27 janvier 1809 : début du combat urbain de Saragosse (Espagne).
Le Second siège de Saragosse est le deuxième et dernier siège de cette ville pendant la Guerre d’Espagne. Il est régulièrement considéré comme une des batailles les plus brutales des guerres napoléoniennes, et souvent comparé à la bataille de Stalingrad en raison des similitudes entre les combats de rues extrêmes qui ont eu lieu lors de ces deux sièges. Se mettant à l’abri après la défaite de Tudela, l’armée aragonaise s’enferme avec les habitants de la ville et des alentours, afin de résister comme durant le premier siège à l’armée française. Le commandement français, face à la résistance des assiégés, est contraint d’être modifié plusieurs fois : les maréchaux Ney, Moncey, Mortier, le général Junot et enfin le maréchal Lannes se succèdent à la direction des opérations. La ville, qui ne pourra pas être secourue comme précédemment, doit néanmoins se rendre à l’armée française au bout de deux mois de siège.
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Saragosse est une des premières villes à répondre à l’insurrection espagnole contre l’Empire français lancée à Madrid le 2 mai 1808. Le jeune José de Palafox y Melzi, ancien favori de Ferdinand VII, s’est échappé de Bayonne et est proclamé dans la capitale aragonaise capitaine général de l’armée. Le premier siège de Saragosse, qui dure de juin à , s’achève par le départ des assiégeants français après la victoire espagnole de Bailén, celle-ci mettant en danger leurs positions.
Après cette victoire, les troupes aragonaises, menées par leur commandant Palafox, se mettent en marche, de concert avec les troupes du général Castaños qui commande l’armée d’Andalousie, afin de continuer la guerre contre les troupes françaises. Mais la bataille de Burgos en octobre permet à Napoléon 1er d’éviter la jonction de l’armée de Blake avec celles de Castaños et de Palafox.
La bataille de Tudela du , menée par le maréchal Lannes contre les troupes de Castaños et de Palafox, met fin à l’offensive espagnole. Castaños doit faire retraite par Ágreda, et évite l’encerclement grâce à une erreur du maréchal Ney. Palafox de son côté se réfugie dans la capitale aragonaise, devant laquelle les maréchaux Ney et Moncey arrivent le .
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Les Espagnols, menés par Palafox et son ancien précepteur le moine Basile (es), sont fortement retranchés, et nombreux : 31 000 soldats, dont 2 000 de cavalerie, ainsi que 15 000 paysans, et autant de citadins. Parfaitement approvisionnée en munitions par un envoi depuis Tarragone par les Anglais, la ville a également rassemblé un maximum de vivres, et ses habitants sont poussés jusqu’au fanatisme par leurs chefs pour défendre chèrement leur cité.
De leur côté, les Français se réorganisent : Ney est rappelé dans l’ouest auprès de Napoléon, et le 5e corps commandé par le maréchal Mortier va remplacer ses troupes pour le siège ; il arrive à Tudela le . Le , les troupes de Mortier et de Moncey s’établissent enfin devant Saragosse : le 3e corps (les divisions Grandjean, Musnier, Morlot, et la brigade de cavalerie Wattier) et le 5e corps (les divisions Suchet, Gazan et une brigade de cavalerie) comprennent environ 23 000 hommes chacun, le général Lacoste étant, comme pour le précédent siège, à la tête du génie.
Gazan s’établit sur la rive gauche, Suchet et le corps de Moncey sur la rive droite. Saragosse est investie une seconde fois sur les deux rives, le 19 décembre. Dans la nuit du 21 au 22, le général Dedon-Duclos, commandant l’artillerie, ouvre une batterie sur les hauteurs qui dominent le monte Torrero. Cette position importante étant enlevée, Moncey envoie à Palafox une sommation. Le général espagnol y répondit par un refus.
Les faubourgs de la rive gauche résistent toutefois à la division Gazan. Napoléon remplace alors Moncey par le général Junot à la tête du 3e corps. L’Empereur précise les tâches de chacun : au 3e corps le soin d’attaquer la ville, au 5e la couverture des assiégeants, en protégeant les arrières. Tout l’Aragon est alors en insurrection, Mortier est chargé de disperser les secours. Seule du 5e corps, la division Gazan reste devant le faubourg (Arrabal en espagnol), sur la rive gauche, au nord de l’Èbre. Junot arrive le , et prépare son attaque en trois points : le couvent Saint-Joseph à droite, le pont de la Huerva au centre, le château de l’Inquisition à gauche.
Le , l’artillerie commence à tirer à six heures et demie du matin. Le , à trois heures de l’après midi, les Français peuvent rentrer dans le couvent Saint-Joseph ; dans la nuit du 15 au 16, c’est la tête de pont de la Huerva qui est prise. Mais ces succès ne rendent pas le siège plus simple, et les rassemblements d’insurgés, bien combattus par Wattier, rendent toutefois la vie difficile aux assiégeants. La coordination entre les deux corps a du mal à se faire, d’autant qu’il ne reste plus que 20 000 Français qui se consacrent uniquement au siège : 7 000 de Gazan sur la rive gauche, fortement pressé par les insurgés extérieurs, et 13 000 sur la rive droite.
Le futur général Lejeune, officier du génie présent pendant ce siège, fait le commentaire suivant : « Les choses étaient dans cet état, lorsque M. le maréchal Lannes arriva le 22 janvier. Sa présence ramena de suite l’ensemble qui manquait à nos opérations, en les soumettant à sa volonté ferme et unique qui dirigeait tout avec vigueur. Il plaça son quartier général aux Écluses, et parcourut le même jour, les immenses travaux que l’on avait déjà fait. »
Début janvier, Napoléon 1er est reparti pour la France, afin de contrer les préparatifs militaires de l’Autriche. Mais avant de quitter l’Espagne, il demande au maréchal Lannes, le vainqueur de Tudela, de prendre Saragosse, le nommant commandant en chef des deux corps. Lannes a fait une grave chute de cheval en passant en Espagne, et son état ne lui permet pas de se déplacer rapidement, mais un siège est moins pénible pour lui qu’une bataille rangée.
Le , Lannes arrive et prend les commandes de l’ensemble du siège, faisant entrer l’affrontement dans une nouvelle phase. Afin de mieux protéger les troupes du siège, il rapproche de la ville Mortier et Suchet, soustrayant le 40e régiment de ligne à ce dernier pour renforcer l’assaut. Assignant à Wattier la surveillance des routes de Valence et de Tortosa, à Alcañiz, il s’installe lui-même au milieu des troupes, dans l’auberge « Aux écluses d’Aragon ». Il prévoit dans une lettre à sa femme, datée du , d’être maître de la ville « dans deux jours ». Le 27, la colonne de Rogniat s’empare du couvent de Santa Engracia, et les troupes françaises entrent sur la gauche jusqu’au couvent des capucins Trinitaires. Mais le couvent Sainte-Monique n’est pris que le 30, et Lannes se rend compte que la situation n’est pas aussi idéale que prévu.
