Le 31 janvier 1917, l’Allemagne a annoncé son intention de mener la guerre sous-marine à outrance. Le 3 février, les États-Unis rompent leurs relations diplomatiques avec l’Allemagne. Trois mois plus tard, le 2 avril 1917, le Congrès américain vote la déclaration de guerre à l’Allemagne à la demande du président Wilson, réélu en novembre 1916, sur le slogan : « Il nous a maintenu en dehors de la guerre » (1). La masse américaine, réputée pacifiste dans sa majorité, approuve une décision qu’elle eût trouvée scandaleuse six mois plus tôt. Pourquoi un tel renversement d’opinion et une telle décision ?
La guerre sous-marine à outrance, qui coûte trois bateaux de commerce à la flotte américaine en mars 1917, avait sans aucun doute ulcéré l’opinion d’outre-Atlantique, fournissant à Wilson une bonne occasion d’intervention. Déjà, en 1916, le budget naval en très forte augmentation afin de renforcer la sécurité du commerce américain avait marqué la volonté du pays de se faire respecter. Mais il a fallu davantage pour obtenir la décision de Wilson. Le 24 février 1917, l’Intelligence Service britannique transmet au président Wilson le texte d’un télégramme officiel allemand, qu’il a déchiffré, adressé par le ministre allemand Zimmermann à l’ambassade allemande à Mexico. Le Mexique est alors déchiré par la guerre civile, mais le désir mexicain de récupérer des territoires conquis par les Yankees en 1845 est général. En offrant son aide aux Mexicains pour réaliser cet objectif, l’Allemagne entend faire peser une menace sur les États-Unis et les inciter ainsi à garder l’Amérique centrale comme pivot de leur politique extérieure, donc à s’écarter d’une intervention en Europe. La publicité donnée par Wilson à ce télégramme, le 1er mars, a un effet contraire à celui escompté par les Allemands, car la menace germano-mexicaine frappe l’orgueil américain notamment dans l’Ouest, et pousse l’opinion publique américaine à réagir violemment.
Enfin et surtout, le contexte financier et commercial conduit vers l’intervention. Même si la presse américaine n’a pas été « payée » par certaines banques (dont la banque Morgan) pour déclencher une campagne de presse interventionniste, de même que les efforts des ambassades alliées pour obtenir un semblable effet ont été limités (l’ambassadeur de France à Washington, Jusserand, habile, suggère de laisser l’opinion américaine évoluer d’elle-même), il reste que la solidarité financière entre les Alliés et les Américains incite les créanciers à soutenir leurs débiteurs ; d’autant plus que le moment paraît venu pour se servir de la dépendance alliée à des fins politiques et économiques. De plus, le marasme des affaires qui semble suivre l’engorgement des ports américains devant les risques accrus de la guerre sous-marine affecte aussi bien les exportateurs des céréales du Middle-West que les planteurs de coton du Sud. En bref, la payante neutralité antérieure oblige désormais à aller plus loin dans le soutien aux Alliés : il faut s’associer à leur destin, sinon à leurs buts de guerre. On le peut d’autant mieux que la Russie tsariste ayant, à cette date, laissé la place à une Russie démocratique, l’engagement américain peut se parer d’une auréole de vertu : l’Amérique rejoint la croisade des démocraties contre les régimes agressifs et autoritaires. Dans un pays où la morale se mêle souvent à la politique, un tel idéalisme a du poids.
