Nuit du 5 au 6 avril
19 h 00
Légers harcèlements sur l’ensemble de la position.
22 h 00
Harcèlement de la position en particulier à chaque largage de personnel. Le Génie retire 15 mines sur la piste d’envol. Largage dans de bonnes conditions
22 h 30
Situation inchangée. Les évacuations sanitaires n’ont pas eu lieu.
Parachutages de renforts en cours.
Bilan de l’attaque sur HUGUETTE 6 :
- Pertes amies : 23 tués dont un officier, 112 blessés dont 3 officiers et 86 disparus.
- Pertes rebelles : 800 tués dénombrés (nombreuses pertes), plus un certain nombre en dehors de la position dans les tranchées d’approche.
240 parachutistes sont largués par les Dakota l’opération doit être interrompue à minuit 30 à cause d’un orage sur la cuvette un stick d’une vingtaine d’hommes déportés tombe chez l’ennemi. 12 Dakota sur 14 ont pu larguer leurs personnels.
Bach Maï, lundi 5 avril 1954, vers 21 h 00.
Ces missions « Banjo » seront parmi les plus délicates et les plus dangereuses. Les paras devaient être largués à 400 mètres sur une DZ courte, en deux passages, voire trois. L’obligation de passer toujours au même endroit, en ligne droite, à vitesse de parachutage, nous valait d’être tirés comme des pigeons.
Les parachutistes n’avaient pas le temps d’apprendre à sauter (les avions étaient pris pour les missions opérationnelles). Quelques-uns avaient effectué un ou deux sauts, les autres aucun : ils étaient largués dans la fournaise de Diên-Biên-Phù, de nuit, sans entraînement. Certains voulaient absolument combattre, d’autres étaient pris de panique au dernier moment. Il fallait décrocher leur SOA (sangle d’ouverture automatique), et cela retardait les autres. Parfois même il arrivait que l’un d’eux, pour être sûr de ne pas être poussé de force par les dispatchers, ouvre son ventral dans l’avion. Bonjour les dégâts !
Au total les quatre groupes, « Franche-Comté », « Anjou », « Béarn » et Sénégal » effectueront 164 missions Banjo et largueront 3 024 paras.
Dans une semi-obscurité, les Dakota sont alignés sur le parking où règne l’effervescence qui précède les missions Banjo. Les sticks de paras qui sauteront dans quelques heures, de nuit, dans la fournaise de Diên Biên Phu, se préparent.
L’équipage du « Franche-Comté » du C-47 n° 545 F-RAYA, le pilote LAMARQUE, le NCA, un certain capitaine…, le mécano VLASSOF et le radio RUBEL, observent les paras, alignés, dont on vérifie l’équipement avant l’embarquement.
Combien parmi eux reviendront de Diên Biên Phu ? Il y aura ceux qui se réceptionneront mal à l’arrivée au sol et qui connaîtront tout de suite l’infirmerie, ceux qui combattront et qui finiront ou morts ou blessés ou rescapés mais prisonniers dans des conditions telles que peu s’en sortiront. En fait, je crois que je ne me posais pas trop de questions à cette époque où j’avais 21 ans. La mission était là et il fallait l’exécuter.
Les para embarqués, mise en route, roulage, décollage et cap sur Diên Biên Phu. La routine…
Comme pour toutes les missions de nuit, cache-flammes et discrétion sont de rigueur. Même les vers luisants sont interdits à bord ! …
À l’approche de la DZ, les paras accrochent leur SOA et le dispatcher, pour les vérifier, allume sa lampe électrique en ne laissant filtrer entre ses doigts qu’un mince rai de lumière. Aussitôt notre NCA l’engueule : pas de lumière !
Alignement pour le premier passage. Top largage… et au lieu d’appuyer sur la sonnette de largage, notre bon NCA… allume les phares d’atterrissage !!!
C’est aussitôt un festival de traçantes convergeant sur nous. Lamarque, furieux, balaie le bras du navigateur d’un coup de coude, éteint les phares tout en se mettant en virage et en « évasives ». Les deux passages pour faire sauter les paras se feront sans l’aide du navigateur. Avec tout ça on n’a pris que deux impacts. Mais quelle chaleur !
HUGUETTE 5 attaqué ; rebelles stoppés.
02 h 45
Fort grenouillage VM autour de HUGUETTE 6 jusqu’à la limite des barbelés. Violent orage arrête le parachutage.
