La Légion étrangère soigne son patrimoine et les historiens ont largement publié sur son histoire et l’histoire de ceux qui l’ont faite. Pourtant et aussi étonnant que cela paraisse, il n’existait pas de présentation du répertoire des chants utilisés par les légionnaires. Ce patrimoine immatériel qui les accompagne dans leur vie quotidienne était resté à l’écart des travaux historiques. Cette publication est donc particulièrement bienvenue.
Après le Grand recueil des chants parachutistes paru en 2018, la même équipe présente les chants des légionnaires. La publication fait suite et complète la nouvelle édition du Carnet de chants légionnaires parue en 2024 à laquelle les deux auteurs ont participé. Thierry Bouzard est connu pour ses travaux sur l’histoire des répertoires militaires qu’il a contribué à faire connaître pour mieux les apprécier. Gérard Eiselé, fondateur du Chœur de l’UNP-Centre œuvre à valoriser le chant militaire et à en améliorer la pratique. Ils ont passé en revue le répertoire des légionnaires, y compris celui qui n’est plus chanté. Tradition orale, dans l’armée le chant s’apprend à l’imitation, le corpus en usage évolue et se modifie imperceptiblement mais suffisamment pour se renouveler et se différencier suivant les époques. L’ouvrage remonte au plus ancien chant retrouvé, signalé dès 1835. La mémoire faisant défaut pour le répertoire ancien, ce travail s’est appuyé sur des sources secondaires. En effet, le premier carnet de chants légionnaires retrouvé ne remonte pas au-delà de la fin des années 1930. Toutefois, il a été possible de réunir des traces éparses donnant quelques indications sur les anciens chants en usage antérieurement.
Un corpus de 150 chants
Les archives légionnaires d’Aubagne ont été exploitées, celles du Service Historique de Vincennes, des Invalides ainsi que la Bibliothèque Nationale. Au total, une quarantaine de recueils de chants légionnaires ont été réunis et étudiés. Ils ont permis de sélectionner près de 150 chants, parmi lesquels 130 sont présentés avec leur partition, une vingtaine d’autres sont cités, les chants trop anecdotiques ont été écartés. L’ensemble constitue un héritage séculaire et toujours vivant présenté ici pour la première fois. Ils sont regroupés par thèmes avec les grands chants de tradition, les chants historiques, ceux qui ont construit le mythe du légionnaire dans l’opinion publique, les chants du centenaire, ceux qui ont transformé le répertoire pendant les guerres d’Indochine et d’Algérie, enfin les chants actuels, car de nouvelles compositions viennent régulièrement l’enrichir.
Une chanson légionnaire aux multiples contributions
Les partitions permettront aux musiciens de les faire entendre, car une bonne partie est constituée de chants qui n’ont jamais été enregistrés. Pour des raisons historiques qui sont explicitées, les légionnaires ont beaucoup chanté en allemand, mais pas seulement, car le lecteur trouvera des chants en anglais, polonais, espagnol et même un chant d’origine asiatique. La chanson étant le reflet de la société qui la produit, la Légion a inspiré les chansonniers qui ont ainsi contribué à populariser et entretenir son image dans l’opinion publique. Leurs chansons sont présentées, qu’elles soient entrées dans le répertoire des légionnaires ou pas. Le lecteur va donc croiser Paulus, Dalbret, Lys Gauty, Bordas, évidemment Edith Piaf, Jean Yann et Serge Gainsbourg, ou encore Jean-Pax Méfret. Pour les étrangers, on retrouve le crooner Frank Sinatra, ainsi que l’Autrichien Freddy Quinn, ce dernier permettant de mettre à jour un pan méconnu du répertoire. Schumann et Wagner méritent leur place, car les origines des chants légionnaires sont très éclectiques, comme leur recrutement. La discographie est la première à référencer l’ensemble des enregistrements qui ont pu être réunis, y compris ceux qui n’ont pas été commercialisés.
Des historiques soucieux d’authenticité
Certains historiques de chants peuvent réserver quelques surprises, tous s’appuient sur des sources historiques référencées sans prétendre être définitifs, car il s’agit de tradition orale. S’ils connaissent bien les répertoires militaires et leurs usages, les auteurs ne sont pas légionnaires et de nombreux échanges ont permis d’enrichir les historiques. Rien n’a été occulté sur les origines parfois dénoncées de quelques chants. Ils appartiennent à l’histoire et leur adoption par les légionnaires nécessite d’être replacée dans le contexte de l’époque pour être comprise. Parmi les études sur les chants et leurs documents, plusieurs témoignages de personnalités légionnaires apportent des éclairages originaux. Ils fournissent des précisions utiles sur les origines des chants et leurs auteurs, quand ils ont été identifiés. La musique n’ayant pas de frontière, les cheminements des mélodies suivent ceux des recrues laissant subsister un patrimoine musical militaire unique au monde.