Le secours que les États-Unis peuvent alors apporter à leurs Alliés se situe à 4 niveaux différents. Moralement, l’effet psychologique est considérable car la puissance américaine redonne espoir à des peuples fatigués. Physiquement, comme force militaire, l’impact demeure limité puisque l’armée américaine compte environ 200.000 hommes, qu’il faut pouvoir transporter en Europe, pour partie seulement (environ 50.000 hommes, peu entraînés) ; seule la flotte de guerre peut immédiatement collaborer avec la flotte britannique. L’organisation d’un efficace corps expéditionnaire, décidée au moment de la mission du maréchal Joffre aux États-Unis (fin avril-mi-mai 1917, en compagnie du ministre Viviani) dépend de la conscription (qui n’existait pas), des moyens techniques en armement, des transports et de l’instruction à donner à ces troupes ; il faudra au moins 6 mois pour combler les criants vides d’effectifs dans l’armée française. Aussi sont-ce surtout les appuis économique et financier qui apporteront rapidement leurs effets. De fait, au bout de 6 mois, le bilan de ces appuis est considérable : par exemple, la France qui avait emprunté 650 millions à 6 ou 7% d’intérêt entre août 1914 et mars 1917, a obtenu en 8 mois un milliard au taux de 4,5 % ; « elle a reçu plus qu’elle n’avait le droit d’espérer », déclare à un journal français, André Tardieu, chargé des achats français aux États-Unis. Mais le même homme écrit à son gouvernement des lignes autrement importantes : « Les Américains sont d’une bonne foi absolue dans leur désir d’aider les Alliés et spécialement nous. Mais ils entendent être les maîtres de cette aide. En toute matière, finances, tonnage, blocus, ils ont le sentiment exact de l’énormité du concours qui leur est demandé par nous, les Alliés, et ils veulent avoir un rôle correspondant. C’est pour cela qu’à défaut d’une organisation interalliée, ils refusent de prendre des engagements pour l’avenir au sujet de leurs avances de fonds aux Alliés » (fin octobre 1917, cité par Kaspi). Les Européens commencent à mesurer la signification réelle du concours de ce jeune et lointain concurrent.
En juillet 1917, Wilson écrit au colonel House, secrétaire d’État aux Affaires étrangères : « l’Angleterre et la France n’ont aucunement les mêmes vues que nous sur la paix. Quand la guerre sera finie, nous pourrons les forcer à suivre notre manière de penser, car à ce moment, ils seront parmi d’autres choses, financièrement dans nos mains ». Wilson et les États-Unis ne sont donc pas entrés en guerre pour soutenir les buts de guerre des Alliés, mais pour répondre à leur propre stratégie.
LES ÉTATS-UNIS EN AMÉRIQUE LATINE
Depuis le début du siècle, celle-ci peut être caractérisée par la formule de Artaud, « L’Aigle déploie ses ailes ».
L’impérialisme yankee (2) a véritablement commencé à se développer avec et après la guerre contre l’Espagne à propos de Cuba. Dans le Pacifique, et surtout en Amérique centrale, des territoires « protégés » marquent une extension rapide de la puissance américaine qui peut compter, en outre, sur une flotte en constante progression (6e rang mondial en 1899, 2e rang en 1907 derrière la Grande-Bretagne). L’influence de l’amiral Mahan, persuadé que l’avenir des Grandes Puissances dépend de leur potentiel naval (The Influence of Sea Power upon History), est large sur les dirigeants politiques de son pays. Entre 1907 et 1914, 16 à 19% des dépenses de l’État sont consacrées à la flotte. Mais les intérêts économiques et financiers contribuent encore plus fortement à la politique du « big stick » préconisée par le président Roosevelt en 1903-1904. « La destinée manifeste des États-Unis » (expression utilisée en 1912 par le secrétaire d’État Root) étant de « contrôler le destin de toute l’Amérique », pour réaliser cette « mission », tantôt la diplomatie est employée (conférences des États d’Amérique à intervalles plus ou moins réguliers entre 1889 et 1910), tantôt on recourt à l’usage de la force. Celle-ci est spécialement appliquée à la zone de l’Amérique centrale et des Caraïbes. Détenteurs d’une large façade maritime sur la « Méditerranée américaine » (zone comprise entre l’arc des îles Caraïbes à l’est, les côtes vénézuélienne et colombienne au sud, Amérique centrale et Mexique à l’ouest), les États-Unis considèrent comme une zone vitale de leur sécurité ces eaux sur lesquelles passent des routes maritimes essentielles, surtout depuis que le canal de Panama a été achevé par leurs soins (au moment même des débuts de la guerre en Europe, le 3 août 1914). La géostratégie, tout comme les investissements des compagnies américaines dans les mines, les cultures de plantations (bananes, canne à sucre, café) ou les prêts financiers aux États endettés d’Amérique latine, expliquent le recours de plus en plus fréquent aux actions de police, punitive ou préventive, des « Marines ». « Le corps des fusiliers marins était devenu le corps des professionnels de la géographie politique pratique dans la zone des Caraïbes » (L. Manigat).
