Comme chaque année en juin, des commémorations importantes pour notre histoire se déroulent en France avec manifestement une implication salutaire de plus en plus grande de nos concitoyens. Ce même mois de juin voit aussi se mettre en place la période expérimentale du service national universel (SNU) pour deux mille jeunes volontaires.
Le 18 juin, acte de résistance ou de désobéissance ?
Le 18 juin, l’appel peu entendu du général De Gaulle en 1940 est commémoré. Deux remarques peuvent être faites. La première est la mise en avant de cet exemple de la désobéissance d’un officier général en temps de guerre. A l’époque, n’oublions pas que plus de 60 000 Français l’avaient rejoint au Royaume-Uni mais qu’après l’armistice et l’intronisation du maréchal Pétain comme président de la République par l’immense majorité des députés, seulement 2 000 Français ont voulu continuer la lutte auprès de lui. La légalité primait sur la légitimité de l’action et sur la résistance déterminée d’une poignée de Français.
Nul ne sait ce qu’un officier aurait fait à l’époque : être un rebelle à l’autorité légale, un légaliste, un attentiste en se mettant en disponibilité. Tous les cas se sont présentés. Il n’empêche que cette position prise par le général De Gaulle a enclenché sur le long terme son engagement en politique. Général providentiel ayant vaincu un autre officier général, élevé à la dignité de maréchal de France, devenu lui aussi un homme providentiel avec la défaite française de 1940.
Aujourd’hui, dans la crise que vit la France, le même appel à un officier général, homme providentiel, se fait jour à travers les sondages… et les politiques s’inquiètent au point de vouloir limiter la référence des officiers généraux à leur grade en cas d’engagement politique (Cf. Pour mémoire, mon billet du 21 février 2016, « Une stigmatisation (habituelle) des généraux surtout en deuxième section ? ». Ce retour des vieilles et mauvaises habitudes de la classe politique est-il bien raisonnable et opportun ?
Le 75ème anniversaire du débarquement de Normandie
A nouveau, la Libération de la France, expression d’une diplomatie dite mémorielle selon Frédéric Bozo (Cf. Le Monde du 7 juin 2019) est commémorée avec faste et respect pour les soldats étrangers ayant libéré notre pays au prix de leur sang, sans oublier certes nos 177 commandos français.
Il y a bien eu cette polémique sur l’absence de la Russie (Cf. Mon intervention sur RT France, en direct, toujours bien accueilli, intervenant juste … après les images de la victoire soviétique de 1942 à Stalingrad). Cependant, n’oublions pas qu’il s’agissait d’ouvrir un second front justement pour soulager le front russe et, quitte à rappeler le rôle de la Russie, n’effaçons pas le pacte germano-russe de non-agression du 23 août 1939 (sans commémoration pour ses 80 ans) qui a permis l’invasion de l’Europe de l’Est et l’effacement de la Pologne. Ce pacte entre États totalitaires, entre communistes et nazis, n’a-t-il pas finalement permis la seconde guerre mondiale ? N’oublions pas non plus que les premiers actes de résistance communistes en France n’ont eu lieu qu’après le 22 juin 1941, début de l’invasion de l’ex-URSS par l’Allemagne.
Clin d’œil de l’histoire, le 6 juin 2019, sans doute pour compenser cette absence en Normandie, deux États illibéraux comme la Russie et la Chine signaient des accords à Moscou. Ainsi, à titre d’exemple, Huawei obtenait la possibilité de développer la 5G en Russie. Anecdotiquement, Huawei et RT France occupent le même grand bâtiment à Paris… Le même grand jeu ne se dessine-t-il pas avec d’autres partages de territoires accomplis d’une manière moins brutale que pendant la Seconde Guerre mondiale, par exemple par des actions économiques et d’influence ?
Cependant, revenons au 6 juin 2019, avec ce magnifique discours du président Macron mais aussi avec « The Shores of Normandy », chanson émouvante de Jim Bradford, vétéran du débarquement (Cf. Écouter et voir) qui a actuellement un immense succès au Royaume-Uni.