Mardi 6 avril
06 h 00
Léger harcèlement sur l’ensemble de la position.
Estimation des pertes : 1 500 tués et 4 000 blessés.
Logistique CRA 5 : Décision de chargement des C-119 par tranche de 10 appareils. Chargement systématique préprogrammés un tiers infanterie, deux tiers artillerie, chargement sur dernier quart commandes particulières.
30 rotations de C-119 prévues par jour.
09 h 30
Journée relativement calme dur côté VM activité nettement accrue de la DCA moyenne a proximité immédiate de Diên Biên Phu.
Remise en ordre de nos unités à la suite des furieux combats de la nuit dernière.
Parachutage des renforts arrêtés par orage qui entraine un stick en zone adverse 12 paras non récupérés.
Renseignements : les 4 bataillons VM qui ont participé à l’attaque de HUGUETTE 6 ont essuyé des pertes extrêmement sévères et peuvent être considérés comme inutilisables.
Notre artillerie a pris à partie les pièces de DCA signalées et repérées en action particulièrement sur la face Ouest. Elle a traité également les pièces de 105 et 75 SR repérées.
Les positions VM autour de la position semblent avoir peu progressé dans les dernières 24 heures mais l’aménagement de positions et de blockhaus sur les PA conquis particulièrement dans le CR HUGUETTE se poursuit.
Matinée
Essai de largage par C-119 sur ISABELLE. Mais demande qu’un essai préalable soit fait comprenant un premier passage de largage d’un parachute témoin.
Nécessité d’un parachutage basse altitude étant donné l’exiguïté du PA.
Le périmètre d’ISABELLE est très petit. Un Dakota traverse la position en 2 secondes !
Il faut 8 jours pour remplacer les obus de 105 mm consommés entre le 30 mars et le 1er avril.
Demande que les C-119 parachutant sur la DZ Principale de Diên Biên Phu fassent deux passages avec un parachute d’essai au premier pour ajuster corrections.
10 h 20
À la suite de situation de plus en plus critique en approvisionnement toute nature, tout potentiel aérien disponible sera utilisé journée du 06 et nuit du 6 au 7 avril à l’envoi de matériels, munitions et vivres.
Envoi de renforts prévu ce soir reporté demain. « COGNY ».
10 h 45
Position harcelées irrégulièrement au mortier par salves.
13 h 00
Fin d’un harcèlement violent par mortiers à l’exclusion de 105 mm.
Le général NAVARRE avec le colonel CRÈVECŒUR, sur la base de Seno, décident le lancement de l’opération Condor.
La situation est la plus grave : des stocks de vivres pour deux jours et 2,5 à 4 unités de feu pour les pièces.
- Les mortiers de 120 mm n’ont que 0,8 UF — 1 422 obus pour 17 tubes en état sur 24.
- Les 155 mm n’ont également que 1,2 UF — 418 coups pour 3 tubes en état sur 4.
- Les 105 mm ont 2,6 UF correspondant seulement à 1 nuit de combat — 615 obus, 17 tubes en état sur 24.
Il ne reste plus de mines pour les points d’appuis arrière comme HUGUETTE 1 ou LILY qui vient d’être créée à partir d’un morceau de CLAUDINE 1.
Il ne reste plus d’obus éclairant pour mortiers de 60 d’infanterie de première ligne. En trois semaines, l’aviation largue 3 500 tonnes de vivres et de matériels sur le camp, dont 75 % sont ramassés par les défenseurs.
La défense d’ELIANE 2 est confiée au 1/13e DBLE.
14 h 00
Reconnaissance Est Ban Me permet la récupération de matériel parachuté par erreur le 05 à 14 h 00 (Deux 75 SR et médicaments). Munitions de 105 tombées en chute libre enlevées en partie par VM. Autre reconnaissance atteint Ban Co My après léger contact au cours duquel 2 VM tués ; 1 poste 300 récupéré.
Bureau appui aérien : Demande en fonction disponibilités restant après exécution votre ordre de bombardement sans entamer potentiel de nuit Bombardement d’objectifs constitués par organisations enterrées et occupées constituant bases de feux mortiers et canons sans recul.
- DOMINIQUE 2 en HV59 — cliché 99 centre en 224/489.
- Mont Chauve en TJ 953/653 en particulier — cliché 99 centre en 185/480.
- DOMINIQUE 1 en particulier sur cliché 99 centre en 245/494.
