mercredi 27 novembre 2024

DIÊN BIÊN PHU : Journal de marche du 17 mars 1954

Nuit du 16 au 17 mars

18 h 58

CR largages terminés – unités en sécurités.

Les parachutages ont lieu maintenant sur des DZ avec des noms conventionnels à l’intérieur des points d’appuis au nord et au nord-ouest sur ISABELLE.

Parachutage par 3 ou 4 sur PC central et par 2 sur ISABELLE en une quinzaine de passages largage à 1200 ft puis 600 ft devant la DCA

PÉRAUD arrive au village Thaï blanc le long de la Nam Youm et longe la rive par un sentier vers le sud. Il arrive à la maison de Monsieur BORDIER, gendre de DEO VAN LONG, maison normalement vide et s’installe dans le logement où vit une concubine de DEO VAN LONG qu’il a laissé à Diên Biên Phu. 

ISABELLE 3 : tentatives d’infiltrations pour saboter les batteries du III/10e RAC.

Échec des infiltrations, le commandement Viet matraque ISABELLE au point de tomber en rupture de stock de munitions de mortier de 82 mm.

Le 8e BPC a 1 tué et un blessé dans la journée.

Le commandant GRAUWIN, patron de l’hôpital, examine le lieutenant MOISSINAC « le journaliste qui a morflé ». Il lui promet de le rapatrier dès qu’il aura de la place dans un avion

Arrivé parachuté, le photographe Daniel CAMUS vient rendre visite à MOISSINAC et le trouvant  superbe insiste pour le photographier à l’entrée de l’abri. MOISSINAC a tout à fait l’image du combattant revenant du front.

Quelques jours plus tard les photographies développées à Hanoï son image étant la plus parlante, la presse internationale s’en empare et publiera la photo de « l’officier, héros de Dien Bien Phu » . Publiée dans le Figaro ses parents découvriront avec horreur la présence de leur fils a Diên Biên Phu

19 h 00

Largage personnel terminé.

Harcèlement artillerie. 60 obus de mortiers sur ANNE-MARIE 1 et 2.

Menace se précise pour cette nuit sur face ouest et nord-ouest.

19 h 45

Un tirailleur algérien se présente devant les barbelés et fait connaitre qu’il est porteur d’une lettre destinée au commandant

On le laisse mariner 20 minutes avant de le guider à travers les chicanes. Il s’appelle BOUMEDIENNI et a été fait prisonnier sur GABRIELLE. Il remet son message au capitaine THIMONNIER.

Après 19 h 45

Un officier Viet porteur d’un drapeau blanc se présente devant l’un des pitons au nord du point d’appui ANNE-MARIE 1.

Il annonce pour le lendemain matin vers 8 h 00 h la restitution d’une soixantaine de blessés du 5/7 RTA faits prisonniers la veille sur GABRIELLE.

Ils seront brancardés jusqu’au pied d’un petit mamelon situé à 600 m au nord d’ANNE-MARIE 2 ou les médecins du camp pourront les récupérer.

L’ennemi accepte de libérer des blessés capturés sur GABRIELLE, libération à l’entrée de Ban Ha un village proche le lendemain à 8 h 00.

Le général GIAP sait très bien quelle charge la foule des blessés représente pour le commandement français :

De nouvelles désertions sur ANNE-MARIE :

  • 40 hommes désertent à la 10e Cie
  • 20 hommes à la Cie de commandement
  • et 58 à la CSM 272.

Les tirs de harcèlement qui n’ont pas cessé de toute la journée sur le secteur nord d’ANNE-MARIE ont empêché les cadres français de ramener avec eux en se repliant les armes lourdes installées sur les PA avancés.

Le reste du bataillon est ventilé sur ISABELLE.

20 h 00

Harcèlement de l’artillerie continue.

Commandant BT3 a reçu une lettre des cadres VM non identifiés précisant que demain matin à 8 h 00 soixante blessés de GABRIELLE se trouveraient 600 mètres Nord ANNE-MARIE et l’invite a venir les prendre. Ce point est depuis hier fortement occupé par le VM.

DE CASTRIES et LANGLAIS décident de ne pas se battre pour ANNE-MARIE 1 et 2 mais de rattacher ANNE-MARIE 3 et 4 au centre de résistance HUGUETTE.