S’il n’a pas été possible de dissiper complètement les brumes qui enveloppent toujours le répertoire ancien de la Légion, celui de son premier siècle d’existence, les chants en usage aujourd’hui peuvent maintenant être reconsidérés comme appartenant à un ensemble cohérent dont l’évolution est suivie par un encadrement ayant parfaitement conscience de son importance pour l’identité du légionnaire.
Une publication élaborée en concertation avec la Légion
Préfacé par le général Youchtchenko, commandant de la Légion étrangère, le Grand Recueil a été élaboré en concertation avec son état-major puisque ces chants appartiennent aux légionnaires. Il est agréablement illustré par des visuels provenant en grande partie des archives d’Aubagne. Présenté pour la première fois, ce patrimoine oral authentiquement légionnaire est enfin disponible, utile, voire indispensable à ceux qui portent et ont porté l’uniforme, à l’historien comme au simple amateur de chansons. Un beau travail de mémoire qui vient combler un manque. dans l’histoire de la Légion étrangère.
Thierry Bouzard & Gérard Eiselé, Le Grand Recueil des chants légionnaires, éditions D’un autre ailleurs, 2025, 312 pages.
- Format : 24 x 31 cm
- Couverture souple : 45 €
- Couverture rigide : 60 €
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Thierry Bouzard sera présent à Aubagne le 30 avril et le 1er mai, au musée de la Légion étrangère, dans le cadre de la commémoration de Camerone pour dédicacer cet ouvrage.
Les auteurs
LTN (H) Thierry Bouzard est docteur en histoire. Il a enseigné l’histoire de la musique militaire au COMMAT (Satory) de 2019 à 2023. Il collecte des documents sur les chants militaires depuis son service militaire (1977-78). Il a publié plusieurs ouvrages sur les répertoires musicaux militaires dont le Grand Recueil des chants parachutistes (Diffusia, 2018), le Carnet de chants des parachutistes (Diffusia, 2019), Les origines maudites des chants militaires (L’Harmattan, 2023). Il initie et participe à la nouvelle édition du Carnet de chants de la Légion étrangère (Képi Blanc, 2024). En 2015, il dirige la rédaction du numéro de la Revue Historique des Armées consacré à la musique militaire (n° 279, 2015) en partenariat avec le site THEATRUM BELLI dont il est un des contributeurs depuis 2013. Il réalise ou participe à la réalisation de plus d’une vingtaine d’enregistrements de chants militaires, dont Héros en 2013 avec la Musique de la Légion étrangère, premier disque d’or militaire. Avec Gérard Eiselé, il met au point des nouveaux outils facilitant l’apprentissage et l’exécution des chants militaires. Thierry Bouzard est un contributeur d
LTN (R) Gérard Eiselé est chef du Chœur des Parachutistes de l’UNP-Centre. Né en Algérie en 1955, après des études de philosophie et d’allemand, il fut durant 7 ans musicien militaire, puis directeur d’école de musique. Il est breveté parachutiste prémilitaire à Bricy en 1977. Renouant avec cet idéal de jeunesse, il adhère à l’UNP et crée et dirige depuis 2014 un chœur d’hommes composé exclusivement d’anciens parachutistes, tous membres de l’UNP. C’est à l’intention de ce chœur qu’il produit un premier carnet de chants avec partitions. Il participe à la réalisation du Grand Recueil des Chants Parachutistes (Diffusia, 2018), avec partitions, collectant l’intégrale des chants parachutistes, ainsi que le Carnet de chants des parachutistes (Diffusia, 2019). Constatant l’importance des cérémonies d’hommage dans la vie d’un parachutiste de l’UNP, il compose la Messe Parachutiste afin de doter le répertoire d’un corpus de chants sacrés adaptés à la sensibilité bien particulière des Troupes aéroportées. Avec le Chœur des Parachutistes de l’UNP-Centre, il enregistre en 2018 un premier CD, Hommage à nos soldats (France-Production), un second CD à usage interne de l’UNP est produit en 2022 avec des chants classiques du répertoire parachutiste. En 2024 est enregistré le CD Saint Michel est de la fête (France-Productions), où figurent plusieurs chants parachutistes qui étaient perdus ou oubliés. Il participe à l’édition 2024 du Carnet de chants de la Légion.