Dans l’attente du sommet européen du 12 février dédié à la lutte contre le terrorisme, une série de billets va tenter de décrypter les tendances et les enjeux des initiatives au niveau européen. Le fil directeur en est simple. Comme à l’accoutumée, et a fortiori dans les domaines liés à la sécurité, la référence transatlantique joue un rôle considérable. Toutefois, le réflexe de suivisme habituel des gouvernements européens bute ici sur une pierre d’achoppement de taille. A savoir l’interprétation pour le moins divergente, d’un côté et de l’autre de l’océan, de questions telles la protection des données ou le traitement des prisonniers. Bref, tout ce qui a trait aux droits de l’homme en général.
La particularité du dossier antiterroriste du point de vue transatlantique est justement la relative difficulté (du moins par rapport à d’autres sujets) à obtenir de la part des Européens leur alignement habituel. Que l’on ne s’y trompe pas : alignement, il y en a. Mais il se produit dans la douleur, vu que la question des droits de l’homme (et des libertés fondamentales) constitue l’un des rares dénominateurs communs entre les Etats membres de l’UE. Ces principes sont revendiqués haut et fort même par les Européens les plus atlantistes (dont l’écrasante majorité garantit normalement un alignement quasi automatique sur les Etats-Unis).
On va donc passer au crible les dossiers les plus sensibles. A commencer par les tortures, les drones et les listes noires, et en y incluant la surveillance des circuits financiers, des passagers aériens, des courriels et des portables. Outre la mise en évidence des divergences transatlantiques, il conviendra également de souligner deux autres aspects caractéristiques. D’une part les manœuvres des uns et des autres : tantôt celles des US pour « mouiller » les Européens qui, sinon, risqueraient d’adopter ici ou là une posture (un tant soit peu) plus critique, tantôt les contorsions verbales et légales de ces mêmes Européens qui font des pieds et des mains pour pouvoir se réfugier dans le déni.
D’autre part, on notera l’existence d’une confusion fort utile pour occulter le vrai problème de la « coopération » transatlantique en matière de lutte contre le terrorisme. Certes, le fait de savoir si les accords conclus entre l’UE et l’Amérique sont conformes ou pas à nos principes et à nos lois mérite débat. Mais il y a plus grave. Ces pactes ne font pas que reprendre les normes américaines (avec tout au plus des aménagements de façade). On pourrait toujours prévenir ou remédier aux éventuels abus, si ce n’était que cela. Le véritable problème, c’est qu’aux termes des accords conclus avec l’Amérique, les gouvernements européens renoncent à tout contrôle effectif. Que ce soit par rapport à la protection des données personnelles de leurs citoyens ou concernant l’utilisation de leur territoire et de leurs sites…