Il écrit le lendemain de l’attaque à Napoléon : « Malgré tous les ordres que j’avais donnés pour empêcher que le soldat ne se lançât trop, on n’a pas pu être maître de son ardeur. C’est ce qui nous a donné 200 blessés de plus que nous devions avoir.[…] Le siège de Saragosse ne ressemble en rien à la guerre que nous avons faite jusqu’à présent. C’est un métier où il faut une grande prudence et une grande vigueur. Nous sommes obligés de prendre avec la mine ou d’assaut toutes les maisons. Ces malheureux s’y défendent avec un acharnement dont on ne peut se faire une idée. »
C’est désormais une guerre des rues que Français et Espagnols se livrent. Bien aidé par Lacoste, Lannes fait miner les cibles proches de ses soldats, afin de s’en emparer rapidement pour pouvoir correctement s’y barricader ; en réaction, les Espagnols se réfugient dans les étages, les greniers, et trouent les cloisons et les planchers pour pouvoir tirer sur les occupants du rez-de-chaussée2. L’infériorité numérique des assiégeants les expose à des tentatives de récupération des différents couvents occupés, mais Lannes donne un bon exemple de courage et de volonté à ses troupes, ce qui leur permet de tenir ; il essuie lui-même de temps en temps le feu ennemi, voire celui de ses propres soldats.
Le futur maréchal Bugeaud, alors lieutenant, participe à ce siège d’un genre si particulier : « Nous sommes toujours auprès de cette maudite, de cette infernale Saragosse. Quoique nous ayons pris leurs remparts d’assaut depuis plus de quinze jours, et que nous possédions une partie de la ville, les habitants, excités par la haine qu’ils nous portent, par les prêtres et le fanatisme, paraissent vouloir s’ensevelir sous les ruines de leurs villes, à l’exemple de l’ancienne Numance. Ils se défendent avec un acharnement incroyable et nous font payer bien cher la plus petite victoire. Chaque couvent, chaque maison, fait la même résistance qu’une citadelle, et il faut pour chacun un siège particulier. Tout se dispute pied à pied, de la cave au grenier, et ce n’est que quand on a tout tué à coups de baïonnette, ou tout jeté par les fenêtres, qu’on peut se dire maître de la maison. À peine est-on vainqueur que la maison voisine nous jette, par des trous faits exprès, des grenades, des obus et une grêle de coups de fusil. Il faut se barricader, se couvrir bien vite, jusqu’à ce qu’on ait pris des mesures pour attaquer ce nouveau fort; et on ne le fait qu’en perçant les murs, car passer dans les rues est chose impossible : l’armée y périrait toute en deux heures. Ce n’était pas assez de faire la guerre dans les maisons, on la fait sous terre. »
Suivant les ordres de Lannes, en contradiction avec ceux de l’Empereur, Mortier vient renforcer Gazan, tout en plaçant Suchet de manière à pouvoir être protégé des attaques du dehors, et être soutenu pour entrer dans la place. Le faubourg de la rive gauche fut enfin pris le 1er février, tout comme le couvent de Saint-Augustin à droite. Mais le même jour, le général Lacoste est tué ; Rogniat le remplace, puis, blessé lui-même, confie le génie de la rive droite au commandant Haxo, tandis que la gauche est au colonel Dode. Du côté de l’artillerie, plusieurs petits mortiers de six pouces sont placés par le général Dedon afin d’être aisément transportés partout où besoin est. En outre, ce général établit des pièces de douze, de quatre, et des obusiers dans plusieurs rues.
La maladie et la famine elles-mêmes entrent à Saragosse, tuant de 400 à 500 personnes par jour, augmentant les difficultés du siège d’une odeur de putréfaction. Le , les Français occupent le couvent des filles de Jérusalem ; le 6, c’est l’hôpital général ; le 11, l’église Saint-François, qui amène au Coso, grande artère séparant en deux la ville, et le génie prépare le passage de l’autre côté. Les soldats français se plaignent toutefois énormément du siège et de leurs pertes ; Lannes leur pointe la faiblesse des Espagnols, obligés, alors qu’ils sont en supériorité numérique, de se faire enfermer.
Un léger incident lui permet d’appuyer son propos : recevant une centaine de paysans ayant fui les murs pour retourner chez eux, Lannes les fait raccompagner dans Saragosse, non sans les avoir rassasiés et leur avoir donné deux pains chacun, afin de montrer aux assiégés que les assiégeants ne manquent guère de vivres. Du côté de l’extérieur, les nouvelles sont bien moins bonnes : les frères de Palafox ont réussi à réunir une armée de 15 000 hommes qu’ils dirigent vers Saragosse pour faire lever le siège ; le général Reding, alors à la tête de 30 à 40 000 hommes en Catalogne a également l’intention de venir aider les Aragonais, mais doit d’abord affronter le général Gouvion Saint-Cyr.
Remettant la direction du siège à Junot, Lannes part le avec le 5e corps et une brigade de cuirassiers, ne laissant devant le faubourg qu’une brigade de la division Gazan. Prenant sur les hauteurs de Villamayor de Gállego une forte position, il y attend les armées ennemies, ainsi que les renforts promis par l’Empereur. Puis il retourne à Saragosse le pour y reprendre la direction des opérations. Le 18, il ordonne une attaque simultanée sur le faubourg et sur la ville : les bâtiments de l’Université sont pris de l’autre côté du Coso, et le faubourg, soumis à un feu d’artillerie de cinquante pièces, est abandonné par ses défenseurs. Le baron de Warsage, commandant le faubourg, est tué, 3 000 de ses soldats sont blessés ou tués ; 300 soldats du faubourg tentent de gagner la ville, et un grand nombre se noie dans l’Èbre ; 3 000 sont faits prisonniers en s’échappant vers la campagne.
