samedi 14 septembre 2024

DIÊN BIÊN PHU : Journal de marche du 5 mai 1954

Nuit du 4 au 5 mai

18 h 54

L’attaque sur HUGUETTE 4 semble avoir mis en feu 7 bataillons dont 5 en échelon d’attaque. Des écoutes radio donnent comme unités ayant participé à l’action 36/308 au complet, un groupement de 3 bataillons : 88 et 102 de la division 308 et 1 bataillon de la division 312. Appui feu par le 34 de la division 351.

Au début de matinée le VM semblait être désorganisé. Les pertes seraient très lourdes. Lorsque les pertes sont annoncées TINH commandant l’opération est remplacé par HA.

Pendant l’opération de très violents bombardements du camps retranché sur la zone des batteries et du PC puis harcèlement en cours de journée. Consommation 600 de 105 mm, 200 à 300 de 120 mm les 75 et 81 mm très nombreux les chiffres sont impossible à déterminer.

Prisonniers capturés le 2 mai à ISABELLE rapportent les mots du commissaire politique qui a annoncé que la bataille de Dien Bien Phu durera sans limitation de temps. Tactique employée est le grignotage du dispositif.

19 h 00

Quatre Privateer bombardent l’objectif 22/37 sur lequel ils larguent 44 bombes Lazy Dog et quatre bombes de 250 livres.

20 h 47

1269 blessés à évacuer : 485 couchés et 784 assis.

Le soir

Le général DE CASTRIES après sa visite à l’hôpital envoie un message : La situation des blessés devient de plus en plus tragique. Ils sont empilés les uns sur les autres dans des trous complètements remplis de boue et manquant de toute hygiène. Leur martyre s’aggrave de jour en jour.

3 C-119 sur 8 partis arrivent à parachuter leurs six tonnes

La pluie continue les abris s’effondrent, les tranchées sont inondées.


Bilan des largages nuit du 3 au 4 mai et journée du 04 mai :

Diên Biên Phu : nuit du 3 au 4 mai : 2 C-119

    • Journée du 4 mai : 4 C119 dont 3 hors DZ et 6 C47.
    • Total fret largué : 46,7 t 
    • Total fret utilisable : 25,9 t 
    • Total fret inutilisable : 20,8 t soit 44% par 3 C-119 hors DZ – 16 torches et 27 ouvertures prématurées sur C-47.

 

  • Isabelle : 10 C-47
    • Total fret largué : 22 t
    • Total fret utilisable : 17,7 t 
    • Total fret inutilisable : 4,3 t, soit 20 %

Conclusion : sur 68,7 tonnes larguées dont perte totale 25,1 tonnes, soit 36.5 %.


Une partie de la 4e compagnie du 1er BPC la CCH et le commandant d’unité sautent à son tour dans la nuit du 4 au 5 mai.

Ces derniers sont envoyés en renfort de la 2e compagnie du 2/1 RCP sur Eliane 4.

BAZIN DE BEZONS se présente à LANGLAIS et BIGEARD, il est mécontent :

— Qu’est-ce qu’on nous envoi foutre ici, c’est perdu et mes hommes sont fatigués !

— Ferme-la ! jette BIGEARD.

— On ne vous demande pas votre avis, on vous demande juste de vous faire casser la gueule avec nous ! conclut LANGLAIS.


Isabelle 5 – PA WIÈME : Nuit de combat acharnés, assauts successifs lancés par les Viets une bonne partie de la nuit. Le colonel LALANDE demande de tenir jusqu’à l’arrivée des chars qu’il envoie. C’est grâce à leurs canons, leurs mitrailleuses et à l’artillerie que les Viets, cette nuit-là, ne peuvent prendre pied sur ISABELLE 5. La nuit a coûté cher les hommes sont complètement épuisés, crevés. Mais pas question de se reposer, il faut se réorganiser et se préparer aux nouveaux assauts.

22 h 00

Perte journée ISABELLE : 2 tués, 30 blessés dont capitaine PICARD et lieutenant JOURBIER.

Din Bien Phu : 14 tués dont capitaine CHAUNET et lieutenant DE PAILLERET, 58 blessés et environ 150 disparus dont lieutenant PERRIN.

ISABELLE : une opération d’aération vers l’Ouest permet de reboucher des tranchées VM.

