mercredi 7 juin 2023

Une approche de consensus des candidats à l’élection présidentielle sur la défense nationale

La revue Défense Nationale (RDN) a diffusé depuis janvier 2012 un grand nombre de déclarations des partis et des candidats en lice pour éclairer le lecteur intéressé par leurs perceptions de la défense nationale après le 6 mai. A noter que le site Theatrum belli et la Revue Défense Nationale ont décidé de conjuguer leurs énergies afin de pouvoir faire rayonner la pensée stratégique française sur le Web. Une bonne idée !

Dans le numéro de mars, ce furent Jean-François Copé pour l’UMP, Philippe Folliot pour le Modem, Jean-Yves Waquet et David Mascré pour le Front national. Dans ce numéro d’avril, se sont exprimés les candidats François Bayrou, François Hollande, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy.

Vous constaterez que tous les candidats ne se sont pas exprimés mais au moins ceux qui sont en tête dans les intentions de vote ont fait cet effort de clarification sur leur vision de la défense nationale. Je regrette seulement que l’intervention de François Hollande soit pratiquement identique à son discours du 11 mars. Quelques éclaircissements auraient été les bienvenus (voir mon post du 12 mars). Enfin il faut bien reconnaître qu’il n’est pas facile de synthétiser un bilan sans propositions nouvelles particulières du président sortant et des propositions nouvelles des candidats à sa succession.

A la lecture de ces intentions, je constate néanmoins un consensus général sur le maintien en l’état de l’effort budgétaire pour la défense, certes avec des variations ! Ne nous leurrons pas. Il s‘agit d’intentions qui seront mis à l’épreuve de la réalité mais nous avons l’habitude de ce qui est annoncé et non tenu… au même titre que les autres promesses électorales. Sur les grandes lignes de notre stratégie de défense et de sécurité nationale, je retiens les points suivants :

– Le budget de la défense doit être préservé. Seul Marine Le Pen demande qu’il soit porté d’1,6% à 2% du PIB. Elle est la seule d’ailleurs à faire un état approfondi de la situation de la défense. Pour aucun des candidats, le budget de la défense ne doit être une variable d’ajustement. Comment cependant interpréter les coupes budgétaires, fait habituel des gouvernements en cours d’année quels qu’ils soient. On peut toujours s’engager sur un effort au titre de la défense en tant que président de la République, chef des armées, au respect du budget annuel qui a été voté et des lois de programmation militaire.

Dans ce sens, je constate l’honnêteté – inquiétante – du candidat François Hollande : « si des choix sont à faire, ils seront faits, ils seront expliqués, ils seront assumés ». Seule Marine Le Pen exprime la crainte des militaires devant « une nouvelle purge budgétaire » si les candidats du PS ou de l’UMP sont élus ou réélus.

  • La dissuasion nucléaire est préservée dans ses composantes maritime et aérienne sauf pour Jean-Luc Mélenchon qui veut abandonner la seconde.
  • Un Livre blanc actualisé et une nouvelle loi de programmation militaire (LPM) sont demandés par François Bayrou et Nicolas Sarkozy. François Hollande évoque quant à lui un nouveau Livre blanc suivi d’une LPM évitant toute rupture dans avec les enjeux fondamentaux de la nation.
  • Sur l’OTAN, François Bayrou prend acte du retour dans le commandement intégré et ne reviendra pas sur cette décision. François Hollande demande un audit sur la réalité des bénéfices de cette décision de Nicolas Sarkozy. Jean-Luc Mélenchon annonce quant à lui le retrait de la France de l’OTAN et une mise à disposition de l’ONU des capacités de la France. Le sommet de l’OTAN à Chicago des 20 et 21 mai 2012 sera l’occasion pour le nouveau président de la République de préciser les orientations de la France. Quant à la défense européenne, elle est ardemment souhaitée par François Bayrou et par François Hollande. Nicolas Sarkozy rappelle son bilan en la matière et ses engagements.
  • Pour Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen, la gendarmerie doit rejoindre le ministère de la défense. En revanche, François Hollande ne s’exprime pas sur le sujet hormis que les gendarmes doivent restés militaires et Nicolas Sarkozy n’exprime pas un retour en arrière. Il faut bien constater qu’un gendarme coûte moins cher qu’un policier et que le statut militaire permet de disposer de personnels disponibles en permanence.
  • Une meilleure défense civile est demandée par François Bayrou et par François Hollande. Marine Le Pen est la seule à rappeler son emploi au titre de la sécurité intérieure. Elle est aussi la seule à évoquer une garde nationale mais j’en ai déjà parlé des posts précédents.
  • Sur le format des armées, seule Marine Le Pen prend position sur le format des armées… ce qui est inquiétant de la part des autres candidats qui ne l’évoquent pas.
  • Tous les candidats soulignent le besoin de développer une base industrielle de défense notamment européenne et française, source d’avancées technologiques et d’emplois. François Hollande veut soutenir les PME de la défense tout comme Marine Le Pen. Cependant une divergence apparaît sur des industries d’armement qui doivent être contrôlées par l’Etat (François Hollande, Jean-Luc Mélenchon) ou bien restées dans la logique libérale de l’entreprise.

A noter la proposition de Nicolas Sarkozy, d’un « Buy European Act » pour l’industrie d’armement (enfin), mais aussi celle de Jean-François Copé (mars 2012) sur la création d’un fonds d’investissement pour les industries de défense appelées « entreprises de souveraineté » avec un soutien à la recherche et aux PME dans le cadre d’une stratégie industrielle.

Les candidats en général évoquent le lien armées-nation notamment à travers la promotion sociale et la sécurité civile pour François Bayrou. François Hollande appelle à un grand chantier, « L’armée française, creuset de la cohésion nationale », notamment en raison du rôle des armées comme le premier recruteur dans la génération des 18-25 ans, ce qui apparaît comme un projet prometteur.

Je note aussi cette remarque de Marine Le Pen qui ne me semble pas inintéressante. Elle pose les questions de la connaissance du monde militaire par le monde politique et de l’absence de l’élite militaire dans le débat politique. Elle propose des stages de défense obligatoires pour ceux qui seraient amenés à tenir des postes dans la fonction publique, ce qui me semble bien. Cependant, seul Nicolas Sarkozy, François Hollande et Marine Le Pen évoquent l’esprit de défense nécessaire à ce lien armées-nation. La problématique de la réserve est soulevée par François Hollande, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

Au sein des armées, plusieurs candidats (Marine Le Pen et François Hollande) proposent un renouveau du dialogue social, sans oublier la nécessaire liberté d’expression évoquée par Marine Le Pen. Je ne résiste pas à citer un de ses propos « Il n’est pas normal de sortir immédiatement le bâton pour réduire au silence un général ou un colonel qui osent analyser objectivement nos défaillances et ce, sans tenir à aucun moment un discours subversifs ». Un peu exagéré mais commentaire intéressant.

J’achèverai ce post sur les propositions un peu décalées de Jean-Luc Mélenchon qui propose une politique de défense altermondialiste qui comprend « la récupération de notre souveraineté militaire ». Il prône l’utilisation privilégiée de moyens non létaux, la « fraternisation des populations »… Je note qu’il remettra en cause, s’il est élu, le traité franco-britannique de 2010. Effectivement, ce candidat a une vision particulière de la défense, à la fois conventionnelle et originale.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Il est expert des questions de doctrine sur l’emploi des forces, sur les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, à la contre-insurrection et aux opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Depuis mars 2022, il est consultant en géopolitique sur LCI notamment sur la guerre en Ukraine. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde depuis août 2011, il a rejoint depuis mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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