mardi 26 novembre 2024

DIÊN BIÊN PHU : Journal de marche du 13 mars 1954

Nuit du 12 au 13 mars

L’hélicoptère H-19 B n° 593 VN de l’ELA 53 est détruit par un tir d’artillerie sur le parking hélico.

BÉATRICE : toutes les sonnettes bousculées sont contraintes à se replier.

Sonnettes 2e Cie disparue, 3 hommes. Travaux ennemis à 50 m des positions.

Encerclement complet.

V/7e RTA : embuscade de nuit au sud-est de GABRIELLE ; cohabite avec des éléments VM dans des tranchées.

23 h 00

V/7e RTA GABRIELLE : Bombardement par la Cie de 120 mm, des tranchées signalées dans la matinée à Ban Khe Phai.

Dans la nuit une sonnette sur BÉATRICE, tenue par 4 légionnaires, est enlevée par l’ennemi et les intéressés sont considérés comme des déserteurs comme le mentionne le journal de marche du III/13e DBLE.

Renseignements : Prévision d’une attaque de commando sur l’artillerie de ISABELLE du centre et sur les emplacements des chars.

Toute la nuit des obus tombent autour des alvéoles avions. Harcèlement sur ISABELLE, ÉLIANE, BÉATRICE.

Depuis le mois de décembre il a été livré :

  • Pour le 105 mm : 5,5 unités de feu par pièce
  • Pour le 155 mm : 7 unité de feu par pièce
  • Pour le mortier de 120 mm : 6 unités de feu
  • Soit un total de 26 648 obus

Bilan santé du 1er au 12 mars :

  • 132 blessés de guerre,
  • 141 accidentés et autres affections,
  • Total 273 (3 opérés, 3 décédés, 242 évacués).

Du 1er décembre au 12 mars inclus :

  • 652 blessés de guerre
  • 538 accidentés ou autres affections,
  • Total : 1 190 (23 opérés, 10 décédés). 

1 145 malades ou blessés ont été évacués sur Hanoï.

SHD : carte Diên Biên Phu.
SHD Air : Photo aérienne de Diên Biên Phu.

Situation

Du 13 au 15 mars l’ennemi attaque et réduit les centres de résistance isolés du nord et du nord-est.


Situation générale au 13 mars : 

  • Effectifs au 12 mars 10 813 hommes 279/1 163/9 371
    • Européens : 180/477/755 – Total : 1412
    • Légion : 97/309/2 563 – Total : 2 969
    • Nord africains : 2/167/2438 – Total : 2 607
    • Africains : 0/8/239 – Total : 247
    • Autochtones réguliers : 0/97/2 053 -Total : 2 150
    • FTEO/supplétifs : 0/105/1 323 – Total : 1 428
    • Total autochtones : 0/202/3 376 – Total : 3 578  dont 2 575 Thaïs

ORDRE DE BATAILLE

Etat-Major GONO

12 bataillons d’infanterie : 1/13 DBLE, 3/13 DBLE, 3/3 RTA, 6e CCS, 9e CCS, 2/1 RTA, 5/7 RTA, 3/3 REI, ½ REI, BT2, BT3, ¼ RTM, 1er BEP, 8e BPC, Cie Thaïs blancs, 11e CSM.

  • 1 Cie Thaï blanc et 11 CSM
  • 2 Cie de mortiers : 1re CMMLE, 2e CMMLE
  • 2 groupes de 105 HM2 : III/10e RAC, II/4e RAC.
  • 1 batterie de 155 : IV/4e RAC.
  • 1 escadron de chars : RICM, 1er RCC.
  • 1 bataillon du génie : 31 Bataillon de Génie.
  • 1 Cie de réparation 5e CMRLE
  • 1 Cie de transmission 822/2e BT
  • 20 gardes encadrements PIM et 2 000 PIM
  • Des détachements ou antennes de services

Santé ACM 21 et ACM 44

  • Intendance : Antenne
  • Postes : BPM 403
  • 6e section : Antenne

Essences

  • Les effectifs sont réalisés à 90% ; les compléments n’arriveront à Hanoï que le 14 mars.

Du 20 novembre au 13 mars

  • Morts : 151 dont 7/19/125.  
  • Blessés : 798 dont 29/94/675 
  • Disparus : 88 dont 2/9/77 + 1 800 supplétifs en provenance de Lai Chau lors du replis.
  • Total : 1 037

SHD Air : Les transmissions du PC GONO.

Logistique – situation au 13 mars – les stock de munitions sont :

  • Pour le 105 mm : 5 UF par pièce soit 27 000 coups
  • Pour le 155 mm : 2 800 coups
  • Pour le mortier de 120 mm : 10 UF par pièce soit 22 000 coups
  • L’infanterie est alignée à 6 UF par bataillon
  • 9 jours de vivres
  • Carburant pour 8 jours
  • La garnison nécessite 170 tonnes de munitions et 30 tonnes d’alimentation par jour.

Matériels spéciaux mis en place pour le Génie :

  • 4 bulldozers,
  • 3 stations Diatomites pour le traitement de l’eau,
  • 100 géophones,
  • 4 projecteurs 500 watts pour le balisage de piste
  • 2 compresseurs Leroy
  • 1 groupe de soudure Sarrazin,
  • 4 bateaux M2,
  • 14 groupes électrogènes
  • 17 extincteurs incendie (7 de 100 litres et 10 de 10 litres),
  • 10 scies mécaniques
  • 80 lampes Madec (lampes SNCF)

Pour les Transmissions :

  • 1 dispositif AZ13 (brouillage de la voix par les porteurs).

 

20 dispositifs de tir de nuit à infrarouge (Sniperscopes), 30 détecteur de bruit TPQ

Pour le Matériel :

  • 70 extincteurs spéciaux (lance flammes)
  • 1 projecteur de DCA

4 mitrailleuses Cal 50 quadruples.

Artifices existant au 13 mars : 2 000 flare trips (pots mines éclairants), 2000 Ruggieri (artifices d’éclairage), 180 futs incendiaires de 200 litres, 180 futs éclairants de 40 litres, 180 charges plates, 5 000, mines AP, 92 pots fumigènes de 40.