Carte opération Albatros – Condor.

00 h 00

Poursuite du harcèlement.

La pluie tombe comme un déluge jusqu’à midi. 

Les gros orages de la nuit ont gêné l’activité, mais 74 hommes du 1er BPC ont pu être largués.

Les pilotes de la CAT acceptent de reprendre les vols, mais larguent seulement sur ISABELLE ou la DCA est la moins forte. L’axe de largage Nord-Sud est plus compliqué et plus dangereux dans les évolutions.

Deux C-119 seulement arrivent à larguer correctement. 37 % des 78 tonnes livrées est perdu. Les C-119 n° 537 et 155 larguent chacun un groupe électrogène lourd.

02 h 00

Largage prévu de 6 C-119 de matériel et de 13 C-47 pour 260 hommes.

Le largage de personnel se déroule favorablement. 5 avions ont parachutés 74 hommes. 3 C-119 sont restés au sol pour raison mécanique 1 C-119 a fait demi-tour mécanique.

04 h 00

Poursuite du harcèlement. Mauvaise visibilité rend impossible continuation du largage de personnel.

06 h 00

Le harcèlement se poursuit.

Mercredi 5 mai

08 h 00

La pluie n’a pas cessé de tomber toute la nuit.

Le Génie agrandi l’hôpital et creuse de nouveaux dépôts souterrains.

La 21e Cie du 31e Génie continue et continuera jusqu’au bout de fournir de l’électricité à tous le camp retranché.

Jusqu’au dernier jour les transmissions fonctionneront à Diên Biên Phu.

Les harcèlements d’artillerie ont continué de part et d’autre à cadence réduite. Nos batteries sont maintenant harcelées par des armes automatiques.

Recrudescence de la DCA légère.

Les pluies continuelles occasionnent l’inondation des tranchées et l’éboulement des abris. La situation des blessés est en particulier de plus en plus tragique. Entassés pour la plupart, dans des trous boueux sans hygiène, ils voient chaque jour leur martyr augmenter.

10 h 00

De nombreux abris effondrés par la pluie. Tout mouvement pratiquement impossible.

Stocks de munitions :

  • 2 600 coups de 105.   
  • 40 de 155.   
  • 1 180 de 120.

L’artillerie va bientôt manquer de munitions si les tirs continuent à ce régime.

Effectifs du GONO arrêtés au mercredi 5 Mai derniers chiffres valides

  • Valides et blessés légers : 288 officiers, 1 116 sous-officiers, 6 316 hommes de troupes, 438 supplétifs. Total : 8 158.
  • Blessés à évacuer : 1 444, dont 1 282 sur Diên Biên Phu et 162 sur ISABELLE et non triés : 531.

Total 10 138

Après le 5 mai les chiffres ne sont plus mis à jour : 1 412 Français, 2 607 Nord-Africains, 247 Africains, 2 969 légionnaires, 3 578 autochtones, Total : 15 104.

Renforts parachutistes largués : 1 169 Français, 527 Légionnaires, 1901 autochtones. 

Renforts largués non parachutistes : 215 Français, 30 Nord-Africains, 435 légionnaires, Total : 680.

Tués : 1 142  dont 54 officiers, 176 sous-officiers et 912 hommes de troupe.

Disparus :  1 606 dont 46 officiers, 158 sous-officiers et 1 402 hommes de troupe.

Déserteurs : 1 161 dont 907 supplétifs.

Valides et blessés légers : 288 officiers, 1 116 sous-officiers, 6 316 hommes de troupe et 438 supplétifs.

303 blessés ont pu être évacués par avions et hélicoptères.

1 444 blessés à évacuer répartis en 903 assis, 541 couchés plus 531 blessés non triés provenant des combats du 4 mai. En tout : 1 975 hommes.

Mais 4 436 hommes ont été signalés blessés soit 44 % de l’effectif 117/520/3802 mais en plus un certain nombre ont simplement été pansés et ont rejoint leurs unités sans être enregistrés parmi ceux la certains ont été blessés plusieurs fois.

2 665 hommes sont entrés dans les antennes chirurgicales dont 934 ont été opérés.

Effectif total 10 133.

Les  combattants de 1re ligne sont moins d’un 1/3, soit environ 3 377.