Le 19, le général Palafox envoie un parlementaire pour demander une trêve de trois jours, afin de pouvoir vérifier l’état des forces dans le reste du pays ; le maréchal Lannes refuse, et Palafox qui ne souhaite pas signer de capitulation résigne son commandement. Le général Dedon fait mettre en batterie sur la rive gauche les pièces qui ont servi à l’attaque du faubourg et les dirige contre les maisons du quai. Les Français font charger de trois milliers de poudre les six mines qui doivent éclater ensemble le lendemain. Le , la junte commandant la défense de la ville, à laquelle Palafox, malade, a transmis son autorité, demande les conditions de la reddition, bien convaincus par un bombardement intense de la rive droite. L’aide de camp de Lannes, le colonel Saint-Mars, est reçu par le commandement espagnol, et le convainc de se rendre à discrétion, jusqu’à l’explosion imprévue d’une des mines, qui blesse un grand nombre d’habitants qui profitaient de la trêve pour sortir dans les rues. Des officiers espagnols se dévouent alors pour protéger Saint-Mars de la furie de la population, et celui-ci peut, le calme revenu, amener la délégation espagnole auprès du commandement français.
La capitulation est alors signée le . On trouve dans Saragosse 113 bouches à feu ; plus de 80 avaient été prises par les assiégeants dans le cours du siège. Les Français montent par-dessus les décombres dans l’intérieur de la ville, où gisent 5 000 cadavres sans sépulture ; les habitants s’étaient retirés dans les caves. Les maisons restantes sont ouvertes à jour ou écrasées, partout des ruines ; la longueur du siège a obligé plus de 100 000 individus à s’entasser dans une ville qui n’en contenait ordinairement que 50 000, ce qui a favorisé peu à peu la famine.
La garnison de la ville ne compte plus que 13 000 hommes, qui sont emmenés prisonniers, tandis que la ville n’est apparemment plus peuplée que par 12 à 15 000 habitants selon Lannes. Du côté des Français, l’armée de siège a perdu 3 000 hommes au combat, et 1 500 dans les hôpitaux, principalement à cause du typhus.
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Agustina Raimunda Maria Saragossa i Domènech, connue comme Agustina de Aragón ou Augustine d’Aragon (Barcelone, -Ceuta, ), est une héroïne espagnole de la Guerre d’indépendance. Se battant comme civile, elle fut ensuite officier de l’armée espagnole. Célébrée comme la « Jeanne d’Arc espagnole », elle connut une grande célébrité. Elle devint une héroïne de chansons, de poèmes et de tableaux, comme les dessins de Francisco de Goya et un poème de Lord Byron.
Le , l’armée française prit d’assaut le Portillo, une passerelle antique de la ville défendue par une batterie de vieux canons et une unité de volontaires lourdement dépassée. Agustina, arrivant sur les remparts avec un panier de pommes pour alimenter les artilleurs, a regardé les défenseurs voisins tomber aux baïonnettes françaises. Les troupes espagnoles ont rompu les rangs, ayant subi de lourdes pertes et ont abandonné leurs postes. Avec les troupes françaises quelques cours plus loin, Agustina elle-même s’est précipitée, a chargé un canon et a allumé le fusible, déchiquetant une vague d’attaquants à bout portant.
La vue d’une femme solitaire équipant bravement les canons a inspiré les troupes espagnoles s’enfuyant et d’autres volontaires qui sont revenus l’aider. Après une lutte sanglante, les Français ont renoncé à l’assaut sur Saragosse et ont abandonné le siège pendant quelques courtes semaines avant de retourner se battre et se frayer un passage dans la ville, maison par maison. Vu le coût humain épouvantable des deux côtés, la ville a dû accepter un compromis, le général Palafox a finalement accepté l’inévitable et a été forcé de livrer la ville aux Français. Malgré la défaite finale, l’action d’Agustina est devenue une inspiration à ceux qui voulurent s’opposer aux Français.
27 janvier 1915 : félicitations de Woodrow Wilson à Guillaume II.
Le président américain envoie au Kaiser un télégramme à l’occasion de son anniversaire.
27 janvier 1920 : naissance de l’as japonais Hiroyoshi Nishizawa.
Hiroyoshi Nishizawa ( – ) surnommé le « Diable de Rabaul », pilote dans l’aéronavale impériale japonaise, est considéré comme le meilleur as japonais durant la Seconde Guerre mondiale.
La coutume nippone, après 1941, de créditer les victoires au profit du groupe plutôt qu’à l’individu ainsi que l’exagération très répandue qu’ont alors les pilotes de tous bords quant à leurs succès, ne permet pas de savoir précisément combien d’ennemis il a réellement abattus. Néanmoins, peu avant sa mort, il revendique 87 victoires aériennes alors que d’autres sources créditent Nishizawa de plus d’une centaine. Il fait partie du « Trio des nettoyeurs » avec Toshio Ōta et Saburō Sakai.
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Hiroyoshi Nishizawa, 5e enfant de Mikiji et Miyoshi Nishizawa, nait dans un village de montagne situé dans la préfecture de Nagano. Son père est directeur d’une distillerie de saké. Une fois son diplôme d’études secondaires en poche, Hiroyoshi travaille dans une usine textile jusqu’à ce jour de juin 1936 où une affiche retient son attention : c’est un appel aux volontaires à rejoindre le Yokaren, un programme visant à former des pilotes de réserve. Hiroyoshi postule et devient élève-pilote de l’aéronavale japonaise, promotion Otsu n° 7, pour achever sa formation de pilote en mars 1939, classé 16e sur une classe de 71.
Il sert ensuite dans le Corps de Chasse (Kōkūtai) Oita, Omura et Sakura avant d’être transféré en au Chitose Kōkūtai avec le grade de lieutenant. Après l’entrée en guerre contre les États-Unis, l’escadron (Chutai) de Nishizawa alors équipé de l’obsolète Mitsubishi A5M, est transféré sur l’aérodrome de Vunakanau basé en Nouvelle-Bretagne, île récemment conquise de Papouasie-Nouvelle-Guinée. La même semaine, l’escadron reçoit ses premiers Mitsubishi A6M2 (modèle 21) « Zéro ».
Le , volant toujours dans un vieux A5M, Nishizawa revendique sa première victoire de la guerre, un PBY Catalina. Néanmoins, des historiens confirment que l’appareil est simplement endommagé et réussit à retourner à sa base. Le , l’escadron est assigné au 4e Kōkūtai nouvellement créé. On y confie à Nishizawa le pilotage d’un Zéro portant le code de queue F-108.
