jeudi 25 juillet 2024

Pour 2015, en avant, marche vers les associations professionnelles nationales de militaires

Il n’est pas inutile de faire le traditionnel retour sur l’année écoulée pour ce dernier billet pour 2014 avant d’aborder le droit d’association.

Une guerre politico-religieuse qui se rapproche et un extrémisme laïque qui sape notre société

Trêve de Noël qui, pour beaucoup de gens, ne limite pas à des fêtes très commerciales mais c’est peut-être cela la laïcité qui dénigre les symboles forts de la tradition, certes d’origine religieuse mais surtout culturelle. D’aucuns se sont même plaints d’une crèche au parlement européen, oubliant les racines chrétiennes de ‘l’Europe qui ne partage pas dans sa grande majorité le dogmatisme français. Mais nous aimons donner des leçons au monde (Cf. Mon billet du 14 décembre 2014 sur les outrances de JL Mélenchon).

Souhaiter de joyeuses fêtes et non un joyeux Noël est déjà significatif. En revanche les rendez-vous religieux des deux autres religions du Livre en France, bien que minoritaires, seront toujours cités avec respect. L’extrémisme laïque est sélectif dans sa tolérance mais suscite une exaspération croissante y compris d’un certain nombre de laïcs.

D’un côté donc, le refus de la religion notamment catholique pourtant partie intégrante de notre histoire de France, d’un autre côté l’éveil malfaisant, dangereux et proliférant d’un Islam radical et violent. Qui peut croire que seules les règles démocratiques et la condamnation pénale, à condition qu’elle soit appliquée dans toute sa rigueur (et cela tout le monde ou presque en doute) pourront faire reculer les djihadistes qui, justement, ne respectent ni notre société, affaiblie année après année, ni nos lois appliquées au gré des interprétations ou des opportunités politiques ? Seules nos convictions, nos engagements moraux, philosophiques sinon religieux permettront de combattre cette menace mortelle.

En effet, les djihadistes, nouveaux nihilistes du XXI siècle, ont cette culture de la mort qui nous fait peur et que nous ne savons plus apprivoiser. La France et l’Occident en général font face plus ou moins bien à un ennemi dont la seule dénomination de terroriste ne suffit plus pour le combattre. Le djihad est prôné partout, attire les jeunes musulmans quel que soit leur nationalité. Les atrocités faites en son nom suscitent peu la colère du monde musulman et des musulmans eux-mêmes même lorsque l’on massacre plus de cent trente enfants comme au Pakistan cette semaine.

Peu à peu, cette guerre idéologique menace notre société déjà fragilisée par son manque de conviction, son doute permanent, situation favorisée par sa faiblesse économique et un lourd chômage mais aussi par ce refus d’être français en partageant une culture et une histoire communes qui donnent du sens et construisent la nation à partir de ses différents apports. Le respect prôné des différences des minorités ne doit pas se faire au mépris de celle de la majorité.

Quelques exemples peuvent illustrer cette réflexion. Un extrémisme laïque à la française combat les traditions de Noël, aujourd’hui de la crèche, hier du sapin, en fonction de critères d’un autre temps, bien loin d’une laïcité éclairée que l’on pourrait attendre au XXIe siècle. Les djihadistes, petits délinquants à l’origine, sans doute aussi instables psychologiquement (Cf. Mon billet du 14 décembre 2014) se lancent individuellement à l’assaut contre nos forces de sécurité alors que les projets d’attentat sont régulièrement déjoués. J’avais évoqué dans des billets précédents (Cf. Mon billet du 8 septembre 2013, combattre l’insécurité sur le territoire national) la vulnérabilité de nos forces et de leurs proches. Quand des talibans sont capables de tuer des enfants parce qu’enfants de militaires, pensez-vous vraiment que cet événement ne pourra pas survenir en France demain ?

Et pendant ce temps  l’Europe continue à désarmer et la France se crispe

La guerre s’est rapprochée de nos frontières en Europe à l’Est. La Russie mise à l’index devient une source d’instabilité mais, hormis les sanctions économiques, que risque-t-elle dès lors qu’elle est dans une phase de renouveau patriotique lui permettant de faire front ?

La France est engagée en Irak, en Afrique et comme toujours avec des engagements politiquement annoncés comme brefs mais qui durent. Echec politique ? Echec militaire ? Peut-être que la guerre est une chose trop sérieuse pour la laisser aux mains des militaires sinon des politiques ? A débattre, et pendant ce temps, nous désarmons comme les autres armées occidentales.

Certes, les commémorations bien réussies de la Première guerre mondiale ont rappelé aux Français ce qu’a été la guerre et ce qu’elle est peut-être aujourd’hui. Il me semble que les Français ont redécouvert l’enjeu de la sécurité. Cette mise en valeur d’un passé de sacrifices mais glorieux a permis aussi de montrer après un siècle d’histoire l’affaiblissement de notre armée et de la place du militaire dans nos institutions malgré les paroles rassurantes.

