Période plus tranquille succédant aux festivités du 14 juillet, période aussi de mon départ du CICDE vers une affectation comme chargé de missions à la direction de l’enseignement militaire supérieur, elle s’avère propice à une réflexion plus approfondie notamment à travers la lecture des différents rapports parlementaires qui sortent malheureusement durant l’été, évitant ainsi tout débat.
Ainsi le 11 juillet, étaient diffusés un rapport du Sénat sur la mise en place de la réforme des bases de défense, le 12 juillet un rapport de la cour des comptes sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire et un rapport du Sénat sur l’avenir des forces nucléaires, le 17 juillet un rapport parlementaire relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement (dont on ne peut retenir que son intérêt pour les « enjeux soulevés par l’intelligence économique et à la nouvelle organisation administrative consécutive à la création de la délégation interministérielle à l’intelligence économique »), enfin le 18 juillet un rapport du sénateur Bockel sur la cyberdéfense et un rapport du Sénat « sur le format et l’emploi des forces armées post 2014 ». Si j’y ajoute le mandat donné le 13 juillet par le président de la République à l’ambassadeur Guéhenno pour rédiger un nouveau Livre banc, il est facile de comprendre que toute l’information donnée ne pouvait être débattue.
Je me contenterai dans ce post d’évoquer le rapport de la Cour des comptes sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire. Sur le plan budgétaire, la Cour constate un écart négatif de 1,89 milliard d’euros (fin 2011) par rapport aux prévisions, écart qui pourrait atteindre 4,1 milliards en 2013. Elle reconnaît cependant que le processus adopté pour cette LPM était ce qu’il fallait faire. Les équipements ont été modernisés de façon importante depuis 2009 même si des priorités n’ont pas été respectées et des insuffisances constatées. Cela n’est pas dû, à mon avis, à une mauvaise gestion des crédits. Pouvait-on rattraper en trois ans ce qui n’avait pas été fait depuis vingt-cinq ans et plus ? En revanche, la Cour doute de la capacité des forces armées à remplir leurs contrats opérationnels. Elle s’inquiète aussi d’un entraînement insuffisant des différentes armées. Cela me paraît bien plus grave et mériterait effectivement un débat de fond.
Le déficit budgétaire est aussi attribuable à l’absence des contributions exceptionnelles attendues notamment par la vente d’emprises militaires. Je ne citerai qu’un exemple et il n’est pas le seul me semble-t-il. Près de 300 hectares de la BA 217 (Brétigny-sur-Orge) seront cédés dans le département de l’Essonne à l’euro symbolique, aux communes du Val d’Orge et du Val d’Essonne (http://www.defense.gouv.fr/sga/a-laune/crsd-bretigny-sur-orge). Au prix du m² dans l’Essonne, n’y a-t-il pas des questions à se poser ? A ce sujet, un rapport de la Cour des comptes ou d’un autre organisme ne serait-il pas le bienvenu pour expliquer cela ?
L’enjeu principal concerne cependant la masse salariale. La Cour remarque notamment « l’augmentation continue de l’encadrement supérieur » des armées, qui ne serait pas en cohérence avec la diminution des effectifs depuis trois ans. Je m’étonnerai cependant du parti pris des journalistes de défense ne retenant que cet aspect du rapport et notamment sur les effectifs des officiers généraux qui ont déjà été fortement réduits. A peu de choses près, un rapport de 124 pages se limiterait à cette conclusion. Pourtant, la guerre moderne impose un encadrement plus nombreux. La question serait en fait le degré de délégation de la responsabilité que les armées veulent accorder qui se rémunère en conséquence.
Pour les effectifs des différents grades d’officiers, il faut cependant se référer désormais aux chiffres de l’arrêté du 13 avril 2012 fixant les plafonds des effectifs des militaires appartenant à certains corps d’officiers. La pyramide hiérarchique est-elle aussi reconsidérée de la même façon dans les autres ministères compte tenu de la diminution aussi de leurs effectifs? Il serait intéressant de le savoir pour établir une comparaison sans aucun doute utile.
Cependant, il est intéressant de noter aussi que la montée en puissance de l’encadrement civil est « oubliée » par les différents commentateurs. Les officiers sont passés de 37357 à 36434, soit une baisse de 2%. Les fonctionnaires de catégorie A sont passés de 8155 à 9593 soit une augmentation de 18%.
Quant aux salaires, la Cour des comptes reproche finalement que les militaires soient mieux payés qu’avant. Le rattrapage – car il s’agit bien d’un rattrapage – était nécessaire et annoncé surtout en comparaison avec les améliorations accordées à la condition militaire de la gendarmerie. La Cour rappelle néanmoins que la France dispose de moins de capacités financières pour les forces conventionnelles que les Britanniques et que les Allemands même si le SIPRI place la France au quatrième rang budgétaire mondial en valeur absolue … en y intégrant les pensions et le nucléaire.
J’évoquerai pour mémoire le reproche de la Cour des comptes sur une prise en compte « sociale » trop importante par rapport aux effectifs. Approche intéressante…
Enfin le coût trop important consacré à la formation des cadres dans le cadre de l’enseignement militaire supérieur est dénoncé. Or, les armées ont toujours eu cette volonté d’améliorer la formation tout au long de la carrière des militaires. Les armées qui ont déjà réduit à l’extrême le temps consacré à la formation devraient encore aller plus loin selon la Cour, allant dans le sens contraire de ce qui se fait dans la société civile. Un peu curieux.
Donc, un rapport de la Cour des comptes intéressant sur l’état des forces armées mais dont les propositions semblent bien souvent contradictoires avec la construction de forces armées crédibles si l’on se réfère à l’ensemble des propositions avancées.