La polémique sur le programme d’histoire au collège interpelle à nouveau. A force de constater le retour permanent de cette question, je me suis interrogé. Les Français aiment l’histoire. C’est un fait. Ils sont fiers de leur histoire mais à mon avis, une question se pose : aiment-ils tous la même histoire de France ? Je crains que non et cela devient de plus en plus transparent à travers les contributions des uns et des autres dans ce débat qui s’impose dans l’ambiance actuelle de la société française.
Deux concepts de la construction de l’identité nationale s’opposent.
- Les conservateurs, du moins qualifiés de tels, veulent une histoire de France qui a du sens et construit cette identité commune à partir de notre passé ;
- Ceux qui soutiennent la réforme du programme d’histoire, les « progressistes » veulent une histoire-monde dans laquelle la France est noyée, éventuellement stigmatisée pour ses erreurs passées.
Ainsi, d’un côté, une partie d’entre nous voient les Français avec une identité nationale construite à partir de cette Histoire avec des aspects positifs, privilégiés sans toutefois exclure les aspects négatifs. C’est le choix du roman national qui fédère et impose aussi une vision commune, avec une acceptation du passé.
D’un autre côté, nous avons ceux qui refusent cet héritage venant du passé, veulent déconstruire ce qui a été accepté hier mais ne le serait plus aujourd’hui en vue de construire ce Français nouveau, conforme à leur idéologie, en effaçant une partie de cette histoire qu’ils rejettent viscéralement et en mettant en lumière tout ce qui porte une ombre à ce passé.
Je me trompe ? Je ne le pense pas si je me réfère à cette interview de Michel Lussault, géographe, président du Conseil supérieur des programmes, dans le Monde du 14 mai 2015 (Cf. Interview). C’est bien le choix qui a été fait si je reprends ses propos : « Il y a quelque chose de dérangeant dans l’idée, récurrente, de vouloir faire de l’histoire un roman national ». Il faut donc privilégier cette « reconnaissance de la pluralité de l’histoire de France ». Michel Lussault a posé d’ailleurs la question « Faut-il privilégier l’histoire de France, ou enseigner une histoire du monde ? » qu’il a tranchée en proposant la dernière solution.
La justification de ce dernier choix, toujours selon ses propos serait en outre « de ne pas « désespérer Billancourt », les professeurs ne sont pas pour le roman national ». Les enseignants sont-ils au service de la Nation ou au service de leurs propres convictions ou intérêts ? Il est vrai qu’ils représentent un électorat important pour la gauche.
Dans sa dernière interview à Valeurs actuelles (Cf. 14 mai 2015), Luc Ferry résume les conséquences de cette prise de position idéologique : « On invite nos élèves à la haine de soi » et cette réforme, au moins dans le domaine historique, entretient pour moi cette haine de soi et donc de la France. Ces haines conduisent sans aucun doute à l’engagement de Français dans le djihad alors que peut-être un roman national les aurait inclus dans un projet national commun.
Une autre preuve ? Je reprends cet article d’un collectif qui s’est exprimé dans le Monde (Cf. Le Monde du 13 mai) qui résume bien ce sentiment d’une France qui me parait bien antifrançaise : « Outre qu’elles sont souvent infondées, comme on l’a vu, ces attaques traduisent une étrange conception de l’enseignement de l’histoire. Que recherche-t-on à travers lui ? Le développement de l’enthousiasme patriotique ou l’éducation d’un citoyen capable de s’orienter à la lumière des enseignements du passé ? »
Eh bien oui, je préfère le développement de l’enthousiasme patriotique qui fait adhérer au roman national et à la nation plutôt que « cette éducation du citoyen » qui a justement conduit à tant d’échecs sinon à la prolifération des apprentis djihadistes. Cette réforme ne fait en effet que poursuivre la démolition de la nation.
D’ailleurs ceux qui soutiennent cette réforme sont plutôt pour le slogan « Halte à l’élitisme conservateur » pour reprendre le titre de l’article précédent. Ils sont dans la lutte des classes et dans le dogme de l’égalitarisme forcené destiné à compenser une égalité qui ne peut pas exister
Une difficulté va cependant se poser à terme si cette antifrance persiste dans ce refus à participer à la construction du roman national. Je n’ai qu’à citer cette phrase de Marine Le Pen (Cf. Le Monde de 17 mai) : « Aimer la France, c’est aimer son histoire. C’est en accepter les paradoxes et les permanences ». Beaucoup de personnes, sans voter Marine Le Pen, adhérent à cette vision de l’Histoire de France et à son rôle.
Peu à peu, nos soi-disant progressistes vont découvrir qu’ils sont tout aussi conservateurs que ceux qu’ils dénoncent, incapables de distinguer l’évolution du monde. Peut-être même que les conservateurs sont beaucoup plus progressistes, sinon révolutionnaires dans leur perception du Monde et de sa réalité. Un roman national est peut-être ce qui redonnera à la France et à sa population une identité, une ambition, une unité et donc un avenir commun. Ce sont un choix et une responsabilité politiques qu’il faut savoir imposer. Le politique en a-t-il encore la capacité ?