Le citoyen croit que l’armée, dernier recours, répondra à toutes les menaces. Est-ce bien vrai ? Certes, et il faut être juste, le budget de la défense, hors pensions, au moins dans son affichage théorique, représente le sixième budget mondial en valeur absolue en 2013. Je pourrai poser la question de l’utilisation de ces sommes importantes alors que nous avons le sentiment, sinon la réalité, d’une armée dégradée dans ses moyens humains et organisationnels.

En lien avec cet affaiblissement, depuis plusieurs mois, le journal Le Monde comme certains politiques mettent en avant d’une manière relativement positive la notion d’insurrection ou en expriment la possibilité. Certes, parce qu’elle le serait le fait d’une extrême gauche toujours considérée avec une relative bienveillance, elle pourrait se comprendre. L’insurrection serait légitime si le gouvernement même légal et légitime par un vote à un moment donné, est considéré comme illégitime et injuste dans la durée.

Or, l’insurrection ne sera pas forcément le fait de minorités activistes d’extrême-gauche. Le mécontentement grandit. La majorité silencieuse l’exprimera légalement en 2015 par le vote, avec les élections départementales de mars où la gauche serait vraisemblablement balayée selon les différents indicateurs. La question est de savoir si les nouveaux élus sauront apporter des solutions alors que la crise sociale et la menace islamiste perdurent.

Le pouvoir local saura-t-il et pourrait-il faire face à l’exacerbation des réactions d’une France de plus en plus à cran ? Or, cette France du bas sera gouvernée par une France d’en haut complètement déconnectée : un président de la République et un gouvernement de gauche, une Assemblée nationale de gauche qui votera des lois contre le pays réel. N’est-ce pas les ingrédients de la révolte sinon de l’insurrection ? Et qui protégera l’exécutif et les députés…

L’Armée à son tour touchée aussi par une réforme sociétale

En France, le syndicalisme militaire approche à grands pas. Comme prédit dans un billet précédent (Cf. Mon billet du 5 octobre 2014), les jeux étaient faits et l’introduction des associations professionnelles militaires est validée par le président de la République suite au rapport Pécheur (Cf. Rapport du 18 décembre 2014). Une nouvelle réforme de société sans aucun doute destinée à pallier les difficultés intérieures ! Cependant, le bénéfice attendu sera-t-il au rendez-vous ? Je n’en suis pas sûr malgré les déclarations sur l’encadrement de ce nouveau droit.

Certes, à nouveau, la hiérarchie militaire sera affaiblie donnant à nos quelques aigris habituels mais peu nombreux la tribune pour faire valoir des revendications pas toujours légitimes ou pertinentes. Développer la liberté d’expression, un des arguments affichés pour ce droit, ne sera pas plus confortée qu’avant. Tout est dit dans le statut de 2005 et celui qui ne s’exprime pas, c’est qu’il le veut bien et surtout ne veut pas en assumer le risque (sauf sous pseudo). De fait, il s’agit de la revendication d’une liberté d’expression collective qui est demandée avec une protection de celui qui s’exprimerait au nom de tous.

En effet, comme le rappelle le statut général des militaires, « les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire. Cette règle s’applique à tous les moyens d’expression. (…) les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions » (Article L4121-2 30 mars 2007). La liberté d’expression existe et le fameux devoir de réserve n’existe pas formellement.

Surtout nos politiques se méprennent en croyant que ce droit d’association se limitera à l’établissement d’un contre-pouvoir se limitant aux rapports entre les seuls militaires sur la question de la condition militaire ? En effet, les militaires ont une caractéristique : ils s’adaptent toujours aux nouvelles situations. Autant un grand nombre d’entre eux sont contre toute forme de syndicalisme, autant le fait que les règles changent impliquera qu’un grand nombre d’entre eux, d’entre nous s’investiront dans ce nouveau champ. Or il aborde aussi bien les rapports entre militaires et civils de la défense, entre les militaires et le pouvoir politique, l’emploi des forces armées. C’est d’ailleurs ce que le lieutenant-colonel de gendarmerie Matelly a clairement exprimé samedi 20 décembre sur RTL.

Même si nous avons quelques opposants permanents en interne, dénigrant les officiers, ces opposants étant forcément meilleurs et plus compétents (il suffisait d’écouter sur les radios un certain nombre d’interventions de ce type cette semaine), la grande majorité des militaires ne reproche pas à la hiérarchie la situation de déliquescence des armées. Elle reproche le fait que cette hiérarchie ne soit pas écoutée par le politique.

L’état de délabrement des armées est attribué au politique, non au chef militaire. Que le politique ne se trompe donc pas ! Il sera sans aucun doute l’objet de toutes les attentions des associations professionnelles militaires à venir. Et comme le militaire s’adapte et sait s’organiser, ce droit ne se limitera pas à l’expression de vœux pieux que le politique pourra balayer d’un revers de manche. Dans une logique d’efficacité, il est peu vraisemblable que l’encadrement déclaré des associations puisse résister longtemps à une évolution nettement plus offensive.