The shores of Normandy
In the cold grey light of the sixth of June in the year of forty-four
Dans la lumière grise et froide du 6 juin de l’année quarante-quatre
The Empire Larch sailed out from Poole to join with thousands more
Le “Empire Larch” a quitté la ville de Poole pour se joindre à des milliers d’autres
The largest fleet the world had seen, we sailed in close array
La plus grande flotte que le monde ait vue, nous avons navigué groupé
And we set our course for Normandy at the dawning of the day
Et nous mettions le cap sur la Normandie à l’aube du jour
There was not one man in all our crew who know what lay in store
Il n’y avait pas un seul homme dans notre équipage qui savait ce qui se trouvait en réserve
For we had waited for that day through five long years of war
Car nous avions attendu ce jour pendant cinq longues années de guerre
We knew that many would not return, yet all our hearts were true
Nous savions que beaucoup ne reviendraient pas, pourtant tous nos cœurs étaient vrais
For we were bound for Normandy where we had a job to do
Car nous étions en route pour la Normandie où nous avions un travail à faire
Now the Empire Larch was a deep-sea tug with a crew of thirty-three
Maintenant, l’Empire Larch était un remorqueur hauturier avec un équipage de trente-trois
And I was just a galley-boy on my first trip to sea
Et je n’étais qu’un galérien lors de mon premier voyage en mer
I little thought when I left home of the dreadful sites I’d see
Je pensais peu au sites terribles que je verrais quand je quittais la maison
But I came to manhood on the day that I first saw Normandy
Mais je suis devenu un homme le jour où j’ai vu la Normandie pour la première fois
At Arromanches off the beach of Gold beneath the rockets’ deadly glare
À Arromanches, au large de la plage de “Gold Beach”, sous le regard meurtrier des roquettes
We towed blockships into place and we built a harbour there
Nous avons remorqué des casemates en place et nous y avons construit un port
Mid shot and shell we built it well, as history does agree
Nous l’avons bien construit à mi-cuisson et à la coquille, comme le veut l’histoire
While brave men died in the swirling tide on the shores of Normandy
Alors que des hommes courageux sont morts dans la marée tourbillonnante sur les côtes de la Normandie
For every hero’s name that’s known, a thousand died as well
Pour chaque nom de héros connu, un millier de personnes sont également décédées.
On stakes and wires their bodies hung, rocked in the ocean swell
Sur des piquets et des fils, leurs corps pendaient, bercés dans la houle de l’océan
And many a mother wept that day, for the sons they loved so well
Et beaucoup de mères pleurèrent ce jour-là, à cause des fils qu’elles aimaient si bien
Men who cracked a joke and cadged a smoke as they stormed the gates of hell
Des hommes qui ont fait une blague et qui ont fumé une fumée en prenant d’assaut les portes de l’enfer
As the years pass by, I can still recall the men I saw that day
Au fil des ans, je me souviens encore des hommes que j’ai vus ce jour-là
Who died upon that blood-soaked sand, where now sweet children play
Qui sont morts sur ce sable trempé de sang, où jouent maintenant de doux enfants
And those of you who were unborn, who’ve lived in liberty
Et ceux d’entre vous qui n’étaient pas encore nés, qui ont vécu dans la liberté
Remember those who made it so on the shores of Normandy
Souvenez-vous de ceux qui l’ont fait sur les côtes normandes
Témoignages de la résilience sans doute peu compréhensible aujourd’hui de notre nation toujours à la recherche de polémiques et de responsables, je citerai enfin ce bilan des destructions provoquées par les bombardements en Normandie ou en Bretagne : Caen détruite à 68%, le Havre à 82%, Brest à 85% (Cf. Valeurs actuelles du 13 juin, « Après la Libération, la reconstruction »). La Liberté a un prix que les Français de 1944 ont su payer.
18 juin, 6 juin et service national universel (SNU), le lien ?
Ces cérémonies et le service national universel (SNU) ont un lien. La défaite de 1940, le développement d’un lent esprit de résistance face à l’ennemi, le courage de s’engager y compris en risquant sa vie et en se battant, tout ceci mérite que notre jeunesse apprenne ce qu’est une communauté nationale, un engagement qui peut être total comme l’ont rappelé les militaires morts pour la France récemment comme les Premiers Maîtres Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, le médecin-capitaine Laycuras, le colonel Beltrame (Cf. Mon billet du 15 mai 2019).
Certes, il a fallu éviter que ce service national universel (SNU) ne soit trop militaire. Les armées veulent bien soutenir cette volonté présidentielle mais non en être le principal acteur. Le ministère de l’Éducation nationale en est donc le principal responsable avec un pilotage politique. Pour un projet qui ne sera mature que dans sept ans, la seule crainte aujourd’hui est l’impact d’un changement de ministre dans le futur, notamment sur les ressources humaines militaires à accorder.
Il faudra veiller aussi sur les programmes et sur ceux qui enseignent les matières ou encadrent les jeunes, soit un encadrant pour quatre jeunes. Au moins, connaître la Marseillaise pourtant obligatoire depuis l’action de Jean-Pierre Chevènement en 1982 ne devrait pas poser de problème malgré ce symbole médiatiquement porté. Il est vrai aussi que les partis politiques, les Gilets Jaunes, les supporters de tous les sports n’ont plus d’état d’âme à chanter la Marseillaise et à brandir le drapeau français, symbole pour tous. Il était temps. La transmission de la mémoire combattante devra aussi être portée et les associations patriotiques mériteraient d’être sollicitées.
Cependant, l’enseignement du service de la Patrie des intérêts nationaux, des menaces sous toutes leurs formes devra être contrôlé pour éviter toute récupération et créer la résilience de la Nation de demain. Seule une nation forte pourra résister aux enjeux qui se dessinent et cela passe par une jeunesse formée et acquise à l’avenir positif de la France.
Pour conclure, l’appel du 18 juin et le débarquement du 6 juin rappellent que la liberté n’est jamais acquise et qu’elle a un prix avec ce choix : prévenir ou réagir. Le SNU répond aujourd’hui à cette nécessité de la prévention. Une nation armée moralement peut faire face aux crises.