Jusqu’en 1912, ces actions étaient ponctuelles et limitées en durée. Ensuite, le procédé devient permanent, au moins dans trois cas, au Nicaragua, en Haïti, à Saint-Domingue. Les interventions se font de la même manière et pour les mêmes causes : des troupes yankees sont débarquées pour rétablir l’ordre dans des États à pouvoir politique faible et contesté, pour protéger les vies et les intérêts des ressortissants américains ; puis elles demeurent en permanence pour assurer une certaine légalité et une exploitation certaine du sol et du sous-sol. Ainsi, le Nicaragua entre juillet 1912 et 1924, Haïti entre décembre 1914 et 1934, la République dominicaine entre mai 1916 et 1924, deviennent de fait des « colonies » des États-Unis, même si des pouvoirs locaux sont tolérés pourvu qu’ils obéissent à Washington. Ces interventions suscitent des réactions nationalistes un peu partout en Amérique latine ; la « yankeephobie » est fort répandue sur ce continent car il s’y mêle frustration, humiliation, intérêt matériel, ressentiment social, politique et même rejet culturel par des Latins d’une américanisation à l’anglo-saxonne. Cependant ce malaise inter-américain est impuissant pour empêcher les liens politiques et économiques de se renforcer entre les « gringos » (surnom donné aux Yankees par les Mexicains) et les Etats au sud du Rio Grande.
Le Mexique lui-même, plus vaste, plus peuplé, a dû subir l’humiliation de deux interventions militaires, à Vera Cruz en 1914, dans le nord du pays en 1916 (colonne du général Pershing en réponse à une provocation du chef révolutionnaire, Pancho Villa). Malgré sa révolution, qui exalte les fibres patriotiques, l’emprise du capitalisme yankee s’accentue au Mexique pendant la guerre. Il semble exister une singulière contradiction entre les réactions humaines des révolutionnaires mexicains vis-à-vis des gringos et le renforcement des investissements américains dans ce pays. D’un côté, la formule « Le Mexique aux Mexicains » est un mot d’ordre général chez tous les révolutionnaires, qu’ils suivent le « vainqueur » de 1911, Madero, son successeur-assassin, le général Huerta, ou le nouveau vainqueur, le général Carranza (1914-1920) ; plus de 500 Yankees sont assassinés au Mexique entre 1910 et 1919, soit 2,7% de la colonie yankee ; manifestations sanglantes d’un sentiment populaire qui trouve sa logique politique tant dans le plan prévu en février 1915 pour reprendre aux Etats-Unis les provinces perdues en 1845 (Texas, Sud californien, Nouveau-Mexique), que dans les articles de la Constitution, promulguée en 1917 à Queretaro, selon lesquels le sous-sol national est propriété directe et inaliénable de l’État qui peut accorder des concessions aux seuls nationaux (on comprend pourquoi le gouvernement allemand pouvait mieux envisager un accord avec les révolutionnaires mexicains). Les investisseurs yankees, qui avaient fait du Mexique leur principale zone de placements externes avant 1914, notamment pendant le gouvernement autoritaire du général Porfirio Diaz, continuaient d’y placer des capitaux (1,44 milliard de dollars en 1914, 1,55 milliard en 1919). Certes, le rythme des investissements faiblissait par comparaison avec le rythme des placements plus au sud, en Amérique latine et aux Caraïbes (la part du Mexique dans les investissements externes américains passe de 41% en 1914 à 35% en 1919), mais cette situation provenait surtout de l’accélération rapide des investissements sud-américains en général (2 929 millions de dollars placés en 1914 dans toute l’Amérique latine, soit 83,3% de tous les investissements externes yankees, 4 394 millions en 1919, soit 63,1% du même total). Partout, malgré la yankeephobie et la volonté proclamée de développer l’économie nationale, au Brésil, en Argentine, au Chili, le capitalisme venu du grand voisin du Nord renforçait son emprise. La guerre mondiale accentuait le phénomène de la dépendance économique.