SHD : PC GONO (gauche) / PC GONO Artillerie, colonel PIROTH (droite).
SHD : Les positions vietminhs et françaises au 13 mars

 

Samedi 13 mars

V/7e RTA GABRIELLE : Des observations de la nuit signalent des activités ennemies, à l’Ouest, au nord et à l’est du PA. Toutes les patrouilles et sonnettes rentrent après avoir été accrochées et bousculées.

Ce matin présence d’éléments ennemis entre BÉATRICE et DOMINIQUE.

Sur le Delta : crachin – impossibilité de décoller.

Le capitaine NOËL, chef du 2e bureau du GONO, est informé que l’évacuation des derniers habitants des villages est fixée au samedi 13 au matin. Il est évident que les Viêts attaqueront le soir. Les tirs préréglés ne seront pas gênés par l’obscurité qui, en revanche, empêchera l’aviation d’intervenir.


Le corps de bataille du Vietminh est fort de 33 bataillons dont 6 sont prêts à intervenir pour barrer le passage à toute force qui viendrait au secours de la garnison assiégée.

Face à 12 bataillons du GONO 28 bataillons sont autour de Dien Bien Phu pour la bataille soit 37500 combattants, 7 appartenant à la division 316, 3 à la division 304, 9 à la division 308 et autant à la division 312. La division 351 est au complet.

Mise en route  de la division 308 de Hanoï du général VINH PHUC YEN vers Diên Biên Phu arrive dans la région vers les derniers jours de décembre.

Part sur Luang Prabang revient dans la vallée dans le courant de janvier 54.

Le régiment 57 de la Division 304 commandé par le Colonel HOANG KHAÏ THIEN couvre à marche forcée en dix jours 320 km de jungle qui sépare Phu To de Diên Biên Phu arrive le 24 janvier.

Durant la bataille le haut commandement vietminh jeta dans la fournaise 10 000 hommes de ses réserves ; quelques-uns sont des recrues sans expérience ainsi que 3 autres bataillons des divisions 304 et 316 et du régiment 148.

La division lourde 351 du général VU HIEN.

Cette division lourde était une idée des conseillers russes et chinois du Vietminh.

Au Vietnam où il y avait relativement peu d’artilleurs bien entrainés la concentration de tous les moyens en une seule unité avait sa raison d’être.

D’abord équipé surtout de 75 américains pris aux nationalistes chinois.

La 351 avait reçu en 1953 48 canons de 105 mm américains provenant des stocks capturés en Corée.

Le régiment d’artillerie 675, équipé de 24 canons de 75 mm de montagne et de 20 mortiers de 120 mm, est arrivé à la mi-décembre à la suite de la Division 308.

Le régiment d’artillerie 45, est articulé en 3 bataillons de 3 Cies, doté de 4 canons 105 HM2. Chacune des Cies viets rejoint les positions, dans la première semaine de janvier. Elles sont implantées au Nord, dans l’axe de la piste Pavie et à l’Est sur les hauteurs dominant Diên Biên Phu (Cote 781).

Suivi peu après par le régiment d’artillerie anti aérienne 273 équipé de 36 pièces de DCA soviétiques.

Les batteries du 394e sont rassemblées dans un rizière, près de Ban Na Hi et de Ban Na Tau, à 1,2 km et 4 km au nord de GABRIELLE dans la vallée de la Nam Co.

Deux batteries de 37 mm antiaériens du 383e bataillon antiaérien sont postées sur une colline au-dessus de Ban Quang Tum  environ 1,2 km au nord-est de Béatrice et le long de la RP 41 près de Ban Na Loï. La batterie 817 du bataillon est déployée dans la vallée et la 818e batterie est séparée en 2 la moitié de ses 12 armes mitrailleuses antiaériennes près de la 316e Division en défense antiaériennes sur les collines à l’est de la position principale alors que les six autres sont déployées à l’est de ISABELLE.

Le bataillon de défense antiaérienne de la 304e Division est absent défendant les lignes d’approvisionnement.

Présence dans la région d’au moins une partie du régiment d’artillerie 237 qui possède surtout des mortiers lourds.

Les Divisions d’infanterie qui prennent part ont amené avec elles tous leurs bataillons d’armes lourdes et de mortiers ainsi que leurs pièces de  DCA légères

Les mitrailleuses et les canons de DCA du régiment 367 sont placés, pour l’essentiel, à l’est et au nord-est de la vallée.

Évaluation le 13 mars :

  • 24 pièces de 105 mm avec 10 400 coups.
  • 18 pièces de 75 mm de montagne avec 3 380 coups.
  • 20 mortiers de 120 mm avec 7 020 coups.
  • 20  pièces de 75 mm sans recul.
  • 135 mortiers de 81 mm avec 27 000 coups.
  • 12 pièces de 37 mm DCA à 30 500 coups.
  • 12 pièces de mitrailleuses de 12.7 avec 550 000 cartouches.

Au total, ils auraient mis en œuvre au moins 200 canons de calibre supérieur à 37 mm et auraient transporté 7 220 tonnes de munitions 

Aménagement des positions de batteries pour les mortiers et les canons sans recul sur le côté ouest du camps retranché.

Pour réaliser le transport de tout le matériel lourd en provenance de Chine, le général GIAP a fait remettre en état 200 kilomètres de routes et en a créé 100 autres kilomètres. Une masse estimée de 50 000 travailleurs réquisitionnés crée et entretient ces routes.

L’essentiel du ravitaillement part de la frontière de Chine au niveau de Lang Son et rejoint Diên Biên Phu après avoir emprunté la RP13 puis à partir de Conoï (au sud de Na San), la RP 41.

L’attaque initiale de GIAP est d’attaquer BÉATRICE, appelée « Him Lam » du nom du village juste à l’Est, GABRIELLE et ANNE-MARIE simultanément parce qu’elles bloquent les axes d’approche de la vallée sur la RP 41 et la piste Pavie. BÉATRICE et GABRIELLE sont particulièrement vulnérables parce qu’elles dominées par d’autres collines qui permettent des bases d’assaut dans plusieurs direction sans imposer de passer ou d’être exposé dans la vallée ou les chars et l’aviation sont le plus efficace.

Giap insiste ; la première attaque doit être victorieuse.