Le 1er avril, l’escadron est à nouveau transféré et dépend désormais du Tainan Kōkūtai, basé à Lae en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cette nouvelle affectation l’amène à voler en compagnie des as Saburo Sakai et Toshio Ōta sous les ordres de Junichi Sasai. Sakai fait de son ami Nishizawa la description d’un homme mesurant environ 1,75 m, d’un poids d’une soixantaine de kilos, pâle et décharné et souffrant constamment de la malaria et de maladies cutanées tropicales. Ses camarades d’escadron, judokates accomplis, disent de lui qu’il est d’un tempérament réservé et un solitaire taciturne. Ils lui donnent le surnom de « Diable ». À propos des performances de pilote de Nishizawa, Saburo Sakai, qui fait partie des meilleurs as japonais avec 64 victoires, écrit : « Jamais je n’ai vu un homme faire avec un avion de chasse ce que Nishizawa pouvait faire avec son Zero. Ses acrobaties aériennes étaient à la fois à couper le souffle, brillantes, totalement imprévisibles, impossibles et intenses à vivre. »
L’escadron a souvent maille à partir avec les chasseurs de la RAAF et de l’USAAF qui opèrent depuis Port Moresby. La première victoire homologuée de Nishizawa, un P-39 Airacobra de l’USAAF, se déroule le 11 avril. Il revendique six nouvelles victoires obtenues en seulement 72 heures, entre le 1er et le 3 mai, faisant de lui un pilote chevronné et un as. Il devient alors un des membres du célèbre « Trio des nettoyeurs » avec Saburo Sakai et Toshio Ōta.
Le , Shosa (major) Tadashi Nakajima, secondé par Sakai et Nishizawa, mène le Tainan Ku en direction de Port Moresby. Alors que l’escadre se réorganise en vue du vol retour, le trio effectue une série de trois loopings en formation serrée puis, sur les instances d’un Nishizawa réjoui, recommence l’acrobatie à trois nouvelles reprises, plongeant à moins de 1 000 m d’altitude. Aucune DCA ennemie ne tire pendant leur spectacle. Ils font ensuite demi-tour vers Lae, comme l’a fait le reste du Corps de Chasse, mais avec vingt minutes de retard.
Début , le Tainan Kōkūtai s’installe près de Rabaul, capitale de Nouvelle-Bretagne. Au matin du , un important déploiement de forces américaines est annoncé : la première phase de la bataille de Guadalcanal débute par une invasion de l’île par près de 17 000 Marines. Nishizawa et ses camarades partent pour leur première mission longue distance afin d’escorter des bombardiers moyens, chargés de détruire les navires ennemis. Pendant cette bataille, ils sont pour la première fois aux prises avec des Grumman F4F Wildcat américains, chasseurs embarqués sur porte-avions et pilotés par des aviateurs aguerris. Nishizama revendique six victoires (les historiens en ont confirmé deux).
La bataille de Guadalcanal, qui se prolonge, coûte cher au corps de chasse de Nishizawa (rebaptisé 251e en novembre), les tactiques et les appareils américains se perfectionnant : Sasai (27 victoires) est abattu par le capitaine Marion E. Carl le 26 août et Ota (34 victoires) meurt le 21 octobre. Mi-novembre, le 251e est rappelé à la base aérienne de Toyohashi pour remplacer les pertes et les dix pilotes survivants, y compris Nishizawa, deviennent instructeurs. À cette époque, Hiroyoshi Nishizawa est crédité de 40 victoires entières ou partielles (d’autres sources indiquent 54).
Nishizawa ironise publiquement à propos des mois d’inaction au Japon. Lui et le 251e retournent à Rabaul en . En juin, les prouesses de Nishizawa lui valent un cadeau de la part du commandant de la 11e Flotte aérienne, le vice-amiral Jin’Ichi Kusaka. Il reçoit une épée militaire sur laquelle est gravé Buko Batsugun (« Pour votre courage au combat »). En septembre, il est muté au 253e Corps de Chasse basé en Nouvelle-Bretagne. En novembre, promu au grade d’adjudant, on le mute à nouveau au poste d’instructeur dans le Oita Kōkūtai basé au Japon.
En , il rejoint le 203e qui opère depuis les Îles Kouriles, à l’écart des combats importants. Toutefois, en octobre, le 203e est transféré à Luçon et Nishizawa est détaché sur un plus petit aérodrome à Cebu. Le , il dirige l’escorte de chasseurs, composée de quatre A6M5, pilotés par Misao Sugawa, Shingo Honda, Ryoji Baba et lui-même, pour la première attaque majeure kamikaze de la guerre. La cible est la Task Force « Taffy 3 » du vice-amiral Clifton Sprague dont la mission est de protéger les débarquements durant la bataille du golfe de Leyte.
Les cinq « volontaires » kamikazes, menés par le lieutenant Yukio Seki, pilotent des A6M5 modèle 52 « Zero », chaque avion emmenant une bombe de 250 kg. Ils plongent délibérément avec leurs appareils sur les navires de l’U.S. Navy dans ce qui est reconnu pour être la première attaque officielle de l’escadron suicide Tokkōtai « Shikishima ». Ils sont les premiers kamikazes à couler un navire.
L’attaque est un réel succès puisque quatre des cinq pilotes engagés réussissent à toucher leurs cibles, infligeant ainsi d’importants dégâts. Un A6M5, vraisemblablement piloté par le lieutenant Seki, s’écrase sur le pont d’envol du porte-avions d’escorte USS St. Lo à 10 h 53. La bombe du Zero explose sur le hangar de pont bâbord. S’ensuit un incendie et des explosions secondaires qui, à leur tour, font sauter des torpilles et la réserve de bombes de l’USS St Lo. Le porte-avions sombre une demi-heure plus tard, 126 de ses hommes ayant été tués. Avant de partir en mission, le lieutenant Yukio Seki aurait déclaré : « L’avenir du Japon est bien morne s’il est obligé de tuer l’un de ses meilleurs pilotes. Je ne fais pas cette mission pour l’Empereur ou l’Empire… Je la fais car j’en ai reçu l’ordre ! ».
C’est pendant cette mission d’escorte que Nishizawa remporte ses 86e et 87e victoires sur des Grumman F6F Hellcats, les deux dernières de sa carrière. Il se porta volontaire pour la mission suicide prévue le lendemain. Il essuya un refus, au motif qu’un pilote de sa trempe est bien plus utile pour son pays aux commandes d’un chasseur que plongeant contre un porte-avions. L’appareil de Nishizawa est ainsi armé d’une bombe de 250 kg et confié au pilote 1re classe de l’aéronavale Tomisaku Katsumata. Pilote moins expérimenté, il plonge néanmoins sur le porte-avions d’escorte USS Suwannee au large de Surigao. Katsumata s’écrase sur le pont d’envol du Suwanee et percute un bombardier-torpilleur qui vient d’apponter. Les deux appareils s’embrasent sous le choc, comme le font neuf autres avions sur le pont d’envol du navire. Bien que celui-ci n’ait pas coulé, il brûle pendant plusieurs heures, tuant 85 hommes d’équipage et en blessant 102, tandis que 58 sont portés disparus.
