La cavalerie était une arme ayant historiquement pour mission de briser les lignes adverses par une action de choc, afin de provoquer la dislocation du dispositif ennemi ; assurant également des missions d’éclairage, de reconnaissance et de couverture. Au fil des siècles, l’arme évolue. Depuis la guerre franco-prussienne de 1870, où la cavalerie a subi de lourdes pertes pendant les charges, ces dernières missions prévalent sur le rôle de choc. À la veille de la Première Guerre mondiale, la cavalerie est subdivisée en cavalerie légère, chasseurs et hussards, qui éclaire et renseigne et une lourde, avec dragons et cuirassiers, chargée de faire une brèche dans le dispositif ennemi. Elle doit aussi accompagner et appuyer l’action de l’infanterie en engageant le combat avec la cavalerie adverse tout en étant en mesure de combattre à pied pour se prémunir des effets dévastateurs de l’artillerie et des mitrailleuses.
À la veille de la Grande Guerre, la cavalerie est composée de 300 escadrons passant à 545 après la mobilisation. Un escadron est composé de 120 hommes, quatre pelotons de 30 cavaliers. En plus de ces effectifs, réparti en 10 divisions de Cavalerie et au sein des divisions d’infanterie (à raison de 6 escadrons par division), il existe un Corps de Cavalerie autonome aux ordres direct du GQG. Le Corps de cavalerie SORDET est composé de trois divisions de cavalerie, la 1ere, 3e et 5e DC et compte 15 700 hommes. Le CC fait partie du dispositif de couverture prévu par le plan XVIII de JOFFRE ; dans ce cadre, il est prévu d’être concentré à Mézières et reçoit pour mission d’avancer en Ardennes en cas d’invasion de la Belgique, assurant ainsi une mission stratégique de reconnaissance et de renseignement.
Lorsque la guerre éclate
Le 30 juillet 1914, le Général SORDET est averti par JOFFRE de l’imminence de la guerre et doit prendre les mesures pour mettre en place le dispositif de couverture, après sa concentration le 1er août. À l’instar du reste des troupes de couverture, il doit conserver une distance de 10 kilomètres avec la frontière pour éviter tous prétexte de provocation de l’armée allemande. Cependant, le lendemain l’Allemagne envahit la Belgique et dès le 5 août, le général SORDET doit entrer en Ardennes pour reconnaître la région et renseigner sur les positions allemandes. Les conditions climatiques sont très difficiles, il fait très chaud, il pleut et les chevaux souffrent beaucoup. De plus, l’ordre donné à la hâte ne comporte aucune instruction concernant le ravitaillement. Le CC reçoit un nouvel ordre, celui de tendre la main aux Belges en difficulté et de se porter sur la garnison du fort de Liège.
La France est dorénavant en guerre et ici commence la furieuse cavalcade du CC SORDET. Celle-ci va l’éloigner de la mission stratégique pour laquelle le corps avait été créé. Le 6 août, dans des conditions climatiques difficiles de par l’alternance de pluies et de fortes chaleurs mettant les chevaux à rude épreuve, le corps entre en Belgique et établi son QG à Bouillon. Le lendemain, SORDET reçoit comme ordre d’avancer en Belgique pour renseigner et préciser le contour de l’ennemi. Il progresse ainsi vers la région de Dinant, Ciney et y rencontrent le XIIIe CA Bavarois. SORDET décide donc de rentrer en contact avec l’ennemi, à marche forcée, pour le prendre par surprise. Cependant la manœuvre échoue, malgré une épuisante étape de plus de 150 kilomètres en quelques jours. Les chevaux et les cavaliers sont épuisés et n’ont pas eu assez de repos. Le Général SORDET, à l’avant-garde de son corps, impose un rythme élevé que l’unité