Côté français :

  • 60 canons sans recul.
  • 24 pièces de 105 HM2 avec  93 350 obus.
  • 4 pièces de 155 HM1

Munitions :

  • Pour les 105 mm  : 93 350 obus.
  • Pour les mortiers 120 mm : 38 000 obus.
  • Pour les 155 mm : 8 500 obus.
  • Entre 1 300 et 1 700 tonnes de munitions posées ou parachutées.

Infériorité d’artillerie de 1 à 4.


Dans la nuit du 12 au 13, les mécaniciens des Bearcat sous les tirs d’artillerie ont démonté tous les jeux de bougies et nettoyage.

Vidange de l’essence et remplacement, après rinçage, par de l’essence d’un autre lot.

Le tout à la lueur des lampes torche.

Au matin, après la dispersion des avions sur la piste, le Bearcat est atteint de plein fouet par un obus au phosphore, au niveau du réservoir d’essence et brûle. Les autres avions sont touchés par d’autres salves, il faut les réparer.

À l’aube vers BÉATRICE, ouverture de la route par le peloton ROUGE. Jusqu’à BÉATRICE pour faire 2 km avec BT2 et III/3e RTA il faut monter tout une opération complexe. Napalm par Bearcat au plus près des chars. Le BT2 doit livrer un furieux corps à corps pour rouvrir la route de BÉATRICE. Il faut l’appui des Bearcat qui arrosent au napalm les abords de la route. Dans la journée, les partisans Thaïs achèvent à la baïonnette les ennemis gravement brulés.

Renfort du peloton Bleu pour maintenir la route ouverte.

Afin de laisser ses tranchées d’assaut intactes, le commandant de la 312e Division, le général LE TRONG TANG, obtient le tir de 20 obus de 105 mm par la 806e Batterie d’artillerie sur BÉATRICE. C’est la première utilisation des 105 de GIAP sur Diên Biên Phu. Le dispositif d’ouverture de route se replie vers le centre

06 h 45

Le C-47 N° 770, piloté par le lieutenant CINQUIN du GT 2/63, détruit au sol par obus de 75 mm (N° 349931/ FRBDW).

Dans la matinée le rédacteur-en-chef de Caravelle part vers ANNE-MARIE en visite.

Taux moyen d’entretien est de 7 kg / homme par jour.

V/7e RTA  GABRIELLE : Observation d’un système de tranchées à Ban Khe Phai au sud-ouest – au village nord du PA et au village rasé à l’est de GABRIELLE. Un calque de ces tranchées est immédiatement transmis au GONO avec l’estimation des effectifs VM en place 3 bataillons. Aux ordres du lieutenant BOTELLA, la protection de jour (2e Cie) entreprend le nettoyage de Ban Khe Phai, pas d’ennemi, de la côte 536 en direction du piton sonnette. Accrochage au village Ouest de Gabrielle. Le piton sonnette et les mouvements de terrain au sud-ouest de celui-ci sont fortement tenus par des VM enterrés.

Début de la mise en place du pont Bailey reliant le centre de résistance central à la rive Est de la Nam Youm en prévision des crues de la saison des pluies.

Le 31/2 Génie enregistre son premier tué lors de cette opération.

08 h 30

Le Curtiss Commando de la compagnie Aigle Azur F-DAAR en panne : changement de moteur. Réparé, mise en route, retour vers Hanoï, touché au démarrage, flambe. L’équipage devra rentrer sur un Dakota. Avant d’être complètement démolie à la fin du mois d’avril, son épave tiendra lieu de point de repère aux unités qui se battent autour du terrain et l’on mesurera souvent les distances par rapport à l’épave.

Le 13 mars, un Curtiss Commando C 46 E  F-DAAR d’Air Azur Maroc, en panne de moteur à Diên Biên Phu, « doit effectuer un vol de contrôle avant d’être reclassé V 1 et de revenir à Hanoï. C’est mon travail et, dans l’avion, lors de la mise en route des moteurs, j’assiste à un tir de mortier bien réglé dont le 3e obus percute le Curtiss et provoque un incendie qui va s’aggravant. Quitter l’avion, suivi par l’équipage, ne nous prend pas plus d’une minute et nous voilà bloqués au sol en attendant que le matraquage s’apaise ».

10 h 00 : premiers bombardements

1er BEP – Base arrière : Obsèques à l’hôpital Lanessan du caporal-chef NEITZEL et du caporal CLAUDI, tués au combat à Diên Biên Phu. Un piquet d’honneur et une délégation sont fournis par le Bataillon

11 h 00

1 C 47 NQ n° 399 détruit sur la piste principale en cours de déchargement de denrées alimentaires, pilote capitaine AMANOU, adjudant ACQUARONE (rembarqué le lendemain sur un C-47). En fin du déchargement, bombardement : le pneu roue gauche explose ; l’équipage et 2 gendarmes de l’air se mettent à l’abri, les PIM venu déchargé l’avion se sauvent en courant. Au 3e obus Novembre Québec est coupé en deux, un plan est ouvert, des obus ont perforé la cellule.

2 reporters du SPI blessés en faisant des photos du C-47 : Raymond MARTINOF et André LEBON. MARTINOF décédé. LEBON, pied arraché est soigné à l’hôpital, amputé puis rapatrié). Remplacés par Jean PERAUD et Pierre SCHOENDOERFFER, arrivés le 16 mars.

Raymond MARTINOFF.
André LEBON.

PC feu dirigé par le commandant LE GURUN assisté de 2 ou trois officiers

Organisation : 

  • Groupement A – appui direct : commandant ALLIOU
    • III/10e RAC moins une batterie à ISABELLE
    • 1re Cie mortier 120 para légion CEPAL déployée sur CLAUDINE.
    • Cie mortier 120  2e régiment légion CMLLE sur DOMINIQUE
  • Groupement B appui direct : comandant KNECHT 
    • II//4e RAC DOMINIQUE 3 et Dominique 5
    • Cie mortier 120 5e régiment légion CMLLE sur GABRIELLE
  • Groupement d’ensemble tirs de contre batterie
    • Batterie de 155 mm capitaine DEAL IV/4e RAC déployée au pied des collines d‘ÉLIANE
    • 1 bat du III/10e RAC
    • La section de 4 affuts de 12.7 avec 2 affuts sur JUNON.
Camp retranché de Diên Biên Phu et implantation des divisions viêtminh (position des pièces d’artillerie et de la DCA)

11 h 30

V/7e RTA  GABRIELLE : Le lieutenant MOREAU avec 2 sections de tirailleurs et 2 pelotons de chars entreprend le nettoyage des tranchées en 937-703.

