dimanche 1 décembre 2024

Du courage et du discernement dans l’action face aux transgressions

La semaine écoulée incite à se poser la question du courage et du discernement dans l’action et face aux transgressions constantes aux règles de fonctionnement de la société.

Prenons les grèves actuelles conduites par des syndicats qui veulent lutter contre leur affaiblissement progressif. Ils ne représentent que 7,7% de la population active dont la majorité dans le public (c’est plus facile : Éducation nationale, 24 % de syndiqués, RATP 18 %, La Poste-France Télécom 18 %..).

Comment accepter que des secteurs clés, donc stratégiques, de la société soient à la merci de la capacité de nuisance d’un syndicat comme la CGT, conservateur, prônant une idéologie du passé ? Comment comprendre que ce syndicat puisse contrôler les capacités de raffinage en France, les chemins de fer, une partie de la fonction publique, les ports ? Quel manque de discernement de nos politiques depuis des années en laissant entre les mains d’organisations au passé et à l’esprit plutôt révolutionnaires ces secteurs clés ? Le temps du changement et du courage ne serait-il pas venu pour laisser la place aux syndicats réformistes et à un syndicalisme adapté à ce siècle ?

Ces syndicats ne sont-ils pas d’ailleurs partie prenante dans l’installation du chaos en organisant les manifestations qui finissent par des débordements violents ? Une des composantes de la CGT a sorti une affiche scandaleuse contre des « violences policières » oubliant sans doute que les forces de sécurité réagissent aux actes de violences et non l’inverse. Or, cette affiche emporte manifestement le soutien des membres de la CGT (Cf. Libération du 19 avril 2016) et aucune excuse de sa direction nationale n’est venue sauf erreur de ma part. Quel manque de discernement de ce syndicat qui cautionne de fait les débordements violents de l’extrême-gauche, même si des « divergences » sont apparues durant les manifestations.

Les mouvements d’extrême-gauche ne sont pas interdits malgré leurs débordements répétés. Il est vrai que le passé d’une partie de nos gouvernants donne à ces derniers une sensibilité positive à ces « jeunes » qui « s’expriment ». Cette mansuétude n’a pas toujours été le cas pour les extrémistes de droite. Deux poids, deux mesures. Quel manque de discernement sinon de courage de l’exécutif. Aucun extrémisme n’est acceptable en démocratie.

Pour les commémorations de Verdun, nous avons heureusement échappé au rappeur antifrançais invité par la municipalité PS de Verdun. Comment peut-on cependant imaginer un tel manque de repères de la part d’un élu concernant un tel événement ? Faire interpréter des œuvres musicales françaises et allemandes, chantées ou instrumentales par des Allemands et des Français n’aurait-il pas été plus approprié ? Quel manque de discernement inquiétant pour notre société.

Face aux enragés des manifestations, comment comprendre qu’un tribunal administratif ait annulé des interdictions (9 sur 11) de participer aux manifestations d’individus déjà qualifiés de dangereux et violents dont un sera l’un des auteurs de la tentative de meurtre sur nos policiers le 19 mai ? Même si elle a répondu aux demandes du ministère de l’intérieur concernant uniquement le 18 mai et non le 19 mai (pourquoi d’ailleurs le ministère de l’intérieur n’a-t-il pas réitéré ses demandes pour chaque jour de manifestions ?), la justice n’aurait-elle pas fait preuve d’un manque de discernement et d’ailleurs ne serait-il pas utile qu’elle rende des comptes pour les tentatives de meurtres à l’encontre des deux policiers agressés dans leur véhicule ? N’est-elle pas indirectement responsable ?

Nous pourrions aussi nous poser la question de ces individus qui peuvent défiler masqués  sur la voie publique dans la situation de l’état d’urgence. Cela est bien interdit pour des femmes en niqab et pas dans ce contexte juridique… On pourra toujours se poser aussi la question du droit de manifester pendant l’état d’urgence mais cela n’a pas l’air de poser problème sur cette contradiction en période d’insécurité.

