A part la conquête de nouveaux territoires, les Celtes exerçaient leurs talents militaires pour le service mercenaire. Son développement rapide à partir du IVè siècle av. J.-C. constitue un phénomène important pour l’histoire et la civilisation du monde laténien.
L’existence des mercenaires celtiques fait apparition dans les sources anciennes peu après la prise de Rome par les Sénons. On peut parler pour le IVè s. d’une alliance entre les Gaulois et Denys l’Ancien de Syracuse. Les visées adriatiques de ce tyran sont bien connues. Il faut donc supposer que le recrutement des Celtes était lié à Ancône qui a été fondé par Syracuse au début du IVè s. L’installation des Sénons dans les Marches d’une part les mettait en contact direct avec la Grande Grèce et la Sicile et d’autre part, ce nouveau territoire celtique devenait un pôle d’attraction pour les éléments aventureux transalpins. Les textes évoquent la présence gauloise en Apulie et parlent aussi de troupes celtiques à la solde de Denys l’Ancien qui participent aux conflits de Sparte et de Thèbes. Notamment, en 396/8 av. j.-c., 2 000 mercenaires gaulois et hispaniques envoyés par le tyran de Syracuse aident les Spartiates dans l’isth
Denys le Jeune et plus tard Agathoclès ont employé des mercenaires celtes qui ont aussi été enrôlés par les Carthaginois, jouant ainsi un rôle varié dans les guerres gréco-puniques du IVè s. av. J.-C. en Sicile.
Le service mercenaire a donc bien élargi la périphérie des déplacements celtiques. Il faut noter qu’en 307 av. J.-C. Agathoclès a amené ses troupes celtiques en Afrique, en terre carthaginoise.
Le mercenariat celtique prend à partir de la mort d’Alexandre le Grand une ampleur extraordinaire : les Celtes combattant dans les armées diverses du monde hellénistique se comptent par milliers. Cette nouvelle phase est donc étroitement liée aux offensives contre les Macédoniens et les Grecs qui débutent par les invasions des années 280-270 av. J.-C. L’événement décisif date cependant de la fin de 278 ou début de 277, quand Antigonos Gonatas, revenu d’Asie Mineure en Europe, détruit par la ruse une armée celtique en Thrace, près de Lysimacheia. La victoire doit être considérée comme le coup de grâce porté à la tentative d’invasion celtique contre le monde méditerranéen. Elle ouvre cependant en même temps la porte des armées hellénistiques à ces guerriers redoutables, réputés partout. Antigonos, le vainqueur, ne tarde pas à prendre le reste de l’armée celtique battue à sa solde. Sous le commandement de Kidérios, elle l’aide à s’emparer de la Macédoine. Ainsi se prolonge la présence des Celtes en terre grecque : Antigonos Gonatas envoie ses Gaulois contre Pyrrhos qui en avait également à son service. Le roi d’Epire les a laissé violer les tombes royales macédoniennes à Aigai (très probablement identique à Vergina actuelle où les fouilles grecques ont constaté le pillage du tumulus présumé de Philippe II), puis ils l’accompagnèrent dans le Péloponnèse et étaient auprès de lui, à Argos, lorsqu’il périt.
La Thrace devient à cette époque-là un réservoir important de mercenaires : Antigonos Gonatas envoie en 277/6 av. J.-C. 4 000 Gaulois à Ptolémée II Philadelphie qui était en guerre avec son frère Magas. La victoire est suivie d’une révolte des Celtes qui périrent enfermés dans une île du Nil.
Ce fut également Antigonos Gonatas qui a mis des Gaulois, conduits par Léonnorios et Lutarios, à la disposition de Nicomède Ier. Ainsi débute l’histoire des Galates d’Asie Mineure dont les services ont d’abord été utilisés par le roi de Bithynie pour résoudre une querelle dynastique. Il y avait aussi des Gaulois dans l’armée des Séleucides et partout, dans les armées des divers pays. Ainsi H. Hubert : « Ils n’était pas de prince d’Orient qui crût pouvoir se passer de son corps de Gaulois ». L’histoire du mercenariat celtique continue en Egypte sous Ptolémée IV. Ils entretenaient de bonnes relations avec les Tylènes, c’est-à-dire des Celtes établis en Thrace, des mercenaires gaulois ont donc été recrutés là-bas. Les Celtes ont été présents dans l’armée des Ligidos en 186/5 av. J.-C., lors de la répression de la révolte de la Haute-Egypte. Une inscription qui se trouve sur le mur du temple de Stéti I, nous montre que ces Galates savaient écrire en grec.