Dégagement de GABRIELLE : plusieurs blessés dont le médecin qui est remplacé.

Les chars interviennent pour le repli.

Deux avions sont réparés et remis en état dans le courant de la matinée Dans la soirée il gagneront Vientiane au Laos.

SHD : Un abri d’un point d’appui du camp retranché de Diên Biên Phu, avec des caisses d’explosifs et des douilles d’obus.

 

12 h 00

Posé de l’avion sanitaire.

Départ de MARANT et HUBERT du 2e Bureau – retour Hanoï.

20 sorties de Bearcat en 7 h 05 de vol sur les positions au nord et nord-est de la cuvette.

Renseignements :

  • 13 mars Midi : VM annonce déclenchement de l’ensemble des moyens feux soirée du 13.
  • Commandement en chef VM lance appel aux troupes pour gagner la bataille de Diên Biên Phu.

14 h 00

Préparation d’artillerie Viet Minh sur BÉATRICE et GABRIELLE et sur la piste. 

Arrivée en provenance de Xieng Khouang du H-19 B 596 en remplacement du 593 VN détruit sur le parking hélico dans la nuit du 12 au 13.

Arrivée sur la cuvette poser sur ISABELLE malgré une météo déplorable avec une percée Gonio – posé sur la piste sud. 

L’hélicoptère 596 posé, un bombardement violent débute sur ISABELLE. L’équipage se terre dans l’abri-hôpital et reste bloqué. Les obus tombent à proximité de l’hélico.

Un obus traverse le toit de l’abris-hôpital d’ISABELLE sans exploser. Fabriqué en 1944 aux États-Unis, l’obus a dû être cédé à la Russie pendant la guerre puis vendu à la Chine qui l’a cédé aux Vietminh. Trop vieux, il n’a pas explosé.

Tir fratricide par chasse Rouge – largage bombe 500 court retard.

Sur dépôt munition et l’autre entre HUGUETTE 1 et 6 à 30 mètre à l’ouest de la piste.

2 bombes explosées à l’intérieur du PA central – Pertes inconnues.

2 bombes explosées entre 2 PA extérieurs – Pas de pertes.

14 h 30

C-47 du GT Sénégal NH n° 770 en panne détruit sur la piste d’ISABELLE. Lieutenant CINQUIN et adjudant-chef MAUREL posent sur la piste en terre 2 tonnes de ravitaillement (du pain et de la bière). 476357/FRAZB 49949/F-RAYC 349665/FRAMG 349931/FRBDW

Fin du déchargement : 2 obus éclatent 150 m devant, un obus éclate sous le nez, un sur le côté droit, évacuation.

Appel de GABRIELLE : Médecin CHAUVEAU du V/7e RTA blessé au ventre en allant soigner les blessés par un éclat et d’autres impacts qui ont provoqué une fracture ouverte de l’avant-bras droit. Est remplacé par lieutenant DECHELOTTE du I/2e REI. DAMANY et STERMANN assurent le service du I/ 2e REI.

Les chars interviennent pour l’évacuation et le repli.

Chauveau.

15 h 00

Départ de troupes d’assaut vers leurs positions de départ.

Piste dépôt d’essence et de napalm explose – l’abri de la Gonio est recouvert de napalm

Mission photo ELA 53 1 B26 HV278, 15 h 00, 950 m d’altitude, 1/7 000e, couverture totale Diên Biên Phu, 250 photographies.

Situation de la disponibilité aérienne :

  • F8F – B détruit.
  • F8F – S et P en cours de réparations et de plus atteints par l’artillerie.
  • F8F – O atteint par un obus au phosphore sous la queue partiellement détruit.
  • F8F – A un obus de mortier éclate devant, moteur hors d’usage.
  • F8F – M du 1/22  O et C du 2/22 troués par endroits (réservoir d’essence, tuyauterie hydraulique, etc …) mais réparables.
  • F8F – H – EROM 80 troué sans gravité.
SHD : Piste à 15 h 00 Packett au sud de la piste détruit le 11 mars, Curtiss Commando civil détruit le 13 mars, Dakota Novembre Québec détruit le 13 mars.

Entre 16 h 00 et 17 h 00

Au-dessus de Diên Biên Phu, dix-sept B-26 et un Privateer tournent, décollés de Cat Bi entre 16 h 00 et 17 h 00.

Attente d’une amélioration sur l’Arromanches pour décoller. Décollage de l’Arromanches de 8 Hellcat et dix Helldiver pour intervention aux ordres de Torri Rouge

16 h 00

V/7e RTA  GABRIELLE : Le lieutenant BOTELLA avec la 2e Cie rentrent sur GABRIELLE sur ordre avec une dizaine de tués et blessés.

16 h 00 et 16 h 35

4 C-119 pilotés par les Tigres volants de la CAT décollent pour parachuter du fret sur Diên Biên Phu. Arrivés au-dessus de la DZ accueilli par une DCA déchainée.

Deux appareils atteints de plein fouet alors qu’ils se présentent en phase de largage : le 137 et le 536 ou 581 ? dégagent sur Cat Bi sans avoir exécuté la mission. De retour, les pilotes américains se concertent et refusent de repartir ; leur contrat ne stipulant pas de tels risques.

Après une journée de réflexion et une prime supplémentaire, ils repartiront.

Les C-119 n° 136 et 138 larguent chacun un groupe électrogène lourd.

Entre 17 h 15 et 18 h 15, tous les appareils bombardent les positions aux abords de BÉATRICE et ISABELLE.

Le soir, la dernière mission (sergent-chef DE SOMOW et sergent BARTEAU), est déroutée sur Xieng-Khouang et va se poser à Vientiane avec les F8F N et H seuls avions restant disponibles.

Ivan de Somow.
Ivan de Somow.

 

SHD : La GONIO et le dépôt de napalm et de munitions avions.

17 h 00

Bilan : dans la journée ont été détruit 1 Dakota, 1 Curtiss Commando civil, 1 C-119 Packett et 4 Bearcat.

Décollage de l’avion sanitaire en catastrophe.

Evasan du 13 mars :  Le Franche-Comté (8 blessés), l’Anjou (19 hommes).

