samedi 14 septembre 2024

De la violence et de l’incapacité de l’Etat à faire face

Semaine où l’arme blanche trouve sa place dans l’expression d’une violence incontrôlée que ce soit à Jérusalem, en Allemagne … ou en France. Que ce soit l’acte de déséquilibrés contre un enfant en France, de jeunes entre eux ou de djihadistes contre des militaires agressés en France en 2015 ou au Royaume-Uni en 2013, d’individus insurgés comme à Jérusalem ou racistes comme en Allemagne, … il serait temps de réagir et … d’interdire par une loi la vente de couteaux pouvant blesser ou tuer. Je plaisante bien entendu.

Cependant, une arme blanche ne suffit-elle pas à instaurer l’insécurité et ne donne-t-elle pas à chacun la possibilité d’exercer le pouvoir de la violence physique, y compris en versant le sang ? Le retour du sabre et de l’égorgement dans les exécutions djihadistes qui sont mises en scène, contribue aussi à ce retour du pouvoir psychologique de l’arme blanche, symbole du combat au corps à corps, bien loin de l’affrontement technologique qui est conduit à distance par nos sociétés psychologiquement fragiles devant le contact physique. Rappelez-vous les commentaires horrifiés suite à un combat au corps-à-corps, à l’arme blanche entre soldat français et taliban qui aurait eu lieu lors de l’embuscade d’Uzbin en 2008 (Cf. le Figaro du 5 septembre 2008).

De la violence tolérée par impuissance

La question ne réside pas tant dans l’outil de mort que dans la facilité donnée au sein de notre société à l’individu ou au groupe à basculer dans la violence physique dès lors qu’il est en opposition avec cette société : jeunes dans la cité suite à des interpellations policières, syndicalistes à Air France, gens du voyage bloquant l’autoroute du Nord cet été et commettant de lourdes dégradations, radicalisés djihadistes… Bien sûr, la justification de l’acte par ces acteurs de violence est le refus de la société d’écouter leurs « justes » revendications. Le fait de ne pas les écouter est interprété alors comme un acte de violence « justifiant » cette violence physique. Il est vrai aussi que des manifestations pacifiques n’aboutissent pas à grand-chose alors que la violence exprimée lors ces occasions peut obtenir des résultats. Les exemples sont nombreux pour de nombreuses catégories sociales : agriculteurs, bonnets rouges…

Pourtant, écouter ces revendications violentes, souvent dans le cadre de l’émotion médiatique, soutenues par le quidam, des associations, sans oublier les bien-pensants certes en perte de vitesse, doit-il signifier qu’elles soient vraiment justifiées ou légitimes ? Croire que la violence physique, en l’occurrence interdite dans une société civilisée, permettra d’avoir gain de cause et surtout qu’elle sera bien souvent impunie, n’est-ce pas la preuve de la dégradation de l’autorité sous toutes ses formes qui se poursuit dans notre société ?

Hormis la violence existant à l’état naturel chez certains individus, seulement contrôlable par leur mise à l’écart de la société par exemple en prison, à condition qu’ils ne soient pas libérés avant la fin de leur dette pour ne pas affaiblir la sanction, plusieurs causes peuvent expliquer cette situation de faiblesse.

Je pourrai évoquer l’éducation donnée par les parents, une école en reconstruction permanente et aux résultats bien inégaux, le manque d’exemplarité des uns et des autres, des lois nombreuses qui ne visent plus l’organisation de la vie en commun mais accumulent les mesures favorables à l’individu au détriment de la collectivité au point de laisser poindre un grand sentiment d’iniquité, l‘opposition de groupes à la puissance de l’Etat, l’affaiblissement des institutions par leur désacralisation, le manque de courage surtout dans l’application des lois notamment en refusant l’usage de la force légitime et légale. Il faut en effet soulever aujourd’hui cette  problématique de la violence autorisée et nécessaire lorsque l’autorité de l’Etat est en faillite.

Le bidonville de Calais, la remise en cause de l’autorité de l’Etat

Des cas concrets ? Je n’en donnerai qu’un mais révélateur : le bidonville de Calais, ville d’illégaux de 6000 personnes organisées en communauté « nationale » d’origine, où se construit aujourd’hui magasins, bâtiments… Je pense que bientôt il y aura l’élection d’un conseil municipal, d’un maire qui sera l’interlocuteur des autorités françaises, la présence d’une police locale ethniquement représentative, d’une école, d’un dispensaire en dur, de lieux de culte….