Au total le 1er BPC saute à 287 hommes en plusieurs nuits avec 177 Français et 110 autochtones réguliers. 13/41/233.

Arrivée prévue Indochine prévue de 400 appelés volontaires pour servir, par avion par les forces américaines Globe master de la 322e US Air Force.

3e BEP  18/50-70/320 embarqués sur le Pasteur arrivée attendue le 22 mai en Indochine

Un bataillon de tirailleurs algériens en attente de départ en Algérie.

SHD : photo aérienne de la situation au 5 mai 1954.

11 h 00

74 hommes du 1er BPC largués la nuit rejoignent ELIANE 3. Lieutenant JULIEN, capitaine PENDUFF, avec une partie de la section de commandement du bataillon. De leurs poches, ils sortent du courrier et des bouteilles plates de Cognac.

12 h 00

De nombreux abris continuent à s’écrouler. Reprise du harcèlement.

POUGET sur ELIANE 3 reçoit par agent de liaison l’ordre, en laissant ELIANE 3 aux rescapés du 4e RTM du capitaine NICOD, de prendre la direction d’ELIANE 2  pour relever le reste de la 1/13e DBLE.

— « Vous prenez le commandement du point d’appui avec la 2e et 3e Cie du 1er BPC. »

Montée du 1er BPC de POUGET vers ELIANE 2 dans la boue. Derniers mètres sous un tir de mortier.

POUGET : « J’avançais lentement, la boue collait aux jambes et il fallait faire un effort à chaque pas. Dans la tranchée couverte avec des meurtrières les Viets étaient à 5 m nous échangions par nuit près de 5 000 grenades en haut de ELIANE 2. »

Relève du capitaine COUTANT, chef du service social de la Légion étrangère, devenu chef du 1er Bataillon depuis la chute de BÉATRICE, volontaire alors qu’il devait repartir après une mission de 48 heures. La Cie EDME du 1er BPC, qui a sauté le 2 mai, est face à l’Est et au Sud point le plus inconfortable avec les tranchées ennemies à 5 m.

Nécessité de 3 000 grenades à main par nuit.

Les légionnaires partent.

Neuf Dakota du Franche-Comté larguent sur Diên Biên Phu dont le Yankee Bravo qui largue des munitions sur ISABELLE.

POUGET atteint ELIANE 2 pour relever les légionnaires.

Une odeur permanente : 1 500 Viets sont enterrés sur la colline.

Le char BAZEILLE est toujours sur la colline immobilisé définitivement depuis le 1er avril et s’enfonce dans le sol. Il sert de blockhaus.

La 3e cie du 1er BPC relève les éléments du 1/13e DBLE où se trouve depuis la veille la compagnie Edme sur ELIANE 2. Pouget prend le commandement de ELIANE 2 avec 2e et 3e Cie du 1er BPC.

Le capitaine COUTANT de la 1/13 DBLE avait préparé son sac mais décide de rester avec POUGET la nuit pour passer les consignes.

Dans les racines du grand flamboyant un gros blockhaus protège le chemin de ravitaillement et de replis par ELIANE 3.

L’ennemi a creusé une longue tranchée au pied de la pente Ouest de ELIANE 2 vers le blockhaus du flamboyant et arrive à 10 m malgré les dix rebouchages des légionnaires.

3 volontaires de la mort (équipés d’une charge de 25 à 30 kilos de TNT, fixés sur la poitrine par des courroies. Un bouchon allumeur a pression fait saillie à l’avant, prêt à fonctionner, au premier contact avec un corps dur) gisent devant le blockhaus.

13 h 45

Quatre B-26 Martini Bleu du capitaine BEAUMONT décollent.

14 h 00

L’artillerie de ISABELLE prend à partie un gros assemblement de troupes VM à l’Est de ELIANE 1.

Les chars sont appelés à la rescousse avec l’ETTLINGEN et le POSEN et prennent position sur le flanc de ELIANE 4 pour tirer sur nos anciennes positions DOMNIQUE 3 et ELIANE 1 qui menacent les Thaïs du BT2 et les paras d’ELIANE 10 et 12.

15 h 00

Martini Bleu sur Diên Biên Phu bombarde malgré les nuages l’objectif 08/37. Au retour Bleu 4 mène une reconnaissance armée sur la RP 41.