La DCA du Vietminh se révèle sur les crètes nord de 674 Côte 633 et sur les hauteurs à l’ouest de la piste Pavie (nord-est et nord-ouest de GABRIELLE.

1 heure avant la nuit, intervention de l’aviation en masse : 30 mn de bombardement des B-26 sur les collines entourant BÉATRICE.

Les 8 Hellcat de l’Arromanches straffent les ravins broussailleux au milieu de la DCA.

Au retour d’une mission de bombardement sur une batterie d’artillerie Viet Minh qui harcèle le camp retranché de Diên Biên Phu, un F6F-5 Hellcat de la flotille 11F (BuAer 94027 – 11.F-23) tente d’atterrir à Cat Bi (terrain de Haïphong). Au cours de la percée, l’appareil percute le sommet de l’ile des Merveilles dans la baie d’Along, Son pilote, le lieutenant de vaisseau Jean-Michel, Marie, Nicolas DOË DE MANDREVILLE est tué sur le coup.

Le lieutenant MOISSINAC du journal Caravelle part avec le vaguemestre en Dodge vers ISABELLE pour rencontrer le lieutenant-colonel LALANDE.

La pression Vietminh autour de Hanoï et Haiphong nécessite 28 sorties de Bearcat.

Du 20 novembre au 13 mars inclus

Heures de vols au profit do GONO pour le groupe de chasse 1/22 Saintonge.

Appuis direct : 328,5 heures dont 1 h 30 de nuit.

Coupure de route : 186,05 heures.

Le « centre de résistance » BÉATRICE est constitué d’un ensemble de trois collines, situées à trois kilomètres au nord-ouest de la position centrale, au-dessus de Ban Hin Lam. Dans le vocabulaire vietminh, ce « CR » porte le nom de Kim Lom. Occupé dans les derniers jours de décembre 1953 par le 3e bataillon de la 13e demi-brigade, le CR BÉATRICE est aux ordres du chef de bataillon PÉGOT. Ce CR est partagé en quatre points d’appui (PA), chacun d’entre eux tenu par une compagnie :

  • BÉATRICE 1 (la colline la plus au nord) est organisé et tenu par la 9e compagnie (lieutenant PLANTEVIN puis lieutenant CARRIÈRE).
  • BÉATRICE 2 est (conjointement avec la compagnie de commandant du bataillon) organisé et tenu par la 10e compagnie (capitaine NICOLAS).
  • BÉATRICE 3 (le colline du sud-ouest) est organisé et tenu par la 11e compagnie (lieutenant BEDEAUX puis lieutenant TURPIN).
  • BÉATRICE 4 est organisé et tenu par la 12e compagnie et le PC (lieutenant MADELAIN).

3 faux blockhaus ont été construit au sud et devant la 9 de CARRIÈRE.

SHD AIR : Blockhaus fictif nord devant la 9e Cie – axe d’attaque vietminh.

La CSM 245 est éclatée entre les 4 cies avec une section par Cie.

La III/13e DBLE compte normalement 517 gradés et légionnaires mais le 13 mars au soir ils sont seulement 450 sur BÉATRICE (une section de la 12e Cie de garde au PC 1/26 et le peloton d’élèves caporaux et élèves sous-officiers 3/12/80 sous-officiers et légionnaires stationnés dans le réduit central et une dizaine de blessés et malades à l’hôpital attendant leur évacuation). Au total 80 hommes étaient absents de BÉATRICE. 3 tireurs sniper infrarouge sont détachés sur BÉATRICE du I/2 REI.

Présent sur BÉATRICE, la CSM 245 affectée à la III/13e DBLE, compagnie supplétive organique composée de 59 hommes commandée par le sergent-chef Jean QUINART opérationnellement. Administrativement elle est commandée par le lieutenant Raymond CRUZ.

Elle n’est pas autour du PC mais répartie parmi les Cies du Bataillon.

La CSM 245 est détruite en grande partie lors de l’attaque. Mais le nom de la CSM 245 est maintenu pour les Thaïs en base arrière à l’instruction.

BÉATRICE est un ensemble de 3 positions enfermées chacune  dans son propre réseau  ce qui interdit l’éventuelle  intervention d’une simple section entre ces hérissons

Mais BÉATRICE est reconnue pour l’un des centres de résistance les plus solides

Chaque mamelon est entouré d’une épaisse nappe de fil de fer barbelé et d’autre réseaux assurent des cloisonnements intérieurs. Partout les tranchées ou les boyaux de communication étaient à hauteur d’homme et, si les abris n’étaient pas à l’épreuve de l’artillerie, la protection est assurée contre les projectiles de petit calibres.

Les défenses de BÉATRICE sont si rapprochées que les PC des Compagnies  du piton principal sont à moins de cinquante mètres  du PC du bataillon.

Le handicap principal de BÉATRICE est son manque de profondeur.

3 compagnies sur 4 n’ont qu’un seul officier. Seul la 9e compagnie dispose d’un adjoint, le lieutenant JEGO. Le lieutenant TURPIN n’est arrivé que le 7 mars pour prendre le commandement de la 11e Cie qui ne compte que 96 légionnaires 11 sous-officiers et un officier. Les sections sont commandées par des sous officiers. Si un officier est tué personnes ne peut le remplacer.

La section du lieutenant RENAULT de la 10 a été détachée sur HUGUETTE.

SHD Air : Montage BÉATRICE – photographies aériennes du 13 mars matin.

2 batteries d’artillerie de 105 mm prennent BÉATRICE comme objectif à 350 coups autorisés plus une partie des 75 mm de montagne et des mortiers de 120 mm.

Six autres batteries de 105 mm et le reste des 75 mm de montagne concentrent leurs feux sur le centre (certaines batteries sont seulement à 2 ou 3 pièces) sur l’artillerie et les postes de commandement.

Une seule batterie d’artillerie sur ISABELLE pour traiter l’artillerie.

Avant début du bombardement, 1er officier tué du 2e Thaï, le lieutenant PRUDHOMME par obus.

17 h 00

Bombardement de 120 de 105 et de 75 mm – 1 h 30 de tirs.

17 h 15

Préparation d’artillerie sur le CR de Diên Biên Phu sur emplacement d’artillerie, le PC, quelques coups sur ISABELLE.