En retournant en Italie, il faut évoquer l’histoire de 3 000 Celtes engagés par les Carthaginois en 263 et transportés en Sicile où ils ont pillé Agrigente. Les difficultés à tenir des troupes de ce type n’ont pas empêché Carthage d’embaucher des Celtes pendant la première guerrepunique. Un de leurs chefs, Antarios, qui parlait bien la langue punique, a provoqué la grande révolte des mercenaires qui réclamaient leur solde (241-237 av. J.-C.). En tout cas, les Gaulois transalpins ont participé activement à cette guerre à la solde de Carthage en Sicile, en Corse et en Sardaigne. Leur comportement était correct, tant qu’ils étaient payés régulièrement, ils accomplissaient leur tâche. Quand ce ne fut plus le cas, ils commencèrent à déserter : les contingents gaulois passèrent dans le camp romain.
Cette véritable industrie celtique du service mercenaire, dont l’un des marchés les plus importants a été constitué par l’Italie du Nord avec un intense va-et-vient entre la Celtique transalpine et la Gaule cisalpine, explique très probablement l’étymologie proposée par Polybe du nom des Gésates, arrivés en 225 av. J.-C. en Italie : « Ils sont appelés Gésates parce que ce sont des mercenaires, c’est en effet ce que signifie ce mot ». Il s’agit en réalité de la « migration négociée » de quelques tribus pour renforcer la résistance des Cisalpins contre la République romaine. L’autre interprétation du mot est probablement correcte : les Gésates sont les porteurs de lance ou de javelot, le gaesum. Malgré les données abondantes des auteurs anciens sur les mercenaires celtiques, l’interprétation exacte de ce phénomène constitue un grave problème pour la recherche. On ne sait pas comment étaient conclus les accords entre les guerriers celtiques et les rois grecs ou les autres pouvoirs étrangers. Par exemple, comment était versée la solde ? Il ne s’agit sûrement pas de combattants individuels, mais de troupes engagées, régulièrement suivies de femmes et d’enfants, marchant avec les bagages. La réputation des mercenaires celtiques, comparable à celle des archers crétois ou des cavaliers numides s’explique, d’une part, par le succès des invasions celtiques contre le monde méditerranéen et, d’autre part, par la qualité de leurs armes et de leur façon de combattre.
Les sources écrites et les représentations grecques et romaines des Celtes semblent confirmer l’opinion répandue que les mercenaires gaulois avaient conservé leurs armes. C’était avant tout le grand bouclier à « épine dorsale » qu’ils ont gardé fidèlement. En même temps, la présence abondante des armes hellénistiques sur la frise de trophée militaire du sanctuaire d’Athéna Nicéphore à Pergame qui perpétue la victoire des Attalides sur les Galates, n’appartient pas au monde des anomalies : selon Memmon, chroniqueur d’Héraclée du Pont, Nicomède Ier de Bythinie a fourni l’armement des Celtes après leur arrivée en Asie Mineure. Dans les expéditions autour de la Méditerranée, les Celtes se sont adaptés à des formations groupées de combat. Leur efficacité était redoutable en leur premier assaut, ils étaient utilisés ainsi par les armées hellénistiques comme troupes auxiliaires pour terroriser l’ennemi. Il faut également noter qu’au lieu de repartir dans leur pays la guerre finie, les mercenaires restaient souvent dans les régions limitrophes, provoquant ainsi l’intervention militaire pour rétablir l’ordre dans la zone respective.
Les mercenaires celtiques engagés par Antigonos Gonatas recevaient une pièce d’or par homme. Etaient-ils bien payés ou non, difficile à dire, car on ne connaît pas les motifs de ce paiement. Il est cependant clair que l’introduction de l’usage de la monnaie chez les Celtes vers le début du IIIè s. av. J.-C. doit être attribuée au mercenariat. Ainsi la diffusion de la monnaie hellénistique, les « philippes » et autres dans le monde celtique doit constituer le témoignage archéologique des mercenaires celtiques. Mais, même dans ce cas-là, il est pratiquement impossible de distinguer le butin de guerre de la solde militaire. Le même piège nous attends, si on veut déterminer la circonstance dans laquelle te ou tel objet grec est arrivé en milieu celtique d’Europe centrale ou occidentale. Il faut être également très prudent, si on essaie d’attribuer des trouvailles celtiques mises au jour en Italie (comme le casque de Canosa) ou en Grèce (une paire d’anneaux de cheville d’Isthmia) aux mercenaires celtiques ou à leur entourage.
Le déclin du mercenariat celtique remonte à la première moitié du IIè s. av. J.-C.