Les avantages de la neutralité américaine à l’échelle du continent renforçaient en effet les liens entre le nord et le sud de l’Amérique. Les puissances européennes, empêtrées dans la guerre, n’ont plus la même capacité de peser vraiment sur ces pays ; même la toute-puissante Angleterre doit solder des achats massifs de nourriture par des ventes de titres et, a fortiori, ne peut plus y investir. Les profits considérables des exportations de céréales, viande, cuivre, plomb, textile, permettent une relance de l’industrialisation dans certains États d’Amérique du Sud, mais les capitaux locaux demeurent insuffisants ; seuls les investissements yankees sont en mesure de répondre aux besoins de l’Amérique latine. En même temps, les circuits commerciaux de cette région se réorganisent au profit des États-Unis qui, par leur flotte agrandie, leur solide monnaie, leur système bancaire plus ouvert, s’imposent partout. En mai 1915, une conférence financière panaméricaine se tient à Washington ; elle consacre la nouvelle orientation de la banque yankee, désormais présente dans tout le continent et mieux adaptée au commerce international.
Au total, lorsque les États-Unis entrent dans la guerre, ils ont déjà pu assurer une réelle hégémonie sur le continent américain et partiellement sur le Pacifique. Incontestablement, ils sont devenus une grande puissance impériale, régionale. Vont-ils et veulent-ils devenir une grande puissance mondiale ?
En 1917, le président Wilson a déjà bien compris le rôle de leader du nouveau monde qu’il aura à jouer en Europe, et ailleurs, après la guerre. S’il se refuse encore à trancher dans le règlement futur des litiges territoriaux (y compris sur l’Alsace-Lorraine), en bornant le conflit contre l’Allemagne à une lutte contre le gouvernement impérial qu’il juge inspiré par le militarisme prussien, le président, fort préoccupé par les événements de Russie, est déjà résolu à être le champion d’une nouvelle politique internationale fondée sur de grands principes moraux. L’idée d’une Société des Nations existe : « elle sera le résultat d’une évolution plus que d’une création par une convention formelle » écrit-il.
La guerre va-t-elle faire accoucher d’une autre diplomatie ?
LA DIPLOMATIE WILSONIENNE
Le 8 janvier 1918, le président Wilson adresse un message public au Congrès. Ce message constitue une réponse aux déclarations des porte-parole des Empires centraux sur les buts de la guerre et les bases d’une paix générale ; il est prononcé alors que les négociations de Brest-Litovsk se déroulent et que « les représentants de la Russie ont insisté fort justement, fort sagement et dans le véritable esprit de la démocratie moderne, pour que les conférences qu’ils tenaient avec les hommes d’Etat allemands et turcs eussent lieu toutes portes ouvertes et non à huis clos ». Aussi le président insiste-t-il pour que « la procédure de paix, une fois ouverte, soit conduite au grand jour, qu’elle ne comporte ni ne tolère désormais aucun accord secret d’aucune sorte ». Non sans grandiloquence, Wilson énumère ensuite les 14 conditions qui constituent le programme de la paix du monde, « le seul possible selon nous ».
