Quelle semaine ! La défense a évité le pire, a gagné une bataille, sans doute pas la guerre car Bercy agira indirectement comme il l’a toujours fait. Les uns et les autres travaillent déjà sur les réductions d’effectifs avec déjà de forts gels budgétaires. Apprécions pourtant cette mobilisation qui n’est pas que de la « communication ». Le ministre de la défense a été à la hauteur et le président de la République l’a écouté. Cependant, la vigilance parlementaire et celle du ministère de la défense devront être réelles si les engagements publics du chef des armées de ce jeudi 28 mars doivent être tenus.
Geler le déclassement militaire mais pour combien de temps ?
S’engager comme cela a été fait alors que nos soldats sont au front était nécessaire pour le moral des armées et la cohérence de la stratégie française. Elle esquive de fait la réduction du format des armées. Si on lit le billet de la Voix du Nord du 25 mars (Conseil de Défense : pas de scénario apocalyptique pour le budget mais un nouvel effort), on ne peut que continuer à s’inquiéter.
Le scénario retenu selon JD Merchet (il faut bien lire la presse, allez sur le fil RSS du ministère de la défense, vous n’aurez pas beaucoup d’éléments pour débattre) serait le suivant : en 2014 et 2015, les crédits actuels de 2013, soit 31,4 milliards, seront reconduits… donc diminués au rythme de l’inflation. Il faut rappeler que la LPM prévoyait un budget de défense à 33,2 milliards en 2013. En 2016 et 2017, le budget serait le même en intégrant l’inflation. Enfin, pour les deux dernières années de la loi de programmation, il y aurait une hausse de 1% par an, en plus de l’inflation. La défense serait ainsi un ministère prioritaire avec un budget de facto sanctuarisé. Cependant le « manque à gagner » est déjà aujourd’hui de 6 milliards à la fin de la LPM en cours, donc en 2014. Donc ne rêvons pour les années post 2015.
Certes, le Premier ministre est monté au créneau au Sénat le 28 mars : « Ce n’est pas maintenant que nous allons baisser la garde ». Il affirme que ce que l’armée française a fait au Mali, « elle pourra le faire dans cinq ans ». Il refuse cependant d’extraire les dépenses militaires du calcul du déficit, qui « serait une facilité » tout en soulignant qu’il « n’est pas juste que la Grande-Bretagne et la France assument seules tout l’effort ». Justement, il faut donc en tenir compte. L’Europe ne fera pas la guerre, encore moins en Afrique. C’est un leurre et la France doit être dédommagée de ses efforts.
Restent les déclarations du président de la République sur les trois priorités de la défense : autonomie de décision, protection du territoire et dissuasion. Autant les deux derniers points sont aisément compréhensibles, autant le premier peut laisser place à toutes les interprétations possibles. On peut décider… sans être en mesure de faire. Cela laisse la place à beaucoup d’interprétation pour les missions dans le prochain Livre blanc.
Ce qui transparaît (Le Monde du 29 mars) est la suppression de 35 000 emplois et de 30% des équipements, une capacité de projection de 15 000 soldats, soit une division par deux par rapport au contrat actuel des armées. L’effort passerait de 1,56 % du produit intérieur brut à moins de 1,3% en 2020 bien que le Sénat ait fait du seuil de 1,5 % le plancher de la puissance française.
Quant au calendrier annoncé, après le Livre blanc de la défense envisagé fin avril, un débat serait organisé en mai à l’Assemblée nationale. La loi de programmation militaire serait présentée « à la fin du mois de juillet et débattue à l’automne, sur la base d’un projet et d’un modèle d’armée qui soient cohérents et efficaces ».
Je rappellerai que les armées ont fait l’effort de réduction de leurs capacités depuis longtemps. Je remarque cependant que la politique gouvernementale accorde 9,5 milliards au titre du développement soit l’équivalent d’un tiers du budget de la défense. Or, il a été évoqué la recherche de 4,5 milliards d’euros pour le budget de la défense. Pourquoi ne pas envisager une diminution temporaire d’autant du budget consacré au développement dont le retour « sur investissement » ne me semble pas bien convaincant ? Cela n’entraverait pas une aide importante au Mali comme d’ailleurs le spécifie cette interview de Pascal Canfin, ministre du développement, à la Voix du Nord le 1er mars 2013. Concentrons nos efforts là où notre stratégie l’impose et en fonction de nos moyens actuels.