Son propre appareil ayant été détruit, Nishizawa et d’autres pilotes du 201e Kōkūtai embarquent à bord d’un avion de transport Nakajima Ki-49 Donryu (« Helen ») le et quittent Mabalacat en direction de Clark Field (situé sur l’île de Luçon aux Philippines) afin d’aller y chercher des Zero de remplacement. Au-dessus de Calapan, sur l’île de Mindoro, le Ki-49 est attaqué par deux F6F Hellcats de l’escadron VF-14 de l’USS Wasp et abattu. Nishizawa meurt en simple passager, probablement victime du lieutenant Harold P. Newell qui est crédité ce matin là d’une victoire sur un « Helen » au nord-est de Mindoro.
L’adjudant Hiroyoshi Nishizawa, meilleur as japonais, est tué à l’âge de 24 ans.
Après avoir appris sa mort, l’amiral en chef de la Flotte, Soemu Toyoda, honore Nishizawa en publiant une mention dans le bulletin des Armées et en le promouvant à titre posthume au rang de sous-lieutenant. Nishizawa reçoit également le nom posthume de Bukai-in Kohan Giko Kyoshi, une phrase zen bouddhiste pouvant se traduire par « Dans l’océan des militaires, reflet de tous les pilotes distingués, une honorée personne bouddhiste ». En raison de la confusion inhérente à la fin de la guerre dans le Pacifique, la publication du bulletin est reportée et les services funéraires ne peuvent avoir lieu avant le .
27 janvier 1944 : fin du siège de Leningrad (actuel Saint Pétersbourg).
Le siège de Léningrad est le siège de près de 900 jours imposé à la ville de Léningrad par la Wehrmacht au cours de la Seconde Guerre mondiale. Commencé le , le siège fut levé le par les Soviétiques, qui repoussèrent les Allemands malgré des pertes humaines colossales (1 800 000 victimes, dont près d’un million de civils).
Avec 872 jours, ce siège est le plus long de l’histoire moderne jusqu’à celui de Sarajevo au début des années 1990 (1 425 jours).
Le , afin de rendre hommage à ceux qui par leur action militaire ou civile ont contribué à repousser les troupes allemandes, le gouvernement soviétique a instauré la médaille pour la Défense de Léningrad.
27 janvier 1945 : libération du camp d’Auschwitz par les troupes soviétiques.
Auschwitz (en allemand : Konzentrationslager Auschwitz, « camp de concentration d’Auschwitz ») est le plus grand complexe concentrationnaire du Troisième Reich, à la fois camp de concentration et centre d’extermination. Faisant auparavant office de camp militaire, il est situé dans la province de Silésie, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Cracovie, sur le territoire des localités d’Oświęcim (Auschwitz en allemand) et de Brzezinka (Birkenau en allemand), annexées au Reich après l’invasion de la Pologne en .
Le camp de concentration, dirigé par les SS, est créé le à l’initiative de Heinrich Himmler ; il est complété par un centre d’extermination (dont la construction démarre à la fin de 1941) et par un second camp de concentration destiné au travail forcé (créé au printemps 1942). Ces camps sont libérés par l’Armée rouge le .
27 janvier 1967 : mort à 78 ans du Maréchal de France Alphonse Juin (Paris).
Il est l’un des grands chefs de l’armée de la Libération en 1943-1944 et il s’illustre surtout à la tête du corps expéditionnaire français en Italie qui, le , remporte la victoire du Garigliano, ouvrant les portes de Rome aux Alliés qui piétinaient devant le mont Cassin. Il est le seul général de la Seconde Guerre mondiale à avoir été élevé à la dignité de maréchal de France de son vivant, en 1952.
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Alphonse Pierre Juin est né le à Sainte-Anne dans la commune de Bône, (département de Constantine), chez son grand-père maternel Pascal Salini dans un milieu modeste, de Victor Pierre Juin, gendarme, d’origine vendéenne, et de Précieuse Salini, sans profession, d’origine corse. « Les hommes dira-t-il une fois général, ne se livrent qu’à ceux en qui ils se reconnaissent. Mon secret c’est d’avoir été du peuple comme eux, d’avoir vécu la vie du peuple, d’en connaître toutes les souffrances. »
il poursuit ses études au grand lycée d’Alger. Il réussit 7e sur 209 en 1909 au concours d’entrée de Saint-Cyr et sort major de la promotion de Fès de Saint-Cyr en 1912 « alors que dans une institution encore très imprégnée de l’esprit de caste… la condition populaire de la famille Juin n’est pas sans constituer un handicap… ». Il est perçu par le général Elie Verrier, commandant l’école, comme un « sujet d’élite remarquablement doué sous tous les rapports , modeste avec cela . Il doit faire un officier de tout premier ordre et d’avenir.» Font également partie de cette promotion, Antoine Béthouart et Charles de Gaulle. Juin sera d’ailleurs le seul à tutoyer le général de Gaulle lorsque celui-ci sera devenu président de la République.
Sous-lieutenant, Alphonse Juin est affecté au protectorat français du Maroc où, jusqu’en 1914, il participe aux opérations de pacification.
Lors de la Première Guerre mondiale, le lieutenant Juin participe, avec les troupes marocaines, au sein de la brigade marocaine du général Ditte, aux combats de la Marne, en . Grièvement blessé en Champagne, en mars 1915, il perd définitivement l’usage de son bras droit (c’est pourquoi il saluait de la main gauche). Il reste huit mois à l’hôpital, avant de retrouver le front. Nommé capitaine le , il combat ensuite au sein du 1er régiment de tirailleurs marocains. Au cours de la guerre, il est cité quatre fois et fait chevalier de la Légion d’honneur le .
En , il suit les cours d’état-major à Melun avant d’être détaché en octobre à la mission militaire française auprès de l’armée américaine et affecté au cours de perfectionnement des officiers de liaison du corps expéditionnaire américain. Breveté de l’École supérieure de guerre en 1921, il sert en Tunisie avant de rejoindre à la fin de l’année 1923 le Maroc, sous les ordres du maréchal Lyautey, où il participe à la campagne du Rif. À l’automne 1925, il rentre en France avec le maréchal Lyautey et travaille sous ses ordres au Conseil supérieur de la guerre. Promu chef de bataillon en 1926, il part l’année suivante rejoindre le 7e régiment de tirailleurs algériens à Constantine. En 1929, il est chef du cabinet militaire du résident général au Maroc, Lucien Saint, et prend une part active à la réalisation de la dernière phase du plan de pacification de l’Atlas. Lieutenant-colonel en , il devient professeur de tactique générale à l’École supérieure de guerre en 1933 avant d’être affecté comme commandant en second au 3e régiment de zouaves à Constantine. Il prend le commandement de ce régiment le . En juin, il est promu colonel. En 1937, il est affecté auprès du résident général au Maroc, le général Noguès, et suit parallèlement les cours du Centre des hautes études militaires.
