Pour ce qui est de la suite, il souligne l’importance du renouvellement à venir dans les instances européennes (Parlement, Commission, Haut représentant etc.), « un rendez-vous au moins aussi important que le sommet de décembre dernier ». Surtout quand s’y ajoute également le poste de Secrétaire général de l’OTAN. « Si par une mauvaise conjonction, on se retrouve avec un Haut-représentant médiocre et un représentant à l’Otan auquel manquerait la fibre européenne, ç’en sera fini de l’Europe de la défense. » Pour caractériser l’atmosphère interne à l’UE, M. Danjean parle d’autocensure et de démotivation. « Sur les questions opérationnelles, c’est l’autocensure qui prévaut. Je l’ai constaté sur la question libyenne, tant de la part des cellules opérationnelles que de Mme Ashton : à quoi bon travailler sur des options qui seront repoussées ? Tel est le raisonnement qui prévaut. ». De surcroît, « le moral de ceux qui travaillent dans les cellules de conduite d’opération est bien bas ; les occasions manquées pèsent, et l’on peine à recruter les bons éléments. J’ai vu des commandants d’opérations partis pleins d’enthousiasme revenir déçu par un fonctionnement bureaucratique et l’attitude de certains États membres ».De nature optimiste, M. Danjean espère déceler des signes encourageants dans l’attitude des Etats clés. Dans le repositionnement US d’abord (le fameux pivot vers l’Asie), il voit une opportunité à saisir afin de motiver les gouvernements européens à mieux prendre en charge leur propre sécurité. En effet, ce serait tout à fait logique. Mais, comme l’avait rappelé Robert Cooper, éminence grise du SEAE (Service européen d’action extérieure), « le monde ne procède pas par logique, mais par choix politique ».Pour ce qui est de l’Allemagne, selon M. Danjean « la chancelière a endossé pour partie ce qui fut dit sur le Mali – brigade franco-allemande, contribution allemande accrue. Cela dénote-t-il une évolution de fond ? On peut penser que c’est le cas, mais je mets en garde contre l’excès d’optimisme, car les contraintes constitutionnelles demeurent. » Toujours est-il que « la réflexion avance, y compris outre-Rhin, où le lien avec l’Otan a pourtant toujours été primordial. M. de Maizières, ministre de la Défense en son temps, ne voulait pas entendre parler d’Europe de la Défense. Avec la coalition, la donne politique a changé, même si la haute hiérarchie militaire reste atlantiste. »
S’agissant des Britanniques, M. Danjean se veut également optimiste. « Les difficultés actuelles avec le Royaume Uni sont moins structurelles que conjoncturelles, du fait de leur agenda de politique intérieure. Mais s’ils voient que les choses avancent sans eux, ils voudront en être. » A moins qu’ils ne réussissent d’anéantir lesdites choses préalablement. Comme le rappelle M. Danjean lui-même, « Si l’on s’en tient à une vision civile de l’Europe de la défense, qui est celle des Britanniques, on tuera toute ambition. »
Finalement, il fait remarquer qu’il est « vrai que les pays d’Europe centrale et orientale demeurent atlantistes. Mais la Pologne, qui donne le la dans la région, a amorcé un virage européen – fût-ce par déception à l’encontre de la politique d’Obama. Le polonais Sikorski serait candidat à l’Otan ; d’ADN purement atlantiste, il n’en a pas moins compris qu’il a besoin d’avoir la carte européenne dans sa manche. Il y a peut-être là un peu d’opportunisme, mais c’est tout de même un signe que la réflexion avance. »
M. Danjean note également qu’une bonne partie des blocages viennent de la recherche de « l’inclusivité ». Autrement dit, « cette idée qu’il faut s’efforcer à tout prix de tout faire à vingt-huit ». La solution, c’est la souplesse, la flexibilité. « Comme on l’a fait pour la politique monétaire et d’autres politiques, nous devons pouvoir engager des coopérations renforcées et, pour rassurer ceux qui craindraient d’être laissés au bord du chemin, envisager des coalitions à géométrie variable, selon le thème et le lieu. » Si cet énième plaidoyer en faveur des « groupes pionniers » est entièrement justifié, il se heurte encore et toujours à la question de l’existence (ou pas) d’une véritable ambition stratégique.