Un premier indicateur est ce dernier communiqué, violent du CSFM (Cf. L’Opinion du 17 décembre 2014 que je partage en grande partie), sans doute injuste envers le ministre de la défense qui y a répondu (Cf. L’Opinion du 18 décembre 2014) notamment sur la civilianisation, mais oh combien significative de ce que beaucoup de militaires pensent. Sur ce point, ce n’est pas une question de proportion ou de pourcentage mais des postes de pouvoir confiés à des civils dans la structure de la défense. Comment de militaires de haut rang sont des adjoints de personnalités civiles, combien de civils sont-ils des adjoints de militaires de haut rang, question posée en 1998 qui est toujours d’actualité me semble-t-il ?

En effet, lieutenant-colonel, j’avais justement évoqué en tant qu’intervenant cette situation lors d’un colloque sur la liberté d’expression du fonctionnaire en uniforme en 1998. J’avais subi les foudres publiques d’un contrôleur général des armées, aujourd’hui chef du CGA mais j’avais reçu les félicitations du CEMAT de l’époque. Et si maintenant il est donné la possibilité d’agir plus fortement pour retrouver nos responsabilités légitimes au sein du ministère, je souhaite bien du plaisir à nos politiques pour les années à venir. Le changement pour une fois sera au rendez-vous.

Que retirer plus précisément du rapport Pêcheur ?

Un avant-projet de loi est annexé à ce rapport en vue d’un débat sur un projet de loi au Parlement au printemps 2015 pour une adoption en juin ou juillet 2015, avec la mise en œuvre d’une procédure accélérée. Cela paraît urgent mais comme en cas de désaccord, nous ne manifesterons pas, en avant, marche.

Selon le rapport, les arrêts de la Cour impliquent nécessairement de permettre aux militaires de créer et d’adhérer à des groupements ayant pour objet la protection de leurs droits et de leurs intérêts matériels et moraux, c’est-à-dire de « syndicats » au sens du droit européen et aussi de reconnaître à ces organismes le droit d’agir en justice pour défendre ces droits et intérêts. En revanche, ils n’impliquent pas nécessairement de qualifier ces organismes de « syndicats ». Nous sommes effectivement dans l’habillage juridique.

Ensuite, le rapporteur écrit que « dans le contexte actuel, les militaires aspirent à une certaine stabilité de leur environnement professionnel, et qu’ils ne seront donc pas spontanément enclins à approuver la réforme ». Les militaires ne veulent pas de cette réforme mais ils l’auront quand même. Bel exemple de dialogue et donc d’infantilisation des militaires.

Pour éviter les dérives, que ce soit « dans des débats politiques » ou « dans la définition de la stratégie nationale de défense et de la politique de défense », le rapporteur définit la condition militaire pour l’inscrire dans le projet de loi… ce qui n’était pas fait jusqu’à présent.

Ainsi, « La condition militaire recouvre l’ensemble des obligations et des sujétions propres à l’état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d’avoir une influence sur l’attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l’environnement professionnels des militaires, le soutien aux blessés et aux familles, ainsi que les conditions de départ des armées et d’emploi après l’exercice du métier militaire. » A quel moment cela ne sera-t-il pas un sujet politique ?

Concernant ceux qui pourraient faire partie des APNM, terme proposé, pour ces associations professionnelles nationales de militaires, il est finalement reconnu que seule une expression par armée ou direction reste pertinente même si une approche interarmées serait souhaitée. Les adhésions seraient limitées aux militaires d’active sans distinction, aux militaires servant à titre étranger, aux réservistes militaires mais aussi aux fonctionnaires civils détachés dans les forces armées (Surprenant !).

Il est clair cependant qu’il y a une volonté d’écarter les anciens militaires déjà regroupés dans des associations. Celles-ci ne seraient qu’« utiles » au titre d’une transition de dix-huit mois avant d’être éloignées, y compris du CSFM où certaines sont déjà parties prenantes. Le droit d’exprimer leur point de vue en tant qu’associations de retraités serait cependant préservé au sein du conseil permanent des retraités militaires, créé par arrêté du 1er juin 1983. Ou comment ne pas être dérangé !

Il est en outre avancé que « les associations de retraités existantes ne sont pas unanimes sur l’opportunité de permettre l’adhésion des retraités à des associations professionnelles de militaires. Au total, il est préconisé d’exclure cette possibilité ». Cela n’est pas vrai dans les associations que je fréquente. Au contraire mais si on ne reçoit pas ces associations, il est normal que ce point de vue ne soit pas pris en compte.

Une exception notable et peu compréhensible est enfin cette autorisation de maintenir l’interdiction du droit syndical des militaires, sauf lorsqu’ils sont détachés dans la fonction publique civile (Surprenant à nouveau !). Donc un droit à géométrie variable !

Pour conclure

Allez, je vais rester positif en vous souhaitant un joyeux Noël. Pour une grande partie du monde, Noël est le symbole de la paix, de la famille aussi, et il n’est pas besoin d’être croyant pour accepter ce symbole pacifique et familial. Même ceux qui n’aiment pas Noël en bénéficient (charité chrétienne). Il ne me semble pas d’ailleurs que les religions non-chrétiennes aient cette célébration religieuse où les armes doivent se taire, où l’amour du prochain et la « concorde universelle » soient prônées. Finalement le président de la République dans le cadre de ses actions de communication pourrait participer à la messe de Noël à la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Un oubli sans doute.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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