre, cyberdéfense, cybersécurité), les principes stratégiques fondamentaux, son cadre juridique, peut-on réellement parler de « guerre » dans le cyberespace ?;
  2. La « cyber » à la recherche d’un modèle stratégique en le comparant notamment avec celui de la dissuasion nucléaire : celle-ci est-elle un modèle stratégique transposable au cyberespace (Cf. la cyberdissuasion proposée par Martin Libicki aux Etats-Unis) ?
  3. Penser opérationnellement la cyberguerre dans les opérations militaires  notamment à travers les stratégies d’influence à conduire à travers le cyberespace, les règles d’engagements et bien sûr des cyberconflits récents comme l’Estonie et la Georgie, devenus des cas classiques d’études ;
  4. Enfin la « cyber » dans le domaine diplomatico-stratégique avec le dilemme entre un espace ouvert et la notion de souveraineté numérique sans oublier son corollaire d’une éventuelle maîtrise des « armements ».

Pour ma part, intervenant au titre de la troisième table ronde, dans la suite des réflexions militaires en cours au centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations, mes propos ont naturellement porté sur la notion d’influence au sein de la stratégie des Etats. Les conflits contemporains nous montrent qu’il y a des fortes oppositions entre le monde occidental et le reste du monde. Les rapports entre les Etats se transforment en grande partie aujourd’hui à travers le cyberespace qui est devenu un nouveau champ d’affrontement dans lequel les systèmes de pensée, les civilisations s’affrontent.

La « cyberstratégie » implique donc une dimension idéologique, une idéologie étant effectivement « l’ensemble des idées philosophiques, sociales, politiques, morales et religieuses etc. propres à une époque ou à un groupe social ». La place de nos valeurs et de notre société, j’oserai dire de notre civilisation en me référant à Samuel Huntington, est contestée et le cyberespace est devenu l’un de ces lieux d’affrontement que nous devons investir.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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