Le sergent KUBIAK du 3/13e DBLE : Il est 17 heures, ce 13 mars. Sur les positions de BÉATRICE, 450 légionnaires du 3/13 commandées par le chef de bataillon PÉGOT attendent l’assaut. Le matin, ils savent qu’ils auront à supporter le premier choc de la bataille et se préparent à affronter 9 000 Bo-Doïs des TD 141, 209 et 165 qui constituent la division 312. Le bataillon est solide, même si son effectif est au plus bas. Les quatre compagnies qui le composent ne comportent en moyenne que 85 gradés et légionnaires aux ordres d’un seul officier. Les sections sont commandées par des sergents, plus rarement par des sergents-chefs. Malgré tout, réputation oblige, la position donne une impression de solidité rassurante. Toute la journée du 13 les légionnaires peuvent observer l’adversaire, dont les fantassins se préparent, à moins de 100 mètre des boyaux qui serpentent sur les crêtes voisines, au nord et au sud, et que rien ne vient déranger, ni artillerie, ni aviation.

17 h 15 pour les uns, 17 h 18 pour les autres, Béatrice vole en éclats. C’est l’apocalypse. La formidable préparation d’artillerie, durant trois heures, quatre heures ? Ces grondements, ces sifflements, ces explosions sourdes, ces déflagrations ce sont des obus, des milliers d’obus de tous calibres, mortiers lourds, canons SKZ de 57 et artillerie de 77 et 105 mm, une gigantesque préparation d’artillerie qui pilonne et dévaste les PC.

Plus de 20 000 coups, au cours de la nuit.

La 351e division lourde a de quoi animer le paysage.

Tir d’obus toutes les 2 ou 3 minutes par salves de 6 (15 à 18 obus à la minute).

L’épaisse poussière soulevée par les explosions enveloppe BÉATRICE dans un nuage

DOMINIQUE 5 : La position de 1re CEPML mortiers lourds du lieutenant Erwan BERGOT, accrochée sur le flanc arrière de DOMINIQUE 2, est démantelée par le bombardement. Il perd 3 de ses 6 mortiers de 120 mm par des coups directs. Le caporal DRESCHER, les légionnaires ZAPLOTNY, KANDERSKI, RUNDE et SCHOCH sont les premiers morts de la bataille. Une torpille Viêt pénètre dans une soute et fait exploser les 5 000 obus de mortiers entreposés. Un séisme secoue la colline et détruit un quatrième mortier.

La moitié de l’effectif est anéantie : 12 tués, 3 blessés et 4 mortiers de 120 détruits, avec la moitié de la dotation.

Cie de transmission air 814 – Adjudant WENTZO. Les lignes téléphoniques sont coupées.

Un des trois groupes électrogène détruit par des éclats ainsi qu’un câble d’alimentation, évacuation de la tour de contrôle fragilisée (un pied coupé et trop visible).

Pendant le bombardement de BÉATRICE des 105 tombent sur ANNE-MARIE 3, à la 12 : un tué et 3 blessés. Le PA3 n’est pas le plus exposé.

L’observation d’artillerie ne peut plus être assurée par les Morane basés à Diên Biên Phu.

SHD AIR : BÉatrice avant l’assaut.

 

2/3 des pièces de Giap tirent sur le secteur central un tiers sur BÉATRICE.

5 batteries de 105 mm, le 756e et 757e batterie de montagne et la 113e batterie de mortier ouvrent le feu sur la position centrale des PC les positions d’artillerie les parkings avions.

Le 805e Howitzer et la 112e batterie de mortiers prennent pour objectif ISABELLE. 

Le II/4e RAC a un 105mm détruit et plusieurs autres sont mis hors service par endommagent du frein de recul.

Les observateurs avancés utilisant la détection au bruit et au départ de coup, arrivent à estimer les batteries Vietminh.

Les 155 mm interviennent en contre-batterie mais le camouflage et les simulations de coups de départ trompent les observateurs.

Après plusieurs heures de contre-batterie, les 155 se rabattent sur les feux de barrage défensifs.

SHD AIR : BÉATRICE, photographie aérienne du 13 mars.

17 h 20

Après 15 minutes de tir sur la position centrale le 804e et 806e batterie d’howitzer déplacent le tir sur BÉATRICE 2 pour l’une et BÉATRICE 3 pour l’autre. Ces batteries sont situées à 3 km et des observateur avancés guident les tirs

La 752e batterie de montagne engage BÉATRICE 1 à vue directe à une distance de 300 m alors que la 753e tirant à bout portant détruit 4 bunkers de BÉATRICE 2 en 10 minutes.

Les 114e et 115e batteries de mortiers s’ajoutent. 4 mortiers de 120 mm explosent BÉATRICE 2 alors que deux tirent sur les autres points retranchés.

17 canons de 57 mm sans recul, la 202e compagnie de mortiers avec des 82 mm et autres mortiers de 60 mm et les mortiers de 81 et 82 mm des unités d’infanteries. 

La 1re CEPML du lieutenant Erwan BERGOT souffre des bombardements. Située derrière DOMINIQUE 5, elle perd 3 des ses 6 mortiers de 120 par coup direct et un quatrième lorsqu’un dépôt contenant 5 000 obus de mortiers explose. 12 de ses 35 hommes sont tués et 3 sont blessés.

Des obus de mortiers de 120 tombent sur GABRIELLE pour les impressionner ; des Viets se glissent dans les réseaux mais sont abattus. Un mortier de 120 détruit.

Estimation de 9 000 coups de 105 mm sur BÉATRICE.

Le Dodge du vaguemestre de ISABELLE et le journaliste s’arrêtent avant ISABELLE pour ne pas être pris dans le bombardement.

Le lieutenant MOISSINAC reste à ISABELLE et y passe la nuit.

17 h 30

Un coup au but crève le toit de l’abri de LANGLAIS. L’abri s’est effondré sans blesser les occupants.

Le poste de commandement d’intervention aérienne, PCIA « Torricelli », du capitaine CHARNOT est touché à huit reprises par l’artillerie Viêt-minh.

Permanence Gonio poursuivie depuis une tranchée creusée devant le radiophare. Gonio soulevée, antenne mats cisaillées, Liaison PC coupées.

Adjudant WENTZO rétablit contact par poste d’artillerie à proximité.

Un poste SCR 300 est ramené sous les tirs.

