Deux députés de la commission de la défense et des forces armées, Gilbert Le Bris et Philippe Vitel, ont diffusé un très intéressant rapport parlementaire (Cf. Rapport du 3 février 2016) sur la transformation de l’OTAN, le bilan à en déduire depuis la réintégration de la France dans sa structure intégrée, enfin les perspectives d’avenir de l’alliance notamment face aux menaces actuelles et futures notamment dans l’optique du prochain sommet de l’OTAN à Varsovie les 8 et 9 juillet 2016.
En préambule, il n’est pas inutile de visionner ce film de 11 minutes diffusé en septembre 2015 par le ministère de la défense (Cf. Vidéo) sur le fonctionnement de l’OTAN et sur la place de la France. Le général Paloméros a depuis cette vidéo laissé sa place au général Mercier, autre aviateur. Il me paraît aussi utile de lire le rapport annuel en français du secrétaire général de l’alliance sur l’état de l’OTAN en 2015 (Cf. Rapport du 28 janvier 2016) qui peut utilement mettre en perspective ce rapport parlementaire
Que retirer de ce rapport ?
Que retirer de ce rapport, hormis dans la suite du rapport Védrine une satisfaction confirmée de ce retour français depuis 2009 dans l’organisation militaire intégrée qu’il faut cependant encore améliorer. La position est claire : l’OTAN doit rester « le fer de lance de la défense nord-atlantique et de l’Europe ». Les auteurs sont tout à fait convaincus de son utilité… comme je le suis (Cf. Mes billets du dimanche 27 mai 2012 et du dimanche 6 mai 2012).
Ce rapport en trois parties fait utilement le rappel de la création de l’alliance, de la place de la France, étudie l’évolution de son fonctionnement avant de donner des pistes de réflexion pour « Penser l’OTAN de demain ».
Aussi, le vrai succès de l’OTAN a été sa capacité à assurer la crédibilité et donc à dissuader toute attaque contre la zone protégée par le traité tout en agissant dans des missions plutôt variées : Bosnie en 1994 qui a suppléé la carence de l’ONU, actions humanitaires au profit des Etats-Unis suite à l’ouragan Katrina en 2005 aux Etats-Unis ou suite au tremblement de terre au Cachemire, la lutte contre la piraterie, la police du ciel notamment aujourd’hui pour protéger l’espace aérien des Etats baltes, la protection de grands événements comme pour les jeux olympiques d’Athènes en 2004, la coupe du monde de football en Allemagne en 2006.
Alliance cependant politico-militaire, il n’en reste pas moins très clair que les menaces ne sont pas perçues de la même façon du point de vue de l’OTAN ou du point de vue français. Ainsi, comme d’ailleurs je le relatais cet été suite à ma participation à un colloque à Londres (Cf. Mon billet du 5 juillet 2015, Contrer l’extrémisme violent), la première menace pour l’OTAN n’est pas daech mais la Russie.
La France, une alliée fidèle
Comme avant la réintégration dans l’OTAN, la France est une alliée fidèle qui s’engage pour l’Alliance. Aujourd’hui, elle est le 3e contributeur financier, affecte 925 personnels sur 8 000, officiellement car, comme beaucoup d’autres Etats, elle n’honore pas tous les postes, soit seulement 75% prévus des postes en structures de commandement, la diminution du nombre d’officiers dans nos armées expliquant cela en partie. Cependant, le personnel affecté à l’OTAN représente plus 50% des postes de militaires français à l’étranger.
Avant 2008, la contribution française, soldes comprises, s’élève à 325 millions d’euros sur un budget total de l’OTAN de 2,4 milliards d’euros suite à une hausse importante de son budget.
- Budget civil : 218 M€ en 2015 dont 11,14%
- Budget militaire 1171 M€ dont 10,97%
- Investissement 700M€ dont 10,97
Le surcout de la réintégration de la France reste cependant faible, soit 61 millions d’euros.
Le rapport souligne les apports de la réintégration de la France pour franciser l’organisation mais aussi dans sa restructuration de l’alliance en diminuant les états-majors et les effectifs, c’est vrai, action où la France excelle depuis des années avec le résultat connu…
Le retour du besoin d’une défense collective et d’un effort conséquent
Cependant, la défense collective a repris ses droits avec les tensions en Ukraine sans oublier que l’OTAN s’est engagée à défendre son intégrité territoriale. La conséquence de cette crainte face à l’Est a été l’élaboration et l’adoption d’un plan d’action pour la réactivité de l’alliance en 2014 avec une force de réaction rapide pouvant agir dans le monde entier, un bataillon de 800 hommes en deux jours et une brigade de 5 000 à 7 000 hommes en sept jours maximum… ce qui fait quand même peu pour une telle alliance.
Cela a pour conséquence, mais cela n’est pas la première fois, que les 28 Etats membres se soient engagés à consacrer 2% de leur PIB au titre de la défense dont 20% dans les nouveaux équipements d’ici 2025. Avec cependant la limite qu’apportent les trois manières utilisées pour calculer l’effort de défense de la France rappelées par les députés :
- 42 milliards d’euros (budget « anciens combattants » + pensions + budget de la défense) soit 2% du PIB ;
- 39,2 milliards d’euros (norme OTAN, hors budget « anciens combattants » mais avec pension) soit 1,8% ;
- 31,4 milliards d’euros soit 1,5% du PIB (hors budget « anciens combattants », hors pensions).
Le premier calcul inclue le budget des anciens combattants alors que ce budget a plutôt pour objet de « maintenir et conforter l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation à l’égard du monde combattant » (Cf. Secrétariat aux anciens combattants). Il me semble une approche bien politicienne pour affirmer que la France attribuerait effectivement 2% de son budget à la défense. Or, ce qui est important c’est le budget consacré aux forces. La troisième approche est la seule qui montre réellement l’effort de défense.
Quelles orientations pour l’OTAN avant Varsovie?
Pour l’avenir, les députés estiment qu’il faut continuer à adapter les interventions de l’OTAN en fonction des théâtres et donc des menaces. L’OTAN est conçue comme une boite à outils avec des orientations claires qui donnent une stratégie mondiale à l’OTAN. Elle doit être capable d’agir dans un conflit avec des forces conventionnelles sur des théâtres d’opération aussi variés qu’à l’est ou au sud de l’Europe, au Moyen-Orient, d’être en mesure d’agir en contre-insurrection, de lutter contre le terrorisme, de développer une cyberdéfense collective engagée en juin 2014.
Cependant, avant Varsovie, les députés soulignent quelques points auxquels la France devrait s’intéresser : la maîtrise de l’extension du champ d’intervention de l’alliance, une réflexion sur l’article V et ses conséquences et pour demain les réflexions stratégiques de l’alliance sur les conséquences du changement climatique et sur la sécurité énergétique.
Pour conclure, je retiendrai cette phrase du rapport : « Vue des Etats-Unis, l’OTAN est une organisation européenne. Vue de l’Europe, l’OTAN est une organisation américaine ». Pour les rapporteurs, l’OTAN reste une alliance politique et militaire indispensable à la sécurité euro-atlantique et sa pertinence n’est plus à l’ordre du jour. Je traduirai : la défense de l’Europe se conçoit avant tout dans l’OTAN et non dans l’Union européenne.
Tout ceci me rappelle un billet que j’ai posté sur un autre blog le 15 mars 2009 (Cf. Mon billet du 28 février 2016), « Une vraie rupture et la fin de l’hypocrisie : la réintégration dans l’OTAN ». Il permet de faire le point, sept ans après, du chemin parcouru tout comme celui des commentaires politiques à l’époque de ce rapprochement.