ANNE-MARIE 3 s’appellera désormais HUGUETTE 6 et ANNE-MARIE 4  HUGUETTE 7

Les officiers et sous-officiers français et quelques sous-officiers et soldats Thaïs restés fidèles sur ANNE-MARIE passent une mauvaise nuit.

Le reste du bataillon est ventilé sur ISABELLE.

20 h 30

Compte rendu lieutenant MOREAU – OLAT Bach Mai :

Dakota sanitaire rentré sans pouvoir se poser. Il a percé, battu des ailes mais Torri Rouge lui a refusé la piste, celle-ci est HS. Signale renforcement tir d’artillerie sur ANNE-MARIE. PC GONO ISABELLE. Aucun tir sur la DZ au moment du dernier largage. Antenne chirurgicale larguée directement sur le PC à la demande de Torri Rouge.

22 h 00

Message : 8 tirailleurs du BT3 manquants dont 5 avec armes.

22 h 30

La 3e Cie du 1/2 REI est envoyée pour réoccuper ANNE-MARIE 3.

23 h 05

Ordre d’évacuation de tous les personnels Air par n’importe quel moyen.

 

00 h 41

Contact de sonnettes abord DOMINIQUE face est.

Harcèlement continue.

60 tirailleurs Thaï ont déserté dans la nuit. Ils tenaient les pitons ANNE-MARIE 1 et ANNE-MARIE 2.

La 9e Cie du BT3 tient bon sur ANNE-MARIE 4 et sert de recueil à certains éléments du bataillon (PC).

Mercredi 17 mars

06 h 00

VERDAGUER donne les ordres pour récupérer les blessés pas d’armes le brassard de la croix rouge pas de commentaires même à voix basse  tenue irréprochable

25 brancardiers – la rencontre a lieu à 3 km d’ANNE-MARIE en vue de GABRIELLE mais a nette distance.

Contact avec un officier Vietminh parlant correctement français et connaissant parfaitement l’encadrement de GABRIELLE et du V/7e RTA.

Une fiche du GONO parle de 31 blessés restitués mais le commandant MECQUENEM indique 14 blessés dont sergent Alfred BRECHT.

06 h 30

Tirs sur PC artillerie à cadence variable.

Piste : interdiction pour empêcher récupération des parachutages.

14 morts à l’antenne centrale, visée et touchée par deux obus.

Le colonel NICOT impose des altitudes de sécurité : 1 500 m pour être à l’abri des mitrailleuses de 12,7 mm et 2 800 m pour les canons de 37 AA.

La piste est remise en état fermée depuis le 13 mars.

Deux compagnies du 1er BEP, avec des chars, dégagent la route vers ISABELLE.

09 h 08

Pertes de la nuit :

  • Centre : 3 tués – 7 blessés. 
  • Nord : 3 déserteurs.  
  • Sud : 3 blessés.  
  • GAP 2 : 1 tué – 1 blessé.

Tirs VM sur la piste, artillerie et PC ainsi que sur DOMINIQUE et ELIANE.

10 h 00

Récupération des blessés de GABRIELLE.

Rendus par les Viets avec 2 camions escorté par une escouade sans arme.

Elle brancarde 86 tirailleurs et gradés, tous en piteux état, qui justifieraient une évacuation immédiate. Les Viets laissent le temps de faire venir des camions supplémentaires pour les transporter jusqu’à l’antenne centrale. 

Patrouille autour de DOMINIQUE découvre tranchées a proximité de la position. Tirs d’artillerie VM sur positions d’artillerie piste et PC densité variable. Ouverture route vers Isabelle en cours.

La 7e Cie du BT2 quitte DOMINIQUE 4 pour établir un avant-poste dans le drain à l’est de la piste.

Le colonel LALANDE sur ISABELLE reçoit le capitaine GENDRE et le lieutenant BOTELLA.

Il demande au lieutenant BOTELLA sa vision du PA Wième (ISABELLE 5).

Ce PA avancé représentait pour le Commandant du CR, une grosse sonnette sur laquelle le Viet devait se casser le nez, avant de se heurter à ISABELLE. De l’extérieur, le PA Wième semblait faire partie de l’ensemble du plan de défense.

SHD : Isabelle et Pa Wième.

