« Ce combat était le plus beau fait d’armes de notre histoire militaire ; les soldats qu’il entendait, des hommes avec qui on pouvait conquérir le monde ; ceux tués, des guerriers morts d’une mort immortelle ! » Napoléon saluant le sacrifice de la division Gudin[1].
L’article 45 du décret n°89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires, signé sous la présidence de François Mitterrand (Cf. Décret du 13 septembre 1989) stipule :
« Les honneurs funèbres militaires sont des manifestations officielles par lesquelles les armées expriment leur sentiment de respect, à l’occasion de leurs funérailles, au Président de la République, aux anciens présidents de la République, aux hautes autorités civiles décédées dans l’exercice de leurs fonctions, aux dignitaires de la Légion d’honneur, aux compagnons de la Libération, aux dignitaires de l’ordre national du Mérite, aux chefs des armées décédés en activité et aux militaires et marins de tous grades décédés en service. Les honneurs funèbres militaires sont rendus, sauf en cas de volonté contraire de la personnalité décédée ou de la personne ayant qualité pour pourvoir civilement à ses funérailles ».
En l’occurrence, sauf erreur de ma part, le général divisionnaire Gudin blessé mortellement au combat le 19 août 1812 sur la route de Smolensk à Moscou, dont la dépouille a été découverte en 2019 (Cf. Reportage RT) puis remise au consulat de France à Moscou le 23 juin 2021, a droit à des honneurs funèbres militaires lors d’une manifestation officielle. Les restes du général Gudin seront ramenés le 13 juillet 2021 et à la date d’aujourd’hui, aucune cérémonie officielle ne semble envisagée.
La « cancel culture » à l’action ?
Je ne peux pas m’empêcher de soupçonner une adhésion à la « cancel culture » comme en témoigne cet article du Figaro lors de l’annonce de la découverte des restes du général Gudin : « Les conseillers de l’Élysée ont initié un travail de recherche historique afin de savoir si le Général Gudin était un soldat à l’abri de tous reproches et surtout un exemple digne d’admiration pour les jeunes générations. » (Cf. Le Figaro du 16 décembre 2019). Le délitement dénoncé par les Tribunes des militaires… et des généraux, partagées par beaucoup, prend ici toute sa dimension et impose des corrections à moins que cela ne soit une orientation délibérée. Le général Gudin mort au combat ne pourrait donc pas être un exemple pour les jeunes générations et surtout ne mettons pas cette approche de l’engagement en avant !
Dans cette année où le bicentenaire de la mort de l’Empereur Napoléon 1er a été commémoré au forceps, l’Elysée, l’ONACVG n’ont pas daigné répondre aux questions du Figaro sur les honneurs à rendre au général Gudin (Cf. Le Figaro du 6 juillet 2021). Benoît Digeon, maire (LR) de Montargis (Loiret) d’où était originaire le général Gudin) déclare pour sa part : « Nous, on n’en veut pas et on n’a pas les moyens de lui construire un mausolée » (Cf. La République du Centre du 1er juillet 2021) Il évoque désormais une manipulation de la Russie (Cf. Le Parisien du 6 juillet 2021). Il est vrai que la bourgeoisie n’aime pas les généraux révolutionnaires qui remettent en cause les acquis et les privilèges. Quant aux associations dites patriotiques, elles ont été bien silencieuses.
Est-ce acceptable ? Est-ce digne ? Est-ce à la hauteur de ce que la France prétend être ?
Qui était le général Gudin ?
Né le 13 février 1768 à Montargis, il fait carrière dans l’Armée de l’Ancien Régime puis de la Révolution. Il devient général de division en 1800 et obtient sous le Premier Empire le commandement d’une division sous les ordres du maréchal Davout. Il se distingue aux batailles d’Auerstaedt, Eylau, Eckmühl et Wagram (Cf. Biographie du général Gudin). À Auerstaedt, il a sous ses ordres notamment le 51e de ligne qui, sauf erreur de ma part, devrait avoir la filiation aujourd’hui avec le « Centre d’Appui et de Préparation au Combat InterArmes – 51e RI », créé à compter du 1er juillet 2021 et en garnison dans les camps de Suippes- Mourmelon.
