vendredi 6 septembre 2024

Que retirer des auditions des autorités militaires par la représentation nationale ? La Gendarmerie

Le général d’armée Jacques Migneaux, directeur général de la gendarmerie nationale, a été auditionné le 10 juillet 2012.

Quelles sont les informations à retenir de cette audition ?

  • La gendarmerie nationale est une force armée dont l’identité militaire a été confirmée par la loi du 3 août 2009. Le général Migneaux note aucun signe d’un recul de sa « militarité ».
  • Le directeur de la gendarmerie est également le subordonné direct du ministre de la défense pour les questions prévôtales, mission particulièrement sensible pour les armées.
  • La gendarmerie exerce ses missions sur une zone de compétence étendue en assurant la protection en métropole et outre-mer de 33 millions de Français, soit près de 50% de la population, sur un espace représentant 95% du territoire national. La gendarmerie veille à la paix publique dans 34 800 communes sur 36 500.
  • Après une forte progression de ses effectifs, 102 101 en 2007, la gendarmerie a subi, à partir de 2008, une réduction très nette soit un effectif de 95 858 personnels en 2012, aggravée par une sous-réalisation des effectifs en gestion au point qu’il manque aujourd’hui 1 410 personnes dans les brigades territoriales.
  • 700 militaires (gendarmeries maritime, de l’air, de l’armement et de la sécurité des armements nucléaires) sous l’autorité du ministère de la défense concourent aux missions de sécurité nationale et de protection de l’appareil de défense.
  • Concernant la protection des centrales nucléaires, la gendarmerie a un partenariat avec les opérateurs qui financent les équipements et les personnels.
  • Hors rémunérations, les crédits d’investissement et de fonctionnement ont baissé de 18% depuis 2007 pour atteindre 1,2 milliard d’euros de crédits de paiement en 2012. Les crédits de fonctionnement ont dû supporter des facteurs de coûts systématiquement réévalués à la hausse : carburant, énergie, loyers, coût des projections outre-mer et des opérations extérieures.
  • Au cours de ces cinq dernières années, les capacités d’investissement se sont contractées de 56% avec une forte tension dans certains domaines comme l’immobilier, le renouvellement du parc automobile ou celui du parc informatique.
  • S’agissant du coût des opérations extérieures, celui-ci s’élèvera en 2012 à 26 millions d’euros, pour une dotation initiale de 15 millions d’euros soit un surcoût de 11 millions d’euros.
  • La réserve opérationnelle de la gendarmerie, avec ses 24 000 membres, représente la moitié des effectifs de toutes les réserves militaires. Ils sont, dans ce rôle, accompagnés par près de 900 réservistes citoyens.
  • Sur le territoire national, la gendarmerie participe, avec le concours des armées, au continuum défense-sécurité nationale. Gendarmerie et armées exécutent ensemble des missions de sécurité nationale. Cette continuité s’exprime également lors d’opérations combinées, véritables « opérations intérieures » (Harpie en Guyane) qui ont pour objectif de maintenir la souveraineté de la France.
  • Plus de 3 600 sanctions par an sont appliquées dans la gendarmerie soit 70 % de plus que dans la police (selon un rapport de la Cour des comptes). Le général Migneaux rappelle que la gendarmerie sanctionne parfois des infractions légères et qu’elle est intraitables sur les fautes graves en réponse au député Candelier, vice-président de la commission sur lequel je reviendrai dans un autre billet.
  • Il n’y a pas de difficultés à recruter des effectifs.

Quel est l’état de la gendarmerie selon son directeur ?

Hormis les questions traitant du budget et de la baisse des effectifs, tout semble aller pour le mieux dans la gendarmerie.

Que puis-je en déduire ?

La différence entre les armées et la gendarmerie est flagrante suite à une lecture approfondie des différentes auditions. Finalement, la gendarmerie est bien traitée et subit au même titre que les autres « fonctions publiques », pas plus, pas moins la cure d’austérité.

Je réagirai cependant sur plusieurs points.

  • Sur l’ensemble des missions, je réitérerai mes prises de position passées. A force d’étendre son périmètre « missionnel », la gendarmerie est « contrainte » de demander des moyens pour y répondre (voir mon billet du 18 décembre 2011 sur la protection des centrales, les moyens créés aussi pour la protection NBC). Ne serait-ce pas des missions à donner en terme de sécurité intérieure aux forces armées ? Cela soulagerait d’autant les forces de gendarmerie dans l’exercice des missions de sécurité publique et éviterait la création de nouveaux postes ?
  • Sur le coût des OPEX, les 26 millions d’euros annuels concernent la projection de 460 gendarmes en OPEX (voir le projet de loi de finances pour 2012: Sécurité : gendarmerie examiné par le Sénat). Ils sont insuffisants selon le directeur mais il s’agit aussi d’une somme élevée. Je reconnais que le rayonnement de la gendarmerie de la France à l’étranger est une vraie plus-value pour son image et que ces opérations contribuent à la préservation de la militarité de la gendarmerie, ce que je soutiens mais cela constitue un budget bien important pour si peu de personnels.
  • Concernant la militarité de la gendarmerie, je ne peux que me référer à mes expériences personnelles dans ma campagne. Un membre de la commission a demandé une plus grande participation de la gendarmerie aux fêtes patriotiques « Leur présence a d’autant plus d’importance pour le devoir de mémoire qu’ils sont souvent les derniers personnels militaires présents sur un territoire ». J’ai constaté d’ailleurs durant les cérémonies du débarquement en Provence leur grande présence.

Cependant, mon expérience du 11 novembre dernier, sans doute très partielle, m’a montré que les gendarmes départementaux ne semblaient plus très au fait du rituel militaire et aussi de la nécessaire rigueur à imposer lors d’une telle cérémonie. En en discutant avec un commandant de brigade, celui-ci m’a avoué le manque de militarité des nouveaux gendarmes. A quoi cela est-il dû dès lors que les écoles – nombreuses – de la gendarmerie assument ce rôle de formation sinon d’éducation ?

Mes autres contacts dans la société civile dans la mesure où je suis en tenue pour me rendre dans mon organisme d’affectation, me montrent aussi une certaine civilianisation de la gendarmerie dans son comportement, celle-ci m’ignorant, les policiers me saluant le plus souvent, finalement se militarisant de plus en plus. Mais je dois vieillir et mes appréciations s’en ressentent……

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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