Je constate que l’Etat français n’est plus capable de faire appliquer son autorité. Pourquoi voulez-vous qu’un citoyen français, en règle, applique les lois de la République si cette même République s’abritant derrière des valeurs inapplicables, entravée par ses contradictions ne peut plus imposer sa volonté sur une partie du territoire français ? N’est-il pas temps de rétablir l’autorité de l’Etat ? La grogne des forces de sécurité rejoint cet état de fait : pourquoi intercepter des délinquants ou des clandestins pour les voir remis en liberté ? Les reportages qui se succèdent sur Calais confirment cette situation d’impuissance.

Du recours nécessaire de la force légale et légitime pour dissuader et affirmer l’autorité de l’Etat

A défaut, pour assurer la sécurité et éviter des actions de plus en plus audacieuses des clandestins, si la peur du policier et du gendarme n’exerce plus son rôle dissuasif, si les sanctions de la justice ne signifient plus rien, ne faut-il pas passer au niveau supérieur ? Ainsi, transformer la zone d’approche du tunnel sous la Manche en « zone sensible » autorisant l’ouverture du feu sur tout franchissement des clôtures après les sommations réglementaires et des règles strictes d’engagement, mais applicables donc dissuasives, seraient bien plus efficaces. Cela signifie aussi de revoir le contrôle des axes d’accès et l’interception des illégaux qui ne peuvent pas rester en liberté et en Europe. A terme, Calais ne serait plus un lieu à rejoindre compte tenu des risques réels encourus.

Politiquement, il faudra certes assumer les premiers incidents, éventuellement les décès, défendre cette politique d’autorité contre les associations, l’opposition du moment, les accusations d’atteintes aux droits de l’homme, les mesures juridiques de contestation avec bien entendu le recours final au CEHD.

Rassurez-vous. Cet appel à l’autorité forte et au recours à la force légale et légitime a peu de chances aujourd’hui d’être soutenu bien que tout soit possible… si je me réfère au recours à la légitime défense en Syrie (Cf. Mon billet du 11 octobre 2015) pour frapper militairement des ressortissants français présupposés préparer une action terroriste contre la France, frappes préventives ou préemptives contestées hier pour d’autres Etats (Cf. site).

La sensibilité de la gauche sur ces thèmes est connue. Pourtant, ce débat ne semble pas avoir d’effets sur l’opinion publique bien plus réaliste et confirme ce grand déphasage avec le peuple. La bien-pensance de gauche s’efforce néanmoins de se réaffirmer. Elle s’exprime semaine après semaine avec complaisance par exemple dans le Monde (Cf. Le Monde du 16 octobre et numéros précédents) avec ce regret sur la disparition des intellectuels de gauche. Mais est-il bien justifié vu ce qu’ils ont écrit et surtout suscité comme facteurs d’affaiblissement de la Nation ?

Sans affirmer qu’il y ait des intellectuels de droite, les idées qui semblent revenir aujourd’hui seraient plutôt l’expression de la raison et d’un certain nombre de valeurs : souveraineté, société respectueuse des individus mais exerçant un minimum de contrôle social, affirmant le respect du travail et une juste rémunération, le respect envers ceux qui font avancer la France, le devoir de mémoire envers ceux qui ont fait la France.

Le débat sur l’importance du roman national pour l’unité de la Nation a été significatif. Globalement, c’est le refus du déclassement, de la perte de notre identité. Ce n’est pas du « déclinisme », terme utilisé pour stigmatiser ceux qui veulent mobiliser les énergies, et par opposition, pour valoriser ceux de « progrès », sinon de « progressisme » par nos élites. L’état de la France montre que ce progrès affiché est un leurre et plutôt une régression. Aujourd’hui, c’est la mobilisation qui est nécessaire. Dénoncer l’affaiblissement de la France répond à cet objectif.

Pour en revenir à l’usage de la force sur le territoire national dans des cas précis, il faudra beaucoup de courage et de pédagogie si une telle mesure devait être prise à Calais. Cependant, pourra-t-on l’éviter encore bien longtemps ? Comment croire que les Français continueront à accepter les défaillances de l’Etat et l’affaiblissement de son autorité qui se fait au détriment de la majorité des citoyens ?

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
ARTICLES CONNEXES

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Merci de nous soutenir !

Dernières notes

COMMENTAIRES RÉCENTS

ARCHIVES TB