Guerre économique : rapport d’information parlementaire du 16 juillet 2025

Le rapport d’information présenté par la Commission des finances de l’Assemblée nationale en juillet 2025, sous la direction du député Christophe Plassard, dresse un état des lieux précis de la guerre économique à laquelle notre pays fait face. Ce rapport s’appuie sur de plusieurs entretiens et analyses pour décrypter la montée des menaces sur la base industrielle et technologique de défense française (BITD), l’évolution des stratégies d’ingérence étrangère et la capacité de réponse de l’État.

Dans un contexte de rivalités internationales accrues, exacerbé par la reprise en main américaine de ses intérêts stratégiques, la guerre économique se définit comme l’ensemble des actions — visibles ou dissimulées — menées par des États ou groupes privés pour affaiblir la puissance technologique, industrielle et économique de leurs concurrents.

Principaux constats

  • Menaces protéiformes croissantes : Depuis 2020, plus de 500 atteintes avérées sont recensées chaque année contre la BITD, et 750 à 800 alertes de sécurité économique sont remontées annuellement, un chiffre plus que doublé par rapport à 2020. Les menaces prennent des formes variées : espionnage, cyberattaques, tentatives de prédation capitalistique, campagnes de désinformation, pression juridique (« lawfare ») ou sabotages physiques.
  • PME en première ligne : 80% des atteintes visent les PME, maillons essentiels mais vulnérables de la chaîne de valeur industrielle.
  • Origine des attaques : Les menaces viennent aussi bien de puissances rivales (Russie, Chine) que de pays alliés stratégiques (États-Unis), illustrant l’absence de frontières claires dans la compétition économique mondiale.
  • Difficultés de financement : Malgré un discours politique récemment plus favorable, les PME de la défense éprouvent toujours de grandes difficultés d’accès au financement, notamment du fait de la frilosité persistante d’une partie du secteur bancaire et de critères extra-financiers (ESG) mal appliqués.

Le rapport met en avant l’évolution et la consolidation de notre arsenal défensif :

  • Renforcement des moyens humains et budgétaires des services de renseignement, de la DGA et du SISSÉ, avec l’accroissement du nombre d’enquêtes de sécurité et la montée en puissance des dispositifs de cyberdéfense.
  • Contrôle des investissements étrangers : Extension des secteurs stratégiques concernés, abaissement des seuils de déclenchement, suivi rigoureux des engagements des investisseurs par la DGA.
  • Modernisation de la loi de blocage (1968) : Devenue désormais opérationnelle, elle s’inscrit comme une véritable protection contre les injonctions ou demandes abusives d’autorités étrangères.
  • Promotion de solutions souveraines de stockage des données et sensibilisation accrue à la sécurité économique, y compris dans le secteur de la recherche.

Le rapport liste 16 recommandations, dont :

  • Mieux anticiper la sortie des fonds d’investissement étrangers et généraliser la pratique des « proxy boards » pour les entreprises stratégiques.
  • Alourdir les sanctions en cas de violation de la loi de blocage du 26 juillet 1968.
  • Accroître les moyens alloués à la sécurité économique et à la protection des actifs stratégiques.
  • Imposer un stockage souverain des données sensibles sur le territoire national ou de l’UE.
  • Favoriser l’investissement privé et l’orientation de l’épargne des Français vers la défense par la création d’un livret « défense et souveraineté » et l’ouverture de fonds d’investissement spécialisés aux particuliers.
  • Renforcer la capacité d’action de l’Agence des participations de l’État par l’affectation d’une part des dividendes publics.
  • Créer au niveau européen un label de type « ITAR » et un règlement équivalent à la loi française de blocage pour contrer les normes extraterritoriales étrangères.

Le rapport exprime la conviction qu’en France, la prise de conscience de la guerre économique est désormais incontournable et appelle à une mobilisation collective et coordonnée : État, entreprises, secteur bancaire, épargnants et citoyens doivent conjuguer efforts et réalisme pour protéger l’autonomie technologique, la souveraineté industrielle et les intérêts stratégiques français dans la durée.

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