Semaine qui a mis la France en avant sur la scène du monde, tout en lui rappelant que, sans nos alliés, jamais notre pays n’aurait été libéré. Se préparer et faire ce qu’il faut pour que jamais cela ne se reproduise est un devoir premier de l’Etat même au XXIè siècle. L’appel à la paix universelle n’est pas suffisant.
Le souvenir de l’Homme providentiel était aussi là. Le général De Gaulle a évité que, pour se reconstruire, la France ne soit pas sous l’autorité d’un organisme étranger, l’AMGOT, cette fois dépendant des Etats-Unis. L’indépendance nationale a un prix et il faut savoir assumer cette responsabilité.
Une commémoration du 6 juin certes réussie…
Les commémorations du débarquement du 6 juin 2014 ont en effet été réussies. Peu de temps auparavant, le président de la République a tranché en faveur du maintien des orientations de la LPM. Du jour au lendemain, le débat a été clos. S’il avait perduré, commémorer une telle bataille et l’engagement des alliés en même temps que nous désarmions gravement aurait été un mauvais message. Pour être sûr que la communication n’ait pas été la seule priorité, la vigilance devra être maintenue.
Que dire cependant sur ce 6 juin ? Nous avons eu la persistance de la réflexion victimaire que ce soit pour les civils ou pour les militaires. Tous sont des victimes ! Cette confusion des genres est grave. Que l’on reconnaisse les civils morts pendant le débarquement, cela se comprend. Que les soldats soient assimilés à des victimes, non.
En revanche, utiliser les termes de vétérans me semblent une évolution positive par rapport à l’expression « anciens combattants » (Cf. mon billet du 23 février 2012 « Anciens combattants d’hier, anciens combattants d’aujourd’hui, quels anciens combattants pour demain ? » ).
Si je me remémore les animations à Ouistreham, peu de forces militaires présentes (heureusement, aujourd’hui 1000 parachutistes ont été largués) mais un ballet qui laissait circonspect. Le regard de Poutine m’a semblé terriblement éloquent. Nous ne sommes pas prêts de lui faire peur. Accompagnée de la musique de Purcell, seule la scène de la prise d’Omaha Beach par les forces américaines était empreinte d’une très forte émotion.
Une remarque d’opportunité. Michel Lalande, préfet de la région Basse-Normandie, interviewé sur RTL (Cf. RTL du 5 juin 2014) a simplement oublié les milliers de militaires (seulement 3 500 hors gendarmerie sir 9 000, un détail. Cf. L’Opinion) qui ont permis la préparation de l’événement. La préférence a été la mise en valeur des « sapeurs-pompiers, de la police nationale, de la gendarmerie, (…) les secouristes, les médecins ». Pas très sympathique de la part du futur secrétaire général du ministère de l’Intérieur si la rumeur est vraie.
Cette commémoration rappelle enfin qu’il y a aussi des morts et des blessés. Le ministère de la défense a lancé une campagne au profit des blessés (Cf. ministère de la défense). Pierre Bayle, délégué à la communication et à l’information de défense (DICOD), a évoqué sur Europe 1 cette action notamment par le lancement sur twitter d’un hashtag #blessesdeguerre (Cf. Europe 1 du 5 juin 2014, repère 5 minutes 20). Il a rappelé ce que peu d’entre nous savent : les armées soutiennent aujourd’hui 10 000 blessés dont 9 000 pour la seule armée de terre.
Je vous rappelle à cet effet le concert du samedi 14 juin 2014 à l’Ecole militaire (Cf. mon billet du 3 juin 2014 si vous voulez y assister ou témoigner votre soutien aux blessés militaires en opération.
Dans la seconde partie de l’émission consacrée à la communication militaire, il a évoqué l’apport notamment des colonels sur les réseaux sociaux en rappelant que la grande muette ne l’était plus. Il me semble aussi.
Que dire de la trahison et de la loyauté envers la nation ?
La notion de trahison doit être réfléchie à travers le fonctionnement de notre société du XXIè siècle. Quand on n’adhère pas à une société et que l’on est prêt à remettre les valeurs et le fonctionnement de celle-ci par l’emploi des armes, n’y a-t-il pas un acte s’apparentant à ce qu’on appelait hier de la trahison ?
C’est donc cette pétition que l’on retrouve dans le Monde sous la signature de Patrick Weill pour soutenir Snowden (Cf. Le Monde du 4 juin 2014). Pourtant, celui-ci n’est-il pas un traitre même si son action pourrait se comprendre ? Si demain un militaire ou un fonctionnaire français jouent le lanceur d’alerte, remettant en cause de fait la raison d’état (sujet qui mériterait d’être débattue aujourd’hui), bénéficieraient-ils de la même pétition ?
Nous « découvrons » aussi que les djihadistes français existent et qu’ils pourraient se révéler un danger pour notre propre société. Ils ont en effet une double allégeance : nationale et religieuse. Alors, les djihadistes français, des traitres ? Et quelles sanctions alors que l’on évoque tous les jours ou presque la nécessaire unité de la communauté nationale, oserai-je dire française ?