a du mal à suivre. Malgré ce zèle, le CC n’arrive pas à temps pour sauver la place forte et ne peut se mesurer aux corps d’infanterie allemands qui l’assiège. SORDET doit rompre le contact vers sa base de départ, attendant de nouveaux ordres et tentant de remettre en condition opérationnelle son unité déjà très affaiblie. Le CC reprend alors sa mission originelle de patrouilles pour renseigner sur les positions et mouvements de l’ennemi. S’en suit plusieurs jours de poursuite et de « coups de sonde » dans la région de Rochefort au cours desquels il ne parvient pas à déterminer la nature et le volume du dispositif ennemi mais décèle son effort marqué sur la rive gauche de la Meuse. SORDET demande l’autorisation de franchir le fleuve à Hastière et de poursuivre l’ennemi en route vers Dinant, Namur et Charleroi. Le CC est accroché dans la région de Dinant et ne parvient pas à faire liaison avec les forces belges. À partir du 15 août, il relève désormais de la Ve Armée du général LANREZAC, qui forme l’aile gauche du dispositif français, perdant sa vocation stratégique. Le 17 août, le corps est attaqué près de Charleroi où il assure la surveillance des débouchés de la ligne Charleroi/Namur, faisant face à l’aile droite de l’armée impériale chargée de l’exécution du vaste coup de faux prévu par le plan Schlieffen. À 20h, SORDET reçoit par l’intermédiaire de LANREZAC un ordre du GQG : « Il est urgent que le CC remplisse la mission qui lui a été assignée hier. Bruxelles s’affole et le gouvernement se retire à Anvers. Indispensable liaison CC avec armée Belge ».
Malgré cela, le corps de SORDET n’est pas en mesure de répondre aux exigences du GQG qui ne mesure pas son degré d’épuisement ni la force du dispositif adverse auquel il fait face. Le ravitaillement n’est pas assuré, la remonte a subi une forte attrition et a épuisé son potentiel. Le 20 août, SORDET demande à replier son unité à l’ouest de Charleroi pour assurer un repos minimum de 24 heures aux montures et cavaliers. La 1ere division assure la couverture du repli du CC, talonnée de près par les Allemands. Dès le 22 août le CC reçoit pour mission d’assurer la liaison avec le BEF qui monte en ligne vers Mons. Le repos de 24 heures n’a pas suffi à remettre sur pied le corps et il fait difficilement face aux coups portés par la 1ere armée allemande. Le 24 août, le corps est stationné dans la région de Berlaiement et se retrouve à nouveau sous les ordres directs du GQG. Il reçoit pour mission de renseigner sur les positions ennemies, d’accrocher les avants gardes, puis à partir du 28 août de couvrir le repli britannique sur la région de Saint Quentin, mission ambitieuse qu’il n’est absolument pas en mesure de remplir.
À partir du 30 août, le CC est rattaché à la VIe Armée du Général MAUNOURY, nouvellement formée au nord de Paris pour déborder l’aile droite allemande. À ce stade, le CC compte énormément de chevaux blessés et de cavaliers démontés. Le 5 septembre, il doit se porter dans la vallée de l’Ourcq, dans le cadre de la bataille de la Marne, où il assure la couverture de la gauche de la Ve Armée et doit déborder la droite de la 1ere armée allemande. Durement pris à partie, le corps subit de lourdes pertes et doit se replier sur ses cantonnements en parcourant une étape d’une centaine de kilomètres. Le lendemain, MAUNOURY ordonne au CC d’attaquer à nouveau, mais pour le Général SORDET son unité n’est plus en mesure de remplir une telle mission. Le 9 septembre, le Général SORDET est relevé de son commandement, le CC est mis aux ordres du Général BRIDOUX alors commandant le 5e DC.