Toute sa vie, Alphonse Juin entretiendra un rapport charnel avec le Maghreb : « j’en suis de ce peuplement, et par toutes mes fibres. »
Promu général de brigade, le , il est affecté à l’état-major du théâtre d’opérations d’Afrique du Nord. Cette affectation ne lui plait guère. L’inaction à Alger lui pesant, il demande à recevoir un commandement sur le front français. Il se voit confier le commandement de la 15e division d’infanterie motorisée, une des meilleures unités de l’armée. Couvrant la retraite sur Dunkerque, cette unité est encerclée dans la poche de Lille et combat avec le groupement du général Molinié jusqu’à l’épuisement de ses munitions. Juin est fait prisonnier et interné à la forteresse de Königstein où il participe au groupe d’études consacré aux questions économiques et sociales. Il est nommé général de division durant sa captivité.
Dans le contexte des pourparlers pour les accords de Paris négociés par Darlan avec l’Allemagne, il est libéré le 15 juin 1941 à la demande du gouvernement de Vichy comme d’autres officiers réputés pour leur connaissance de l’Afrique. Précisément, il avait été repéré par Charles Huntziger qui l’avait recommandé à Jacques Benoist-Méchin alors secrétaire d’État aux rapports franco-allemands, qui l’inscrit ainsi dans le premier protocole, en tête des 961 officiers dont la France demandait la libération au titre de complément d’effectifs de son Armée d’Afrique.
Comme il est pétainiste et antigaulliste, sa nomination comme ministre de la Guerre est envisagée par Vichy. Il est finalement nommé le adjoint au général commandant supérieur des troupes du Maroc le général Noguès, puis le général de corps d’armée, commandant en chef des forces d’Afrique du Nord où il remplace le général Weygand dans ses fonctions militaires, mais non dans toutes ses fonctions de proconsul.
Alphonse Juin prend ainsi une part prépondérante dans la préservation de l’Armée d’Afrique initiée par Weygand : « Forger l’esprit de revanche en préparant la remilitarisation de différents éléments de l’armée, le rappel collectif et individuel des réservistes et des appels de volontaires, le déstockage et la réparation des matériels clandestins tel est bien l’esprit impulsé par Weygand et que continuera Juin son successeur, à partir du 20 novembre 1941. »
Le , avec le délégué général du gouvernement de Vichy Fernand de Brinon, il est convoqué à Berlin par Göring. L’historien Robert Paxton parle de cette rencontre comme d’un dialogue de sourds. Göring demande que les Français explicitent « clairement leur intention » de laisser l’Axe utiliser la base de Bizerte en Tunisie et accordent à Rommel, alors en campagne en Libye, « une liberté de mouvement de nature à lui faciliter la poursuite des combats, peut-être avec les Français à ses côtés ». Juin insiste pour que les Allemands autorisent les troupes françaises à renforcer leur armement en Afrique pour mieux défendre l’empire français, particulièrement au sud de la Tunisie. Juin promet que les forces de Rommel ne seront pas retenues le long de la frontière tunisienne. En fin de compte, Göring, loin d’être satisfait indique que les demandes françaises d’augmenter l’armement de l’armée d’Afrique resteront conditionnées à la satisfaction des demandes allemandes en Tunisie.
Juin a signifié à son ministre de la Guerre Bridoux qu’il « ne souhaite pas entrer dans la voie vers laquelle tendent les Allemands des commissions d’Afrique du Nord et qui pourraient mener la France à la collaboration militaire ». En Algérie personne ne doute que, dans son for intérieur, Juin n’admet pas l’occupation de la métropole par les Allemands et qu’il voudrait éviter un tel destin à l’empire. Le consul américain à Casablanca est informé des probables sentiments de Juin. On lui dit que Juin « ne tiendrait probablement pas sa parole » si les Allemands envahissaient l’Afrique du Nord.
Ainsi, lorsque le , l’ensemble des officiers de l’armée d’Afrique sont surpris par le débarquement allié en Afrique du Nord, Alphonse Juin est tiraillé entre ses sentiments anti-allemands et son sens de la discipline vis-à-vis des autorités de Vichy. N’a-t-il pas également déclaré à Bridoux en que ses troupes « feraient loyalement leur devoir contre tout agresseur, quel qu’il soit » ? Par l’intermédiaire de son subordonné le commandant Dorange, Juin, qui ne se doute pas qu’un débarquement américain est imminent, est entré en contact avec le consul américain d’Alger Robert Murphy pour demander comment, en cas d’agression allemande, les États-Unis réagiraient à une demande d’aide massive de la part de la France. À cette occasion, il avertit également Murphy qu’il donnerait l’ordre à ses troupes de résister si les États-Unis attaquaient en premier, sans provocation allemande.
Les premières nouvelles du débarquement allié en Afrique du Nord atteignent Juin dans les premières heures du , peu après minuit, lorsque les hommes du général Mast, un de ses subordonnés impliqué dans les préparatifs de l’opération avec les Américains, prennent le contrôle des points forts de la ville d’Alger. Sa résidence est encerclée par un groupe de jeunes lycéens commandés par l’aspirant de réserve Pauphilet, agissant avec un groupe de 400 résistants mal armés.
Juin, destinataire d’une lettre de Roosevelt lui demandant d’accueillir les troupes alliées en amies, rejette cette demande présentée par le consul Murphy, et se retranche derrière l’autorité de l’amiral Darlan, ancien vice-président du Conseil resté commandant en chef des forces militaires et qui est alors présent à Alger. Libéré au matin par la garde mobile, il organise la reconquête de la ville contre les résistants, mais, convaincu que la partie est jouée, ne fait rien pour rejeter les Alliés. À 17 h 30, il signe avec l’accord de l’amiral Darlan une suspension d’armes limitée à la place d’Alger, où l’on dénombre 13 morts français.
Mais ce premier cessez-le-feu concernait seulement Alger : Darlan et Juin, désormais entre les mains des Alliés, allaient refuser pendant trois jours de donner l’ordre de cessez-le-feu à leurs subordonnés d’Oran et du Maroc, où le combat sanglant entre Français et Alliés allait se poursuivre inutilement. Ce fut seulement à la suite des pressions particulièrement vigoureuses du général Clark que Juin et Darlan finirent, trois jours plus tard et sous la menace, par ordonner le cessez-le-feu à leurs subordonnés d’Oran et du Maroc.