Sur le courage, comment ne pas être admiratif devant ces deux policiers agressés par les enragés ? Les décorer rapidement a été une bonne mesure et la nomination de l’adjoint de sécurité Kevin Philippy proposée par le ministre de l’intérieur au grade supérieur suite à cette « action d’éclat au feu » est méritée et exemplaire.

Reste enfin la question du discernement et du courage face à deux autres événements. Ainsi, les images diffusées sur la tentative d’intrusion d’enragés au musée de l’Armée aux Invalides, me mettent mal à l’aise tout comme les insultes contre les militaires. J’ai eu le sentiment d’une grande impréparation à faire face à une telle situation. Deux militaires ont été blessés. Compte tenu de la sensibilité du lieu, si les enragés étaient entrés, qu’auraient dû faire les gendarmes et les militaires armés présents ? Tirer ? Le discernement et l’intelligence de situation ont bien été mis à l’épreuve mais ne sommes-nous pas passés près d’un drame ?

Cela permet de revenir sur le second événement qui s’est passé dans le RER à Juvisy-sur-Orge ce samedi (Cf. Le Parisien du 21 mai 2016). Un soixantenaire fait la remarque à un « jeune » au sein d’une bande qu’il doit cesser de fumer dans le wagon. Cela se termine par un affrontement et un jeune qu’il poignarde à mort avec un couteau suisse.

Or, tous les jours ou presque, le francilien subit cette transgression des règles de la vie en communauté sur cette ligne ou une autre. Cela fait bien longtemps que, prenant sur moi, je ne fais plus de remarques, ou rarement sur cette ligne car d’une part, personne n’en fait ou ne soutiendra cette action, d’autre part que le fumeur, y compris de joint, est rarement seul. Rapidement l’agressivité de l’admonesté, fille ou garçon, explose. De fait, la notion de proportionnalité toujours évoquée dans notre société et de légitime défense pour modérer les rapports de forces dans ce contexte ne peut permettre la simple admonestation quand on est en infériorité numérique ou face à une violence explosive de plus en plus fréquente. Donc, le courage trouve ses limites et pose aussi la question du recours à la force par le citoyen.

Alors qu’appelle-t-on le courage ? Sans aucun doute, la fermeté qui fait supporter ou braver le péril, la souffrance, les revers. Cependant, à quel moment le courage fait-il place à la lâcheté, à la démission ou au calcul, à la raison en fonction du contexte ?

Le discernement se définit alors comme la faculté de bien apprécier une situation. La situation d’insécurité et de chaos dans laquelle la France se trouve aujourd’hui, n’est-elle pas le reflet d’un manque de courage à moins qu’elle ne soit le fait d’un calcul politique abondé par des témoignages de terrain ? N’est-il pas temps de faire preuve d’un courage non calculateur mais efficace et déterminé, qui signifie en accepter les conséquences, de ne pas céder aux menaces par exemple des syndicalistes sur le durcissement de la situation, en fait rétablir l’ordre à moins que le chaos ne soit pas suffisant et qu’il doit être étendu.

La question est de savoir cependant quand l’action « disproportionnée » surviendra, forces de sécurité intérieure et militaires étant usés par des semaines d’harcèlement, de manifestations non contrôlées, je dirai même non réprimées, malgré des déclarations et des mesures tardives. Car il faudra bien en arriver là pour ne pas laisser un chaos permanent s’installer et cristalliser les mécontentements et les exaspérations, l’incident de Juvisy pouvant bien en être un signe avant-coureur. La transgression ne doit pas devenir le mode de vie d’une minorité s’imposant à la majorité des citoyens.

Finissons sur un point positif. Le sénateur Jean-Vincent Placé (admirateur de Napoléon) a fait une demande pour rejoindre la réserve citoyenne et semble-t-il au titre des forces spéciales (Cf. L‘Opinion). Je l’avais rencontré et discuté avec lui lors d’un cocktail du 14 juillet dans l’Essonne, notre département d’appartenance. Bien éloigné de la caricature écologiste, les questions militaires l’intéressaient. Si c’est effectivement pour travailler au profit de la défense nationale qui concerne tous les citoyens, ce volontariat est le bienvenu et devra être utilisé au profit de l’institution militaire.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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