Le CC faillit à sa mission. Dès les premiers jours de son engagement, il opère un raid de plus de 150 kilomètres sans profit stratégique. Les contraintes liées à la gestion logistique de la cavalerie ne sont pas prises en compte, il n’est ainsi pas permis de débrider correctement les chevaux afin que le corps puisse recouvrer pleinement de son potentiel opérationnel et les ferrures ne sont pas renouvelées. La remonte elle-même est de mauvaise qualité, composée de bêtes mobilisées et d’harnachements de réquisition disparates peu adaptés aux nécessités de la guerre. Le CC échoue à nouveau à la bataille de Charleroi, où il ne parvient pas à ralentir les colonnes ennemies, manquant singulièrement de puissance de feu pour faire face aux corps d’infanterie de l’armée de von KLUCK. Il ne peut davantage assurer la liaison et la couverture du BEF en retraite. Les Britanniques ne manque pas de souligner l’incapacité du GQG à utiliser à bon escient ce corps stratégique et le mauvais emploi de la cavalerie. Complètement épuisé, le CC n’est pas en mesure de renseigner correctement les positions allemandes pendant la bataille de la Marne, et surtout de poursuivre les unités en déroute pour consolider la victoire.
Fin de l’âge d’or de la cavalerie ?
Les premiers combats de 1914 semblent témoigner de l’incapacité de la cavalerie à produire un effet stratégique sur le champ de bataille moderne. L’élongation du front ne permet plus aux chevaux de renseigner efficacement en couvrant d’aussi longues distances, tandis que la guerre de position qui s’installe sur le front ouest dès l’automne 1914 condamne toute forme de manœuvre rendant l’arme inutile. La cavalerie tente alors de s’adapter en modifiant équipements et doctrine d’emploi. Les cavaliers combattent dorénavant démontés et certains s’engagent dans les armes nouvelles comme l’aviation ou l’artillerie spéciale. Celles-ci reprennent les missions allouées alors à la cavalerie.
Pour autant la cavalerie n’est pas encore morte, en effet, dans le cadre de chaque grande offensive lancée sur le front ouest, le GQG conserve des divisions de cavalerie montée pour exploiter une hypothétique rupture du front ; de même, les offensives de LUDENDORFF en 1918, après avoir réussi cette rupture n’auraient t elles pas gagné à avoir de telles divisions à lancer dans les brèches pour empêcher la reconstitution du dispositif allié ?
La cavalerie continue à jouer un rôle sur d’autres fronts, en Palestine, ou sur le front d’Orient où la chevauchée de la brigade de cavalerie du Général JOUINOT GAMBETTA après la rupture sur le Dobropolje revêt une portée stratégique en précipitant la défaite en Bulgarie et de l’empire austro-hongrois.
La reprise de la guerre de mouvement à l’ouest en 1918 prouve que les missions dévolues à la cavalerie sont toujours valides, bien que de plus de plus prises en compte par des véhicules blindés (automitrailleuses et chars).
Camille HARLÉ VARGAS
Sources :
– Les armées françaises dans la Grande Guerre ; ordres de bataille des grandes unités.
– Leernes et Collarmont. 22 août 1914 ; les oubliés de la bataille de Charleroi, Alain Arq et Achille Van Yperzeele.
Chère Mme Harle Vargas,
Je m’appelle Henk Koelewijn et je viens d’Amersfoort, aux Pays-Bas. Depuis quelques années, je fais des recherches sur l’avancée allemande d’août 1914 jusqu’à la première bataille de la Marne.
Récemment, j’ai découvert le Corps Sordet, qui s’est rendu en Belgique pour soutenir les Alliés afin de stopper l’avancée allemande.
Mon allemand et mon anglais sont très bons ; en revanche, je ne maîtrise malheureusement pas la langue française. Mais j’ai récemment commencé un cours de français, car je trouve très important de consulter les sources dans la langue d’origine.
J’ai numérisé le livret du colonel Boucherie du corps Sordet. Cependant, je recherche également l’œuvre originale pour ma collection.
Avez-vous des titres à me proposer sur la cavalerie française concernant l’organisation, l’équipement, la formation, etc.
Je veux avoir une image aussi complète que possible de ces unités.
Cordialement, (et meilleurs vœux pour 2023)
Henk Koelewijn
Ps j’ai tapé cette demande avec DeepL Pro, donc si j’ai fait des erreurs. Excuses