Cela n’est pas la première fois que j’évoque ce problème de la judiciarisation qui préoccupe tous les soldats en opération et bien sûr nos états-majors. Cependant, des faits d’actualité récents m’amènent à nouveau à réfléchir à cette question.
Je note d’abord que, selon une information de l’AFP, la Cour de cassation a rejeté le 10 mai le pourvoi du parquet général de la cour d’appel de Paris contre la décision d’un juge. Celui-ci, saisi d’une plainte de parents de victimes, souhaite enquêter sur l’embuscade d’Uzbin en Afghanistan du 18 août 2008 au cours de laquelle dix soldats français ont été tués. Il y aura donc une enquête sur une opération de guerre. J’attends d’ailleurs la reconstitution des faits sur le terrain. Je ne suis pas juriste mais cette jurisprudence me semble grave pour l’exercice du métier militaire.
Sur un plan différent mais tout aussi symbolique, je constate un fort mouvement de policiers depuis le 25 avril 2012. Suite à la mort d’un malfaiteur tué par un policier le 21 avril à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), ce mouvement a conduit les policiers à manifester. Certes, ils n’ont pas appelé à faire grève, ce qui leur est interdit L’ancien président de la République avait demandé la reconnaissance de la « présomption de légitime défense » ce qui, pour ma part, ne me choquait pas. N’allant pas dans ce sens, Manuel Valls, le nouveau ministre de l’Intérieur, a annoncé cependant le 17 mai une mission de réflexion pour répondre à ce malaise policier. Cette célérité pour les forces de sécurité intérieure aurait pu aussi être appliquée aux forces armées, notamment en opération extérieure.
A mon avis, il n’est plus acceptable qu’une opération de guerre sans cadre juridique claire, hormis aujourd’hui par une résolution de l’ONU qui ne répond pourtant pas au droit interne me semble-t-il, puisse avoir des conséquences juridiques pour nos soldats en opération. Une mission d’étude doit donc aussi être lancée au niveau du ministère de la défense pour réduire cette vulnérabilité à l’engagement sans état d’âme de nos forces armées.
Que peut-on cependant proposer ? Je maintiendrai cette idée d’une révision constitutionnelle de l’article 35 qui définirait une situation de « crise extérieure » correspondant ce que rencontrent nos soldats aujourd’hui. Cela répondrait à cette situation qui n’est ni la guerre au sens juridique, visée par l’article 35 de la constitution, ni la paix puisqu’il y a des opérations de guerre sans déclaration de guerre, toujours au sens juridique du terme.
Cette révision constitutionnelle, finalement assez simple, pourrait donner le pouvoir au parlement, outre le contrôle des opérations déjà obtenu en 2008, de préciser plus tôt aussi, cette situation de « crise extérieure ». Par son vote, elle mettrait en vigueur le droit spécifique existant pour les opérations militaires qui n’est pas applicable en temps de paix. Elle caractériserait la position juridique spécifique de nos soldats. Elle limiterait notamment les actions juridiques des acteurs privés, y compris ses familles, dans le cadre de ces opérations extérieures approuvées par la représentation nationale.
Alors, le changement c’est maintenant ? Je l’espère car il est temps que les forces armées puissent remplir leurs missions dans un cadre juridique réellement protecteur qui prenne en compte la spécificité des opérations militaires.