Avec les généraux Morand et Friant, le général Gudin fait partie des trois généraux divisionnaires qui assurent les victoires du maréchal Davout. Ils étaient surnommés par Napoléon « le brelan ». Cette stabilité du commandement a contribué dans une large mesure à l’efficacité et à la réputation du IIIe corps puis du Ier corps du maréchal Davout. (Cf. Mon billet du 6 juillet 2021 sur la campagne de Prusse de 1806).
Blessé mortellement à la tête de sa division en Russie, le général Gudin est enterré dans la citadelle de Smolensk. Son cœur est au cimetière du Père Lachaise dans un caveau familial. Sur les circonstances de sa mort, le général de Ségur et le maréchal de Castellane, ses contemporains, témoignent dans leurs écrits du courage et de la renommée du général Gudin.
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Que faire de sa dépouille ? Quels honneurs funéraires militaires lui rendre ?
Si l’on en croit les informations d’Elisabeth Lévy sur Sud-Radio (Cf. Sud-Radio 5 juillet 2021), les honneurs militaires lui seraient rendus puisqu’il est grand-Croix (ou Grand-Aigle sous l’Empire) de la Légion d’honneur mais l’accueil de sa dépouille se ferait dans un cadre privé et familial pour finalement une inhumation dans le village de sa famille à Saint-Maurice-sur-Aveyron (Loiret).
Il n’en reste pas moins que sa dépouille aurait pu retrouver aujourd’hui une sépulture digne de son engagement, à la hauteur des ambitions même guerrières de la France lorsqu’un président veut faire de l’armée française « La première armée européenne » (Cf. Le Point du 1er mars 2018). Quel mauvais signal donné à ceux qui ont servi ou servent la France, sinon même aux généraux suffisamment maltraités depuis juillet 2017, quand la France et son président ont honte de rendre hommage correctement à un général tué au combat !
Il y a deux ans, M. le Président, faire reposer le général Gudin aux Invalides était évoqué. Bien sûr, cela entrait dans le jeu d’une géopolitique subtile, ou se considérant comme telle, visant par l’instrumentalisation de notre histoire militaire à concrétiser un rapprochement entre la France et la Russie, aujourd’hui caduque. Les soldats même morts, peut-être surtout morts, sont utiles aux relations internationales d’un État. Cela ne vous avait pas échappé à l’époque.
Cette instrumentalisation ayant vécu, la République française n’a-t-elle pas pour autant l’impérieux devoir d’exprimer publiquement son respect à un général mort au combat pour la servir ? Alors, M. le président de la République, vous qui êtes le chef des armées, n’auriez-vous pas une responsabilité majeure pour rendre un hommage officiel à un officier général qui a contribué aux pages glorieuses de l’histoire militaire, de notre histoire ?
Il est vrai que depuis juillet 2017, les tensions existent entre vous et la communauté militaire. Cependant, valoriser le génie militaire et le sacrifice de ceux qui nous ont précédés peut être réparateur. Une certaine hauteur n’aurait-elle pas pu s’exprimer dans l’organisation d’une cérémonie militaire officielle par exemple aux Invalides, dans le soutien au choix d’un lieu de sépulture à la dimension de la valeur de l’engagement du général Gudin, par exemple au carré des Maréchaux du Père Lachaise ? Donner le nom du général Gudin à une promotion de Saint-Cyr ?
Certes, des exploitations politiques pourraient entourer cet hommage. Vous craignez les médias si vous valorisez M. Malinowski qui a su retrouver le corps sous prétexte qu’il a été un assistant parlementaire de Jean-Marie le Pen ? Vous craignez le jugement politique d’un projet archéologique franco-russe qui pourrait être interprété comme un signe de rapprochement ? Que de peurs injustifiées sinon de manque de courage quand il faut assumer ce qu’a été et est la France.