- Village de Ban Tong et Ban Bong centre en TJ 920/600 HV 59 cliché 60 de 258/410 à 281/410.
Vous demande d’effectuer mission en long retard en fin de journée impérative.
14 h 30
Criquet n° 422 Victor Golf du 23e GAOA, piloté par le maréchal des logis RIBIÈRE du 21e GAOA – observateur lieutenant Bertrand DE LA CHOUE DE LA METTRIE du 21e GAOA – décolle de Muong Sai – Altitude 1 500 m – et parcourt 120 km vers la verticale de Diên Biên Phu.
Le 21e GAOA a perdu 7 avions à Diên Biên Phu et 6 avions ont été saboté sur l’aérodrome de CAT Bi le 7 mars. Les pilotes du 21e GAOA volent sur les avions du 23e.
15 h 30
Mission Photo 565 HV 367 du 06 avril 1954 – Echelle 1/10 000.
La DCA est calme. Le pilote descend trop bas encadré par la DCA de 37 puis par les traçantes de 12.7. Touché par la DCA d’un 37 mm qui rentre par la fenêtre et éclate derrière l’observateur qui est blessé grièvement. Le pilote demande l’autorisation de se poser à Diên Biên Phu. Il plonge vers le sol et arrive à se poser au sud de la piste vers les alvéoles Bearcat. Dès le sol, le Criquet est pris à parti par l’artillerie roule vers les alvéoles des Bearcat, touché par l’artillerie au sol tuant le lieutenant DE LA METTRIE. Le maréchal des logis RIBIERE est sorti de l’avion par une équipe de secours avant qu’il ne prenne feu et ne brule totalement.
Une escadrille C-119 largue sa cargaison complète 18 tonnes de munitions, (dont 2 canons de 75 mm sans recul, des obus, du sang et des accumulateurs) entre les lignes près de Ban Co My. LANGLAIS a une « moue de dégoût ».
Chaque extravagance, comme sortir la tête de l’abri du parapet, est sanctionnée par un coup de canon sans recul, tiré de l’observatoire avancé de DOMINIQUE 2.
Les liaisons indispensables jusqu’au PC se font se font par bonds de boyau en boyau.
La vie reprend à la nuit où pour certains il s’agit de repérer et récupérer les parachutages essaimés au hasard sur le périmètre et qu’il faut recenser et acheminer à destination selon s’il s’agit de munitions ou de ravitaillement. Pour d’autres il s’agit de faire des interventions au profit des positions harcelées.
Bilan Escadron de chars : 23 spécialistes hors de combat dont 9 chefs de char
3 M24 Chaffee immobilisés :
- Char BAZEILLES considéré perdu sur ELIANE 2
- CONTI irréparable dans une alvéole avion de Bearcat avec de bonnes solutions de tir sur DOMINIQUE 2 servant de défense fixe.
- SMOLENSK en attente de pièce (boite de vitesse).
Une chenille larguée dans la journée tombée hors du périmètre ELIANE 3 avec toute la cargaison du C-119. Opération montée pour récupérer le matériel. 2 chars en protection.
Le patron du PC Feux, s’aperçoit que l’ennemi est en permanence branché sur les fréquences de ses artilleurs. Il fait constamment modifier les indicatifs mais l’ennemi possède de bons observateurs.
MESSAGE : Demande de recomplètement en matériel pour l’ACP 6 sur ELIANE 12 dont une grande partie du matériel a été détruit par un bombardement.
Sur HUGUETTE 2 en seconde ligne la 12e Cie du BT3 commence à craquer moralement après la blessure du capitaine GUILLEMINOT le 3 Avril. Jusqu’à 70 hommes désertent et LANGLAIS démantèle la Cie, désarme les troupes et ordonne au 1/5 BPVN du capitaine BIZARD de reprendre la position. 30 Thaïs sont volontaires pour servir l’artillerie.
Les Européens incluant le capitaine GUILLEMINOT, après convalescence, rejoignent le 5e BPVN. 50 Thai désarmés s’esquivent du service, désertent et vont rejoindre les Rats de la Nam Youm le long des rives Ouest de DOMINIQUE 3 ou retournent dans leurs foyers.
17 h 15
Le harcèlement de la position se poursuit à cadence variable par coups de mortier et canons sans recul.
Les anciens méritent que l’on se souviennent d’eux encore aujourd’hui !
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