Retour sur le Mali
Si je lis les blogs des journalistes de terrain sur le Mali, je ne sais pas si nous pourrons faire la guerre au Mali dans cinq ans. Selon le billet du 30 mars, les matériels sont dans un état critique notamment en pièces détachées. Les VBCI (véhicules blindés de combat de l’infanterie) du 92e RI ont « consommé plus de potentiel en deux mois au Mali qu’en 3 ans en métropole ». D’un autre côté, je préfère du matériel usé par les opérations que par les camps de manœuvre.
Quant aux combats eux-mêmes, le billet du 31 mars signale ces enfants-soldats qui, aux côtés des Djihadistes, combattent les soldats français, y compris en tentant des opérations kamikazes. J’ai cru entendre que les objectifs avaient été atteints, que nous retirerions 50% de nos forces d’ici juillet et que des élections devaient être organisées avant la fin de ce mois de juillet (Le Point du 28 mars). Nous avons l’expérience des élections dans un pays en sortie de crise. Je n’en connais pas qui aient été organisées et non contestées en moins de quatre mois sauf erreur de ma part.
Le billet du 28 mars de Lignes de défense rappelle les pertes au 20 mars soit 5 morts et 199 blessés (5% des effectifs annoncés) dont nous parlons bien peu et pourtant ce n’est pas rien.
Je conclurai sur le Mali en citant la tribune de mon neveu Raphaël Chauvancy, dans Valeurs actuelles ce 28 mars 2013. Capitaine des Troupes de marine, servant aujourd’hui au Mali, il y rend un bel hommage au Caporal van Dooren qu’il avait eu sous ses ordres.
Interrogations sur les nouvelles de la semaine
Dans les nouvelles de la semaine qui auraient pu nous échapper avec ce débat sur le budget de la défense, je relève ce billet de Philippe Chapleau, (Cf. Acteurs publics) qui m’interpelle : « Le conseil d’administration du prestigieux Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) va accueillir très prochainement son nouveau président. Sauf surprise de dernière minute, c’est l’actuel président socialiste du conseil régional de Lorraine, Jean-Pierre Masseret, 68 ans, qui doit se voir attribuer pour trois ans la présidence. (…). En toute discrétion, le gouvernement a modifié, le 27 mars, l’article R. 1132-20 du code de la défense afin de relever l’âge limite pour la présidence de ce conseil d’administration, désormais fixé à 73 ans. Généralement, l’âge limite est fixé pour ce type de fonctions à 67 ans. »
Je n’ai rien contre le sénateur Masseret loin de là. Il est profondément attaché à la défense mais sur le principe, si l’information est exacte, est-il bien normal en République de changer les textes pour permettre une nomination ? Peut-être que si, peut-être que je n’ai rien compris aux fonctionnements des institutions françaises ou je suis encore bien naïf. Sans doute.
Autre nouvelle peu commentée et citée par le Point, la succession du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale mettait en place Louis Gautier, ancien conseiller défense de Lionel Jospin.
Autre nouvelle enfin de la semaine passée inaperçue, le Point signale que les réservistes opérationnels sont appelés à passer au bénévolat, sur proposition du secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire qui écrit : « Cette gratuité du service démontre la volonté d’engagement et de désintéressement de nombreux réservistes opérationnels et peut répondre ponctuellement à des besoins de certaines forces armées ».
Déjà les réservistes se battent pour être employés dans les armées, souvent sans succès. Ils sont souvent indemnisés en retard mais sont quand même là en cas de besoin, en raison de leur engagement. Je me demande si le secrétaire général du CSRM est la bonne personne pour traiter des réserves à moins que la situation en particulier financière soit si grave que mieux vaut trouver une solution de ce type pour se désengager.