En bref, M. le président de la République, nous en avons assez des calculs politiques au détriment du respect dû à nos anciens. Vous êtes le chef des Armées. Vous êtes dépositaire de la mémoire militaire de notre pays par vos fonctions. Assumez cette responsabilité !
Le général Charles-Etienne Gudin mérite un hommage à sa hauteur, sa famille le mérite, les armées le méritent, la France le mérite.
Pour conclure et peut-être source d’inspiration, le général de Ségur écrivait suite à la reconnaissance exprimée par l’Empereur à la division Gudin : « Ces manières paternelles, qui faisaient du simple soldat le compagnon de guerre du maître de l’Europe ; ces formes qui reproduisaient les usages toujours regrettés de la République, les transformèrent ! C’était un monarque, mais c’était celui de la révolution, et ils aimaient un souverain parvenu qui faisait parvenir : en lui, tout excitait, rien ne reprochait. »[2]
NOTES :
[1] Général Comte de Ségur, « La campagne de Russie », Editions R. Simon (9 rue Friant, Paris ( !)), 1936, 288 pages, P56
[2] Général Comte de Ségur, op. cit. P56
Bonjour,
en complément de ce billet, comme le rapporte le Figaro (https://www.lefigaro.fr/actualite-france/la-france-rendra-finalement-hommage-a-un-general-napoleonien-20210708) , un hommage symbolique sera finalement rendu au général #Gudin le 13 juillet par la ministre déléguée aux anciens combattants. Plusieurs questions se posent néanmoins:
1) Le décret signalé dans mon billet rappelle que les honneurs militaires lui sont dus. Cela ne sera pas le cas sauf … par des bénévoles!
2) Pourquoi une décision politique si tardive pour cet hommage bien succinct ? L’indignation a peut-être porté ses fruits…
3) Un avion financé par un #oligarque russe ramène le corps du général Gudin par un vol privé. L’Etat français n’a plus les moyens d’envoyer un avion militaire? On le fait bien par exemple pour des #otages qui se sont mis en danger seuls.
La mesquinerie de la France et de ceux qui la représentent, leur manque de fierté amenant une image dégradée de notre pays et affichant un mépris de notre histoire ont atteint un fond que je ne pensais pas voir un jour. A chacun d’en tirer les conséquences.
Bonjour à tous
L’exécutif s’est réveillé face à la mobilisation et à l’indignation suscitées par les conditions du retour de la dépouille du général Gudin en France.
Il recevra finalement ce 13 juillet les honneurs qui lui sont dus en présence de la ministre déléguée aux anciens combattants.
La sénatrice Joelle Garriaud-Maylan, présidente d’honneur de l’association Paris-Napoléon 2021, a annoncé qu’il serait inhumé aux Invalides le 2 décembre, date aussi de la commémoration par les saint-cyriens de la victoire d’Austerlitz. A confirmer. Cela serait une solution honorable, à la hauteur de l’histoire glorieuse de la France (http://www.opex360.com/2021/07/10/la-france-rendra-un-hommage-officiel-au-general-charles-etienne-gudin-mort-en-russie-en-1812/)
Une mobilisation a cependant dû être nécessaire pour rappeler à nos dirigeants qu’ils avaient une responsabilité « historique » à assumer mais cette polémique aurait pu être évitée si ce dossier avait été correctement managé. Il est clair que cela n’a pas été le cas mais nous connaissions cette lacune gouvernementale du « management » avec la gestion de la pandémie.
Avec cette question finale, apprend-on encore à nos collégiens les faits d’armes de nos soldats et donc ce qu’est un engagement total?
Mes respects mon Général
Juste une remarque concernant l’abréviation Mr.
Mr est l’abréviation anglo-saxonne de Mister.
Si vous vouliez abréger Monsieur, il suffisait d’écrire M.
Avec tous mes rescpects
Rémy Brasset
Merci de cette remarque. Et pourtant je le savais.
Bien cordialement
J’aurai du mieux me relire:
respects*
ok