Ainsi, ce même 8 novembre 1942, à Oran et au Maroc, les généraux Boisseau et Noguès, subordonnés de Juin, qui n’ont pas été « neutralisés » comme à Alger, accueillent les Alliés à coups de canon. Juin ordonne aux forces françaises de maintenir « un contact élastique, sans agressivité ». Dans l’après-midi du , à 17 h 35, Darlan décharge Juin de son autorité en dehors de la région d’Alger et charge Noguès de la défense du Maroc et le général Barré de la défense de la Tunisie. Juin rend compte qu’il « s’efforcera d’exécuter les ordres du maréchal, mais qu’étant entre les mains des Américains, il ne peut que laisser l’entière initiative aux commandants des théâtres est et ouest ». Le , après avoir appris, vers midi, l’invasion de la zone libre par les Allemands, il fait savoir à ses subordonnés que « dès réception du présent message, la position de neutralité vis-à-vis de l’Axe cesse ».
Juin donne enfin, le , l’ordre à l’armée de Tunisie repliée sur la frontière algérienne de faire face aux Allemands, mais son chef, le général Barré, attendra jusqu’au pour reprendre le combat. L’armée de Tunisie renforcée par des éléments alliés allait alors se battre, mais le coût humain pour reconquérir le protectorat allait être très élevé.
Juin, sous l’autorité de Darlan, qui s’est proclamé haut commissaire de France en Afrique, puis du général Giraud, reçoit le commandement des forces françaises engagées en Tunisie. Celles-ci contribuent, au prix de lourdes pertes, à l’anéantissement des forces de l’Axe et de l’Afrika Korps de Rommel.
Dans le cadre des mesures d’épuration dans l’armée, une Commission spéciale d’enquête de Tunisie, présidée par le doyen de la faculté de droit d’Alger Viard, est créée le pour établir les conditions dans lesquelles les forces armées de l’Axe ont pu pénétrer en Tunisie en novembre 1942, et déterminer les responsabilités encourues par les autorités civiles et militaires au cours de ces événements. La Commission estime que Juin « est responsable en sa qualité de commandant en chef depuis le 10, de ce que les forces de l’Axe ont pu pénétrer en Tunisie sans rencontrer la moindre résistance ». Le 11 avril 1944, alors qu’il prépare sa grande victoire du Garigliano, il fait porter à de Gaulle deux mémoires en défense, dont l’un avec sa compilation d’ordres durant cette période et l’autre qui explique la situation du moment : présence de Darlan à Alger, ingérence directe de Vichy dès le 8 au soir, opération Torch des alliés dont il n’a pas été prévenu (pas plus que de Gaulle qui en fut « évincé » selon l’historien Jean-Baptiste Duroselle). « Dans cet imbroglio, écrit-il, j’ai confiance d’avoir fait tout le possible pour entraîner dans la grande voie du salut qui lui était offerte. J’ai été le seul à le faire. » Seulement quatre jours plus tard, de Gaulle lui répond : « Tu n’as rien à appréhender quant au passé. »
En 1943, Juin est nommé par de Gaulle à la tête du corps expéditionnaire français en Italie, qui comprend quatre divisions (en tout 112 000 hommes). Préalablement, au mois d’octobre, avec le général Patton, alors privé de commandement, Juin a été chargé d’une curieuse mission spéciale en Corse, peu après la libération de l’île, à la demande du général Eisenhower, chef des opérations en Méditerranée. Il s’agissait d’une reconnaissance destinée à leurrer les Allemands sur un possible débarquement allié depuis l’île dans le golfe de Gênes ou en Toscane. Ce voyage prit des allures de voyage touristique. Au retour à Alger, Juin rejoint l’Oranie et son corps, avant de s’embarquer pour Naples.
Au printemps 1944, il fait adopter par les Alliés un plan de manœuvre audacieux. En effet, il brise la ligne Gustav en enveloppant le mont Cassin avec notamment les tabors marocains du général Guillaume et le 4e régiment de tirailleurs tunisiens. La bataille de Monte-Cassino révèle le génie militaire du général Juin qui en lançant un assaut d’infanterie légère pour déborder la position allemande sur ses flancs remporte un succès total, au contraire du général américain Clark qui, en tentant un assaut frontal d’infanterie lourde précédé d’un catastrophique bombardement du monastère, envoya à la mort sans aucune utilité près de 1 700 soldats. Pour marquer la haute estime et la vive admiration dans lesquelles le général Juin est désormais tenu par les alliés, le général Harold Alexander lui adresse le message suivant deux semaines après le début de l’offensive du Garigliano le : « Ai reçu de Sa Majesté le roi George VI un message me demandant de vous transmettre les félicitations les plus chaleureuses de Sa Majesté pour votre remarquable contribution à nos récents succès. Je suis chargé de vous faire savoir que c’est avec un grand plaisir que Sa Majesté vous a décerné le titre de Compagnon de l’Ordre du Bain. »
Les crimes commis en 1944 en Italie, spécifiquement au Latium et en Toscane, sont des viols en masse et homicides commis sur les populations civiles par des éléments de l’armée d’Afrique qui servaient sous les ordres du général Juin lors de la bataille de Monte Cassino, en Italie. Ils sont surnommés en Italie les « marocchinate » (littéralement « maroquinades », en référence à l’origine marocaine de nombreux soldats du corps expéditionnaire français en Italie). Jugeant suspecte la vigueur de la réaction italienne, Juin dénoncera dans une lettre adressée le 22 juillet 1944 au général Clark une « manoeuvre habilement orchestrée dont le but est de discréditer les troupes françaises et de jeter partout une ombre sur la page de gloire qu’elles ont ouverte en Italie ».
Après cette bataille, Juin repousse les Allemands de la tête de pont sur le fleuve Garigliano et descend dans la plaine avec ses troupes. Il prend une part active dans l’offensive sur Rome, bien que lui-même eût préféré rechercher une bataille d’anéantissement des Allemands plus à l’Est. Il libère dans les premiers jours de juin les faubourgs orientaux de la Ville éternelle et entre dans la capitale aux côtés de Clark. Puis, Juin prend Sienne. En juillet, appelé à Alger comme chef d’état-major de la Défense nationale, il transmet le commandement de ses troupes au général de Lattre, qui les conduira durant le débarquement de Provence. En tant que chef d’état-major (il le restera jusqu’en 1947), il est en communication avec de Gaulle et avec le Quartier général des forces alliées en Europe (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force ou SHAEF) bien que le général Koenig soit le principal représentant français au SHAEF. Le , il entre aux côtés du général de Gaulle dans Paris libéré.
À l’été 1945, le général Juin a l’intention de venir témoigner au procès du maréchal Pétain, sous réserve de l’autorisation du général de Gaulle. Il se voit dans l’impossibilité de le faire, ce dernier l’ayant envoyé intentionnellement en mission en Allemagne. Il adresse un témoignage écrit en faveur du maréchal à maître Isorni alors que les avocats avaient souhaité sa déposition orale.