Le sergent KUBIAK du 3/13e DBLE a vécu cet enfer : « C’est alors que, d’un coup, la fin du monde arrive. Il semble que le piton Béatrice « s’envole, réduit en poussière ». Tout autour de moi, la terre se soulève, et les légionnaires s’écroulent çà et là, mortellement touchés. Je fonce vers la position que je dois tenir et retrouve tous mes légionnaires déjà prêts à accueillir l’ennemi au cas où il se risquerait à venir jusqu’à nous. Pour l’instant, pas un seul mort parmi eux et cela semble un miracle après tous ceux que je viens de voir tomber en quelques instants. Ce serait vraiment une chance inouïe que cela continue de cette façon. Tout surpris, nous nous demandons où les Viets ont pu prendre tant de canons, capables de déclencher un tir d’artillerie d’une telle puissance. Les obus tombent sans arrêt comme une brusque averse de grêlons meurtriers un soir d’automne. Blockhaus après blockhaus, tranchée par tranchée, tout s’écrase, ensevelissant les hommes et les armes. »

Très vite, les pertes sont élevées. Plus grave encore, vers 17 h 30, un obus à court retard s’enfouit et explose dans l’abri du commandant Pégot qui est tué ainsi que son adjoint, le capitaine Pardi. Peu de temps après le centre de transmissions est touché. Le bataillon n’est plus commandé alors que, dans les barbelés où ils se sont glissés, les premiers Viets des compagnies d’assaut ouvrent des passages avec des sortes de bengalore et se lancent à l’attaque.

Le tir de préparation Viêt que le colonel PIROTH, commandant l’artillerie du PC GONO croyait impossible, est levé. Le corps à corps s’engage ; il va durer cinq heures. Deux fois, trois fois, la 9e compagnie du lieutenant CARRIÈRE (BÉATRICE 1) et la 11e compagnie du lieutenant TURPIN (BÉATRICE 3) rejettent les Viets au ravin. Deux fois, trois fois, l’artillerie ennemie prend le relai, à peine contre-battue par une artillerie française qui ne peut, et ne pourra pratiquement jamais situer les pièces de la 351. Les légionnaires sont hachés par les obus sur leurs emplacements de combat ; les sections sont décimées et les pertes considérables. Partout, les hommes sont au corps à corps.

Voilà bientôt quatre heures que nous tirons.

À sa demande d’où peuvent-ils bien sortir ? Malgré nos rafales continues et les trous que nous faisons sans cesse dans leurs rangs, les Viets, comme pour nous narguer, continuent d’avancer. Je serre les dents et encourage les légionnaires qui viennent vers moi pour savoir ce qu’il doivent faire.

Un légionnaire est aux prises avec un Viet. N’ayant plus de munitions, il se déchaîne, frappant soudain son adversaire avec sa mitrailleuse. Et pourtant, son bras gauche n’est plus qu’un lambeau de chair sanguinolente, bien près de se détacher du corps. Dans l’ardeur du combat, c’est tout juste s’il ressent son horrible blessure. Il attendra jusqu’à 8 heures du matin avant qu’on puisse l’amputer, au centre du terrain qu’il aura réussi à rejoindre par ses propres moyens Puis à la première contre-attaque, il s’échappera de l’ambulance et mourra en héros après avoir combattu de longues minutes avec son unique bras. »

Le sort s’acharne sur la 13e DBLE ; après le commandant PÉGOT, au cœur même de Diên Biên Phu, un peu avant 20 heures, un autre obus explose dans le blockhaus du colonel GAUCHER, commandant le GM 9 et les deux bataillons de la 13e DBLE dont il est le chef de corps.

« On ne peut assurer la défense du point d’appui par radio, observe le colonel Gaucher ; il faut désigner un officier pour tâcher de rejoindre Béatrice et en prendre le commandement sous le feu. Je propose que l’on… Il ne peut achever sa phrase. Un obus crève le toit de l’abri, percute le bureau de bois sur lequel il explose. Dans le noir, Van Fleteren écarte la toile de sac qui séparait les deux abris et projette sa lampe électrique autour de lui. Dans la poussière et la fumée, il découvre un spectacle horrible.

Le colonel gît sous les débris de son bureau, les membres disloqués, le visage méconnaissable. À ses côtés, les lieutenants BAILLY et BRETTEVILLE. Le premier est décapité, le second, la poitrine défoncée a été tué sur le coup. Le commandant MARTINELLI semble sérieusement touché, mais il vit. Seul, presque indemne, le commandant VADOT, protégé par sa position un peu en retrait, a reçu une gerbe de petits éclats dans le thorax. Un quart d’heure après, le colonel mourait. »

Sa mort va avoir des conséquences funestes sur le sort de la bataille en cours, tout le système de défense de l’est de Diên Biên Phu étant décapité. Certes, le commandant VADOT, bien que blessé, prend aussitôt le commandement de l’unité, mais la contre-attaque pour dégager BÉATRICE ne pourra se produire. BÉATRICE, pendant ce temps, agonise.

18 h 00

Bilan journée : 1er BEP : 2 hommes de troupe européens tués.

1 homme de troupe autochtone blessé.

18 h 15

Coucher du soleil.

Les deux boyaux prévus pour le régiment 141 sur les deux collines nord-est atteignent les réseaux de file de fer barbelés.

L’ouverture de brèches demande un quart d’heure, une des brèches demande l’emploi de 18 charges.

Le régiment 209 sur le point d’appui est met 4 heures pour terminer son boyau d’approche.

18 h 30

Commandant PÉGOT tué avec son adjudant major sur point central de BÉATRICE. Destruction des radios. Capitaine PARDI et lieutenant PUNGIER tués par la chute du toit occasionné par au tir direct de plein fouet de 2 obus de 75 mm sans recul le deuxième éclatant à l’intérieur. Un autre obus frappe le local radio et le détruit.

3 officiers tués et un gravement blessé alors que l’assaut n’a pas encore commencé. Au même moment, le lieutenant TURPIN est grièvement blessé au PC de la 11e compagnie. Puis, c’est au tour du lieutenant CARRIÈRE de tomber à la tête de la 9e compagnie, fauché par une rafale de mitrailleuse.