Par ailleurs, j’ai une difficulté à comprendre la judiciarisation de leur situation. Considérés comme « terroristes » comme hier les Français résistant aux Allemands, ils se battent et, hormis le cas où ils accompliraient des actes contraires au droit, comment les condamner ? A notre époque où tout est débattu et remis en question, cette judiciarisation aurait-elle été applicable aux Français s’étant battus par exemple aux côtés des républicains espagnols contre les troupes du général Franco ?
La seule réponse reste donc la déchéance de la nationalité française de ces djihadistes et la perte de tous leurs droits de citoyens français déjà évoquée par le député Myard (Cf. mon billet du 21 juillet 2013). Cela ne justifie pas à mon avis leur mise en examen sous un prétexte ou un autre.
Par ailleurs, il est intéressant de lire ce propos de Dalil Boubakeur qui a reconnu « l’impuissance des musulmans face au départ de Français musulmans en Syrie » (…) Comme dans l’affaire Merah, on ne peut incriminer ni l’islam, ni les musulmans (…) a-t-il déclaré ce 4 juin. Mais avons-nous entendu une réelle condamnation religieuse de ces musulmans dévoyés ? Pas vraiment.
Du rôle de l’Etat et de son administration
Quand on ne choisit pas clairement une orientation, les actions de quelques-uns, mais de plus en plus nombreux, ne peuvent que conduire à une grande incompréhension entre la communauté musulmane et le reste de la communauté nationale. Un jour, il faudra choisir.
Par exemple, l’Etat et ses fonctionnaires ne doivent-ils pas être intransigeants sur l’application des lois de la République pour éviter toute ambiguïté ? Cette réflexion m’est venue ce 5 juin à Vincennes en voyant une classe d’élèves en classe primaire avec quatre accompagnateurs dont deux femmes portant le niqab. Si la fonction publique a une liberté d’appréciation et brouille la construction de la nation, comment voulez-vous construire cette nation avec ses différences qui doivent néanmoins se soumettre à la majorité par la voix de son administration ?
On découvre aussi que la prison forme les futurs djihadistes à partir des « droits communs ». Pourtant il n’y a rien de neuf. Les théoriciens sont rarement des acteurs de violence physique. Il leur faut des praticiens de la violence à qui ils vont donner une légitimité, en l’occurrence religieuse.
Enfin, l’Europe s’inquiète et on parle de faire de la « communication stratégique » contre le terrorisme. Terme utilisé par le coordonnateur européen antiterroriste, je doute que les Français aient compris ce que cela signifiait. Je me permettrais donc de rappeler sa définition.
Développée pour la guerre en Afghanistan, la communication stratégique reflète l’utilisation coordonnée et appropriée des fonctions comme la diplomatie publique, la communication institutionnelle, la communication opérationnelle, les opérations d’information et les opérations militaires d’influence. Nous sommes donc bien en guerre.
Que retirer du colloque « osez le risque » ? Un droit de retrait pour les militaires ?
Ce colloque organisé par l’Ecole de guerre, HEC et l’ENA ce 6 juin « Osez le risque » a été un succès. Beaucoup d’humour dans la présentation et beaucoup de monde
Cependant, la première table ronde a suscité quelques réflexions parmi nous. Le général Laurent Muller, inspecteur de la gendarmerie, a évoqué le droit de retrait autorisé aux militaires en temps de paix… Beaucoup ont été surpris d’autant que nous sommes toujours en temps de paix, y compris en opération. Il y a donc une contradiction avec le statut militaire qui mériterait d’être éclairci et susciterait donc un doute avec une influence sur le devoir d’obéissance.
Que dire en synthèse ? L’activité militaire a pour caractéristique de générer du risque (colonel Pons). Finalement, je conclus que nous sommes des experts du domaine. L’ancien député Jean-Claude Viollet a souhaité la révision du principe constitutionnel de précaution qui nuit à la prise de risque et à l’innovation. Les sénateurs se sont saisi de la question. Il faut donc trouver l’équilibre entre le principe de précaution et celui de l’efficacité. Il a aussi rappelé qu’il n’y avait plus de stratégie en France depuis des dizaines d’années…
Me Alexis Gublin, avocat au barreau de Paris, a considéré le risque comme un droit à l’erreur et comme la capacité à reconnaître l’échec… à condition ne pas persévérer. Patricia Barbizet (Artémis) a préconisé que l’on développe la culture du risque pour soutenir la volonté d’entreprendre. Comme le rappelait aussi Emmanuel Toniutti, la société veut faire du risque un domaine rationalisé qui va finalement contre l’Homme, fait d’émotion et d’affect avec cette limite du risque qui est la peur.
Enfin, Jean-Marc Sauvet, vice-président du Conseil d’Etat, a conclu. J’ai retenu qu’il fallait cesser de rechercher la perfection et donc retrouver l’humilité, justement en acceptant le risque, donc oser le risque. Cela me va bien.