Au printemps 1947, dans la foulée du discours de Tanger du sultan du Maroc Sidi Mohammed, le gouvernement français choisit ce pied-noir d’origine pour remplacer le Résident général Eirik-Labonne, qui vient d’être limogé pour faiblesse. Chargé de mettre le sultan au pas, y compris en employant la manière forte, il s’oppose au sultan et au parti nationaliste, notamment en s’appuyant sur Thami El Glaoui, pacha de Marrakech, qu’il laisse marcher vers Rabat à la tête de cavaliers berbères dans un geste de défi au sultan. Il menace même de destituer Sidi Mohammed mais le ministre des Affaires étrangères Robert Schuman s’oppose à une telle éventualité. En septembre 1951, il est remplacé par le général Guillaume, commandant en chef des forces françaises en Allemagne, qu’il impose au gouvernement, menaçant de démissionner de sa nouvelle fonction de commandant en chef du secteur Centre-Europe de l’Otan si le gouvernement n’obtempère pas. Guillaume poursuivra la même politique que Juin — intransigeante et peu respectueuse des instructions du gouvernement — et placera ce dernier devant le fait accompli en destituant d’autorité Sidi Mohammed en août 1953.
Durant ces années, il est sollicité par les gouvernements successifs qui aimeraient le voir revenir en Europe notamment pour exercer le commandement des forces terrestres de la nouvelle Union occidentale, propositions qu’il refuse.
En mars 1952, alors qu’il s’est toujours tenu à l’écart de la politique, il critique ouvertement le fonctionnement du régime, notamment pour ce qui concerne la question du réarmement. Peu de temps après, il commet un autre éclat en réclamant le transfert des cendres de Pétain à Douaumont. Ses déclarations provoquent des frictions avec les gouvernements en place, mais Juin se garde de tout aventurisme politique.
Le , il reçoit le bâton de maréchal de France sous l’impulsion de son ami le général Chambe, et par l’entremise du gendre de celui-ci, Guy Jarrosson, député du Rhône. Le , il est élu à l’Académie française où il est reçu en . Il succède à Jean Tharaud et, fait unique dans les annales de l’institution, il critique son aîné François Mauriac pour ses prises de position au sujet du Maroc.
D’août 1953 à septembre 1956, il est Commandant en Chef Centre-Europe (CINCCENT) et prend le Commandement des Forces alliées en Centre-Europe (AFCENT) de l’OTAN (dont le commandant suprême est le général général Ridgeway successeur d’Eisenhower).
En mars 1954, il condamne le projet d’Armée européenne sans prévenir le gouvernement dont il est officiellement le conseiller militaire. Le Conseil des ministres décide alors de lui retirer la vice-présidence du Conseil supérieur de la Défense nationale et de ne plus lui soumettre pour avis les nominations des officiers généraux.
En 1954, il cautionne la politique libérale de Mendès France en Tunisie, notamment quand il accompagne le président du conseil lors du discours de Carthage prononcé le 31 juillet 1954 sur le sol tunisien. Mais au cours de l’année 1955, il s’oppose à l’indépendance du Maroc.
Le général Jean Valluy lui succède en 1956 au poste de Commandant en chef du secteur Centre-Europe de l’OTAN.
27 janvier 1968 : naufrage du Minerve (au large de Toulon).
Au cours d’un exercice avec un avion Atlantic, le sous-marin Minerve, commandé par le lieutenant de vaisseau Fauve, disparaît corps et biens au large du cap Sicié par 2000 mètres de fonds avec 50 hommes d’équipage.
C’est le dernier jour d’entraînement pour la Minerve. En début de journée, à 1 h 15, dans la rade des Vignettes devant Toulon, le sous-marin débarque l’officier d’entraînement de l’escadrille, le lieutenant de vaisseau Marc Merlo, qui a supervisé le degré d’entraînement de l’équipage depuis le 21 janvier. Au terme de cette semaine de stage de mise en condition opérationnelle suivant la prise de commandement du lieutenant de vaisseau Fauve, l’équipage est peut-être fatigué. Le sous-marin fait route vers le secteur T-65, qui lui est attribué jusqu’à 20 h 00 afin d’effectuer des exercices avec un avion de patrouille maritime Breguet Atlantic. Il s’agit essentiellement de calibrer le radar de l’aéronef. Le sous-marin navigue à une vitesse d’environ sept noeuds, à l’immersion périscopique. Ayant décollé à 6 h 54 de Nîmes-Garons, l’Atlantic prend contact à 7 h 19 avec le sous-marin. Il se trouve à vingt-cinq nautiques des côtes.
Les mauvaises conditions météorologiques et les mauvaises liaisons par radio U.H.F. conduisent à réduire l’exercice à deux passages et à la seule calibration du radar de l’avion. À bord de la Minerve l’équipage s’active pour le changement de quart de 8 h à 12 h. À 7 h 55, naviguant à l’immersion périscopique et au schnorchel comme prévu par l’exercice, dans une forte houle, à environ 25 nautiques de la base de Toulon, le sous-marin, par la voix du second-maître radio Nicolas Migliaccio demande à l’avion la confirmation de la fin de l’exercice conjoint. Le contact radio cesse d’une manière qualifiée « d’abrupte » par le rapport d’enquête. C’est le dernier message émis par le sous-marin qui coule par des fonds de l’ordre de 2 000 mètres de profondeur (sa limite de sécurité de plongée étant à 300 mètres).
La dernière position relevée et connue du sous-marin est au 42° 40′ N, 5° 57′ E.
Le Breguet Atlantic fait route vers sa base à 8 h 9, après deux appels par radio sans aucune réponse du sous-marin.
Dans la journée du 27 janvier, les contacts par radio planifiés par vacations de la base sous-marine de Toulon restent également sans réponse.
Le sous-marin devait rentrer à Toulon à 21 h, n’ayant plus de secteur de plongée après 20 h.
L’absence est relevée à 1 h, le , alors même que l’heure maximale de retour était donc fixée à 21 h (+ 4 h de tolérance) la veille ; l’alerte « sous-marin disparu » est lancée à 2 h 15. Le matin, les familles sont directement prévenues de la disparition du bateau. La presse diffuse l’information dès le à midi ; le drame rencontre un écho considérable dans les médias.
Bonjour
« 27 janvier 1973 : signature du cessez le feu entre USA et Vietnam (à Paris) »
Signature entre les USA et le VietNam du Nord
Le VietNam du Sud existait et faisait partie des belligérants
Cordialement