En réalité, il était séparé d’ISABELLE par la Nam Youm et n’était relié par aucune tranchée au centre de résistance. Inquiet par l’état du PA occupé par une Cie de Thaï blancs supplétifs. Les tranchées avaient été creusées seulement sur 1 m, à peine avec de temps en temps, un trou pour servir de feuillées. Les abris sont ridiculement petits et recouverts par une ou deux couches de bambous, rarement plus. Une carcasse de buffle gît en plein milieu du PA. Trois simples réseaux de barbelés, par-dessus passent les Thaïs pour leurs sorties. Ils ne connaissent pas les chicanes. Aucun plan de feu.

Après avoir reçu l’avis du lieutenant BOTELLA, le colonel LALANDE donne le commandement du Pa Wième ISABELLE 5 à BOTELLA « Dites-moi ce dont vous avez besoin et au travail ».

ISABELLE : Des troupes du V/7 RTA et du BT3 commencent la construction d’un petit point fortifié du pont à l’est de la rivière entre ISABELLE 2 et le point fortifié Wième. Le PA Wième est en place pour garder le Sud de la piste et est tenu par les auxiliaires Thaï du lieutenant Réginald WIÈME. Il faut s’enfoncer au plus vite, afin de rendre cette position un peu plus sûre et plus défendable qu’elle ne l’est actuellement.

Le colonel LALANDE met deux sections de légionnaires du 3/3e REI à disposition du V/7e RTA et du lieutenant BOTELLA.

Les tirailleurs et légionnaires vont, ensemble, creuser sans répit, améliorer les emplacements d’armes automatiques (chaque fois que c’est possible) malgré le harcèlement de 105, pratiquement permanent, repousser les assauts viets la nuit, reprendre le terrain et reboucher les tranchées viets, au petits matin, être blessés ou mourir.

12 h 20

Le général COGNY survole le camp retranché pendant 30 minutes pour observer la bataille.

13 h 20

Les reconnaissances du matin découvrent des tranchées Viet Minh à 1km devant DOMINIQUE et ÉLIANE 1 – 2 et 3 : elles sont comblées l’après-midi.

Harcèlement artillerie VM. Sur les mêmes zones et mortiers sur DOMINIQUE 6 et ANNE*MARIE 1 et 2. 31 blessés de GABRIELLE déjà récupérés.

Moral BT3 très mauvais.

13 h 30

Évacuation des blessés de Diên Biên Phu par des C-47 avec Croix Rouge.

Le premier C-47, en raison de la violence des tirs de mortiers sur la piste, ne peut pas atterrir. 

13 h 50

Le deuxième Dakota (Zoulou Zoulou), du Franche-Comté – lieutenant DE RUFFRAY – se pose sans problèmes. La densité des tirs de mortier crée la confusion parmi les personnels au sol. Il dépose du sang et embarque 11 blessés dont le journaliste de Caravelle, le lieutenant MOISSINAC. 32 évacués non urgents – le record – et 500 kg de fret. Décollage sur 700 m au milieu des explosions. De nombreux blessés se sont jetés vers l’appareil pour embarquer.

Tous sur l’arrière de l’appareil, problème de centrage au décollage.

L’équipage tente une deuxième rotation.

Le Yankee Bravo tente un posé mais pris à partie par la DCA doit renoncer.

15 h 00

Largage ACP 6 du médecin lieutenant VIDAL sur la fournaise avec 11 hommes par un Dakota du Sénégal sur le PC central et s’installe sur ÉLIANE 1-2. Installation de 50 lits.

Deux autres avions font une tentative dans la soirée mais font demi-tour face à la DCA.

18 h 00

Harcèlement artillerie parfois intensif empêche ramassage sur les DZ.

Pascal PECCAVET
Pascal PECCAVET
Ancien pilote d'hélicoptère sur Gazelle au sein de l’aviation Légère de l’armée de Terre (ALAT) pendant 18 ans cumulant 2 500 heures de vol. Ancien combattant de la guerre du Golfe et de la Somalie. Attaché Principal d’Administration d’État dans l’Éducation nationale. Adjoint gestionnaire d’un établissement scolaire. Commissaire aux Armées de Réserve (en attente d'affectation). Membre de l’Union Nationale des Combattants de Saint-Paul-lès-Dax (Landes). Historien chercheur pour l'ECPAD. Historien "War Studies". Spécialiste de la guerre d’Indochine. A rejoint l'équipe rédactionnelle de THEATRUM BELLI en janvier 2024.
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