Sans vouloir énumérer « les 14 points », il est indispensable de citer, dans l’ordre, les propositions wilsoniennes élaborées sans consultations réelles avec ses « associés », les Alliés. D’abord 5 points généraux, de principe : diplomatie ouverte et au vu de tous, liberté absolue de navigation sur mer en temps de paix comme en temps de guerre, suppression des barrières économiques et conditions commerciales égales pour tous, réduction des armements à un minimum compatible avec la sécurité intérieure, arrangement de toutes les revendications coloniales selon le principe d’un intérêt égal pour les populations concernées et pour les titres à faire valoir par les gouvernements protecteurs. Suivent ensuite 8 points précis concernant des sujets de litiges : évacuation de tout le territoire russe en vue de laisser la Russie décider souverainement, « en pleine indépendance », de son organisation nationale et de ses institutions (à noter que le point 6 traitant de la Russie, est le plus long), restauration de la Belgique comme État souverain, « acte réparateur » et « armature du droit international », libération de tout le territoire français y compris de l’Alsace-Lorraine rendue à la France, rectification des frontières italiennes selon les données du principe des nationalités, possibilité d’un développement autonome des peuples d’Autriche-Hongrie dont il faut assurer la place parmi les nations, reconstitution comme États indépendants de la Roumanie, de la Serbie (avec un accès libre à la mer) et du Monténégro, souveraineté et intégrité aux régions turques de l’Empire ottoman avec un libre passage dans les Dardanelles tandis que les autres « nations » de cet empire se verront garantir leur existence et un développement autonome, création par un accord international d’un Etat polonais rassemblant les territoires habités par des populations indiscutablement polonaises (avec un libre accès à la mer). Le dernier point a trait à la constitution d’une « association générale des nations » pour garantir les indépendances politiques et les intégrités territoriales des petits comme des grands États. Le principe qui a fait « la trame de tout ce « programme » est celui d’une justice pour tous les peuples et toutes les nationalités.
À plusieurs reprises, plus tard, en février, en juillet, en septembre 1918, publiquement, Wilson revient sur ces principes ou ces grands buts de la « nouvelle diplomatie ». En particulier le 4 juillet 1918, expliquant les quatre grands buts des peuples alliés (suppression de tout pouvoir arbitraire, règlement de toute question sur la base d’une libre acceptation des intéressés, règle de la loi juste et honorable dans les relations internationales, organisation de la paix devant un tribunal de l’opinion), Wilson en vient à opposer l’objectif de la diplomatie future avec celle d’hier : « Ce que nous poursuivons, c’est le règne de la loi basée sur le consentement des gouvernés et soutenue par l’opinion organisée de l’humanité. Ces grands buts ne peuvent être atteints par des discussions et des tentatives de conciliation et d’accommodements, d’ambitions d’hommes d’État, traçant à leur manière des projets d’équilibre des forces et de possibilités nationales. » Même en faisant la part nécessaire à la « propagande » alliée pour détacher les peuples des adversaires de leur gouvernement respectif, force est de constater que Wilson imprime un ton nouveau à la diplomatie ; Clemenceau, avant de devenir chef du gouvernement français et futur négociateur de la paix de Versailles, ironisait en janvier 1917 sur l’idéalisme wilsonien : « Il s’élance, d’un magnifique essor, par-delà le temps et l’espace pour planer dans le vide au-dessus des choses qui ont l’infériorité d’être. »
En réalité, Wilson n’est pas un rêveur, prisonnier de chimères. A sa manière, il incarne et il exprime la puissance d’un État neuf, porté, par sa situation géographique, par son développement économique et financier, par la composition bigarrée de sa forte population, à louer désormais un rôle mondial. Depuis des lustres, les Puissances européennes avaient mené leur diplomatie vers la recherche d’équilibres plus ou moins stables entre elles, en fonction de leurs moyens en Europe, sans réelle perspective mondialiste puisque l’Europe était le centre du monde ; les menaces de guerre, les invasions, les occupations, les transferts de territoires, suscitaient des réactions immédiates (patrie en danger, provinces perdues ou retrouvées) sans que les peuples eussent besoin d’idéaux généraux pour être convaincus de leur devoir. Seule compte la grandeur de la nation à laquelle ils appartiennent. Pour les citoyens du Nouveau Monde, il fallait d’autres raisons pour accepter d’aller se battre au loin, même si les principes avancés recoupaient, de fait, l’intérêt de leur propre nation.
Mais comment construire la paix sur des principes généraux alors que les succès et les défaites sur le terrain constituent les atouts majeurs ?
René GIRAULT et Robert FRANK
In Turbulente Europe et nouveaux mondes 1914-1941
Petite Bibliothèque Payot n°523
NOTES :
(1) La guerre avec l’Autriche-Hongrie sera votée seulement en décembre 1917. L’Empire ottoman et la Bulgarie ne seront jamais en guerre avec les États-Unis.
(2) Nous utilisons ce terme pour éviter la confusion rendue possible par l’usage du mot « américain », qui peut s’appliquer aussi bien aux États-Unis qu’au continent américain.