Au 8e BPC, plusieurs abris se sont effondrés sous les impacts. DE CARFORT – 8e Choc – sur ÉPERVIER, appel, obus dans un abris écroulé : 5 tués, 5 blessés. Au total 19 blessés.

150 blessés à l’hôpital dont 70 légers de retour vers les postes de secours des bataillons 50 à opérer.


Début de l’assaut de nuit. Contact infanterie face ouest de BÉATRICE. Des coolies fanatisés (choumés diront certains) se jettent sur les barbelés glissent de longs tubes de bambous bourrés d’explosif et les font sauté y perdant la vie ou se jettent sur les barbelés avec des ceintures d’explosifs qu’ils font sauter. Derrière eux, se jette la deuxième vague pour emporter l’objectif.

Les vagues d’assaut du régiment 141 se rependent dans le dispositif. Le point d’appui nord, qui est tenu par la 10e Cie du III/13e DBLE soit une centaine d’hommes, tombe à 20 h 15. 

Les Bo Doïs dans le dispositif de la 9e et 11e compagnie.

18 h 45

Demande par télégramme du colonel DE CASTRIES : tous les moyens lucioles, le maximum de B-26 et Privateer.

19 h 00

V/7e RTA GABRIELLE : Dès la tombée de la nuit le PA est fortement harcelé avec plusieurs tentatives d’infiltrations au nord et l’est jusqu’à 01 h 00.

19 h 10

Plus de liaisons avec BÉATRICE.

19 h 45

Sur le centre à 10 m du PC DE CASTRIES, un obus rentre par une fenêtre d’aération de l’abri du chef de secteur centre : lieutenant-colonel GAUCHER blessé mortellement avec les officiers de la 13e DBLE, lieutenants BAILLY et BRETTEVILLE ; lieutenant LEMOINE blessé. Les commandants VADOT et MARTINELLI blessés. Une ambulance sous les feux de l’artillerie transporte le Colonel à l’hôpital. Il meurt dans les bras du père HEINRICH, l’Aumonier du GONO.

Lieutenant-colonel Jules GAUCHER (1905-1954). La 170e promotion de Saint-Cyr (1983-1986) porte son nom.

Le lieutenant-colonel GAUCHER essayait de rentrer en contact avec la 9e et la 12e Cie sur BÉATRICE. Tous les tirs de mortiers repérés pour des pièces installées sur le centre de défense et sur DOMINIQUE ne sont plus utilisables ; ces tirs devant être commandé par le lieutenant-colonel GAUCHER.

25 impacts de 105 sur un rayon de 20 m autour du PC.

Le colonel DE CASTRIES évalue à 300 obus tombés aux abords du PC.

Désorganisation totale de la défense et de la contre-attaque.

Le lieutenant-colonel LANGLAIS compare le bombardement à celui subit en Forêt Noire en 1945. Le colonel DE CASTRIES le compare à celui qu’il a subi pendant la campagne d’Italie aux heure les plus dures.

2 pièces de 105 détruites par coup direct à la 6e batterie – lieutenant MOREAU – 4e RAC et 3e pièce, servants blessés ou tués.

Les artilleurs Viet tirent sur objectif reconnu différents PC et l’hôpital dans un rayon de cent mètres par série de 12 ou 16 (60 obus par minute).

Tir sur les 105 à côté du parc de réparation.

La contre-batterie de l’artillerie est effectuée mais sans résultat. L’artillerie est impuissante à stopper ou à réduire les tirs Vietminh.

19 h 50

Le colonel LANGLAIS est chargé du secteur centre Il ne peut que retenter de joindre les différentes Cies sur BÉATRICE. Tous les plans de tirs et d’intervention sont inutilisables. Aucun ordre de tirs n’est donné à partir de 19 h 45. Seul des tirs intermittents sont applicables mais tombent sur des zones approximatives ou est censé se trouver l’ennemi. Le régiment 209 est fortement gêné par ces tirs mais le régiment 141 ne semble pas touché ce qui lui permet de progresser plus vite dans BÉATRICE.

Les infirmeries sont pleines ; les blessés arrivent directement à l’hôpital et s’entassent dans le triage non protégé des coups.

10 blessés en provenance du Bataillon Thaï 2 et de CLAUDINE.

Appel du médecin RONDY du 1er BEP sur CLAUDINE SUD-OUEST : obus tombé dans blockhaus – 12 blessés.

Les gendarmes viennent se mettre à disposition de l’hôpital : Sergent-chef SALAUN :

Au bout de deux heures de bombardement, l’assaut commence sur BÉATRICE avec deux régiments de la division 312 à deux compagnies.

Levée du bombardement sur BÉATRICE : une immense clameur poussée par mille poitrines qui se lancent à l’assaut appuyés par les canons sans-recul et les mortiers qui tirent à moins de 300 mètres.

Les Bearcat de Diên Biên Phu ont réalisés 20 sorties en 7 h 05 de vol sur des positions au nord et au nord-est de la cuvette.

Pascal PECCAVET
Pascal PECCAVET
Ancien pilote d'hélicoptère sur Gazelle au sein de l’aviation Légère de l’armée de Terre (ALAT) pendant 18 ans cumulant 2 500 heures de vol. Ancien combattant de la guerre du Golfe et de la Somalie. Attaché Principal d’Administration d’État dans l’Éducation nationale. Adjoint gestionnaire d’un établissement scolaire. Commissaire aux Armées de Réserve (en attente d'affectation). Membre de l’Union Nationale des Combattants de Saint-Paul-lès-Dax (Landes). Historien chercheur pour l'ECPAD. Historien "War Studies". Spécialiste de la guerre d’Indochine. A rejoint l'équipe rédactionnelle de THEATRUM BELLI en janvier 2024.
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1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour,
    Merci pour ce site qui transmet la mémoire de « la 13 ».
    Mon père Émile Jung 4ème Compagnie du I er Bataillon de la 13 DBLE
    Croix de Guerre a survécu à la bataille et au camp.
    Mon fils prépare un roman graphique retraçant son histoire.
    Je recherche des précisions pour lire son livret militaire.
    Que signifient
    FO CD,
    Captivité BdB
    E.O BdB CD
    En Mer Bdb CD
    CFC Bdb CD
    Algérie Bdb CD
    Maroc TM Bdb CD
    Maroc TM Es ou Eb ?

    Merci
    Cordialement
    Robert Jung

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