Des milliers de manifestants, en majorité du mouvement patriotique HVIM (Mouvement de Jeunesse des 64 Comtés), ont pris d’assaut le siège de la télévision publique hongroise dans la nuit de lundi à mardi pour exiger la démission du premier ministre, qui a reconnu avoir menti sur son bilan pour emporter les élections d’avril. La police a répliqué avec des bombes lacrymogène et des canons à eau. Ces affrontements ont fait environ 150 blessés.
Il s’agit des pires émeutes qu’ait connues la Hongrie depuis la chute du régime communiste à la fin des années 80. Dans la nuit de lundi à mardi, un incendie s’est déclaré dans le bâtiment de la télévision publique et des voitures étaient en flammes dans le centre de Budapest. Une centaine de manifestants a ensuite réussi à pénétrer dans le bâtiment de la télévision, une fois l’incendie éteint. Un millier d’autres se trouvait à l’extérieur, d’après une estimation de l’agence Reuters.
Un des manifestants a demandé à pouvoir s’exprimer à l’antenne de la télévision pour dénoncer «les mensonges» du premier ministre. Dimanche, ce dernier a reconnu avoir délibérément menti aux électeurs au printemps dernier, afin de remporter les législatives.
«Nous réclamons» la tenue d’élections «afin qu’au bout du compte ce soient les Hongrois et non les capitaux étrangers qui gouvernent la Hongrie», a dit Laszlo Toroczkai, président de l’organisation patriotique des 64 Comtés.
Des manifestants ont lancé des bouteilles et des pavés contre la police anti-émeute, qui a répliqué à l’aide de grenades lacrymogènes et de canons à eau pour entraver leur progression vers le siège de la télévision. Une centaine de personnes a été blessée, d’après la police.
Les manifestants ont scandé «56», en allusion au soulèvement contre la tutelle de l’URSS en octobre 1956, écrasé par les troupes soviétiques. Ils s’en sont également pris à un mémorial en hommage aux soldats soviétiques ayant pris Budapest aux allemands en 1945. Environ 10.000 personnes s’étaient auparavant rassemblées devant le parlement pour exiger la démission du premier ministre.
Ce dernier, qui a exclu de quitter ses fonctions, a reçu le soutien de son parti socialiste. Il a en revanche été critiqué par le président Laszlo Solyom, qui l’accuse d’avoir provoqué une «crise morale», et par les partis d’opposition, qui réclament son départ. La principale formation d’opposition, le Fidesz, a annoncé qu’elle boycotterait les travaux du parlement mardi pour protester contre les «mensonges» du gouvernement. La crise a éclaté avec la diffusion dimanche d’un discours prononcé lors d’une réunion à huis clos du Parti socialiste.
Lors de cette réunion en mai, Gyurcsany a déclaré que le gouvernement n’aurait pas d’autre choix que d’adopter des réformes, lors de son second mandat, après les mensonges qui ont caractérisé, selon lui, ses 18 mois à la tête du gouvernement et les quatre années de pouvoir socialiste, entre 2002 et 2006. «Nous mentions le matin, nous mentions le soir», a-t-il déclaré lors d’un discours de 25 minutes truffé d’obscénités.
Le gouvernement avait promis des réductions d’impôts mais, depuis, les a augmenté de 4,6 milliards de dollars, et réduit les dépenses publiques. Il a par ailleurs fait savoir que le déficit public serait cette année de 10,1% du PIB, soit le double de ce qu’il avait promis pendant la campagne. La diffusion de cet enregistrement intervient deux semaines avant la tenue d’élections locales, le 1er octobre, que le Fidesz veut transformer en référendum sur le gouvernement.
Voici des extraits des propos du Premier ministre hongrois Ferenc Gyurcsany, qui ont fait scandale en Hongrie et dans lesquels il explique avoir « menti » pour remporter les élections législatives d’avril dernier.
Ces paroles ont été prononcées au mois de mai devant le groupe parlementaire socialiste réuni au bord du lac Balaton (ouest de la Hongrie).
« Nous avons tout fait pour garder secret en fin de campagne électorale ce dont le pays avait vraiment besoin, ce que nous comptions faire après la victoire. Nous le savions tous, après la victoire, il fallait se mettre au travail, car nous n’avons jamais connu de problèmes de cette envergure (…)
Nous avons merdé, pas un peu, beaucoup. Personne en Europe n’a fait de pareilles conneries, sauf nous (en laissant filer les déficits publics) (…) Il est évident que nous avons menti tout au long des 18 derniers mois. Il est clair que ce que nous disions n’était pas vrai. Nous n’avons rien fait depuis quatre ans, rien. Vous ne pouvez pas me citer une seule mesure gouvernementale dont nous pourrions être fiers, à part le fait que nous nous sommes sortis de la merde à la fin (en remportant les élections). (…) A court terme, nous n’avons plus le choix. (Le ministre des Finances) Janos Veres a raison. Nous pouvons encore faire semblant un petit peu mais plus longtemps. Le moment de vérité est arrivé. L’aide divine, les flux financiers internationaux, les centaines d’astuces comptables, dont vous n’avez pas à connaître l’existence, nous ont tous aidés pour survivre. Mais c’est terminé. On ne peut pas aller plus loin.
On doit avouer dès le premier jour ce qu’on doit faire pour réduire le déficit (des comptes publics) dès cette année, et mettre en oeuvre les modifications fiscales dès le mois de septembre. (…)
C’est fantastique de diriger un pays. Pendant les 18 derniers mois j’en étais capable parce que j’avais une ambition: convaincre la gauche qu’elle pouvait gagner (les élections), qu’elle n’avait pas à courber la tête dans ce putain de pays, qu’elle n’avait pas à faire dans sa culotte devant (le chef de l’opposition de droite) Viktor Orban (…)