15 h 30

Martini Rose : 4 B-26 du commandant DAGAIN largue une trainée de 42 bombes de 250 livres sur une batterie de DCA située à l’ouest de la piste.

17 h 00

Un Bearcat de l’EROM 80 (pilote lieutenant ROY) se présente à Gia Lam touché par la DCA au nord de Thaï Nguyen. L’aileron est arraché. Il tente de se poser mais l’avion s’abat sur la droite, l’aile touche le sol, l’avion se retourne et passe sur le dos. Le pilote est tué.

18 h 00

Harcèlement sur l’ensemble de la position à tous calibres. Largage des C119 commencent particulièrement mal en dépit de l’absence presque complète de DCA. 41 avions ont décollé sur la journée, 4 ont fait demi-tour, 37 ont largué.

Bilan des parachutages de la nuit du 4 au 5 mai et journée du 5 mai : 94 tonnes larguées – pertes totales 29 tonnes.

Pertes du 8e BPC :

  • Tués : un caporal, un 1ère classe, un 2e classe.
  • Blessés : Trois 2e classe, un 1re classe, un caporal.

Pertes du 1er BEP :

  • 1 homme de troupe européen tué.
  • 5 hommes de troupe européens blessés.

Le soir

ELIANE 2 : Les légionnaires sont partis. Ce sont les 2e et 3e Cie du 1er BPC EDME et 2e Cie face Est et Sud ; POUGET avec la 3e au sommet.

État de l’artillerie lors du CR journalier du soir :

  • Obusiers de 105 mm : 18
  • Obusiers de 155 mm : 1
  • Mortiers de 120 mm : 15

À la nuit – Cat Bi : des bombardiers décollent individuellement pour attaquer la RP41. En vol entre 5 000 et 8 000 pieds. Ils recherchent la phares des colonnes de véhicules sur les axes de circulation. Équipés en bombes de 250 ou 500 livres à fragmentation équipés de fusées VT (Variable Time) (radio altimètres alimentés en courant électrique par un moulinet à l’avant de la fusée et réglées pour éclater à quelques mètres du sol en projetant une gerbe d’éclats).


Bilan des parachutages nuit du 04 au 05 mai et journée 05 mai :

  • Diên Biên Phu :
    • Nuit du 04 au 05 mai : 2 C-119
    • Journée du 05 mai : 4 C-119 dont 2,5 hors DZ 6 C-47.
    • Total largué 46,2 t.
    • Total fret utilisable : 24,6 t.
    • Total fret inutilisable : 21,6 t, soit 47 %
  • Isabelle : 3 C-119, 14 C-47
    • Total fret largué : 47,3 t.
    • Total fret utilisable : 39,6 t.
    • Total fret inutilisable : 7,7 t, soit 19 %.

Conclusion : sur 93,5 t larguées, perte totale 29,3 t (31 %) – 47 torches et 32 ouvertures prématurées.

Pascal PECCAVET
Pascal PECCAVET
Ancien pilote d'hélicoptère sur Gazelle au sein de l’aviation Légère de l’armée de Terre (ALAT) pendant 18 ans cumulant 2 500 heures de vol. Ancien combattant de la guerre du Golfe et de la Somalie. Attaché Principal d’Administration d’État dans l’Éducation nationale. Adjoint gestionnaire d’un établissement scolaire. Commissaire aux Armées de Réserve (en attente d'affectation). Membre de l’Union Nationale des Combattants de Saint-Paul-lès-Dax (Landes). Historien chercheur pour l'ECPAD. Historien "War Studies". Spécialiste de la guerre d’Indochine. A rejoint l'équipe rédactionnelle de THEATRUM BELLI en janvier 2024.
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4 Commentaires

  1. Les députés et senateurs de la 5eme république pourraient faire acte de repentance avec genou à terre le 7 mai pour toutes les trahisons à l’égard de nos soldats du CEFEO qu’on fait leurs prédécesseurs de la 4eme?

  2. Que de valeurs militaires, que de courage perdu, de gens allant au sacrifice suprême pendant que des politiques traînent la jambe pour signer les accords de Genève.
    En conclusion : Un grand gaspillage humain, voilà ce que fut cette bataille.
    Il reste le souvenir et la mémoire à entretenir.
    Et surtout le respect que l »on doit à ces hommes

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