A la lumière des événements en Tunisie, en Egypte, ailleurs peut-être demain, les forces de sécurité intérieure ont obéi aux ordres du pouvoir politique pour réprimer la contestation. Les armées, certes totalement intégrées au fonctionnement de ces régimes autoritaires, n’ont pas agi contre le peuple et ont assuré la transition entre deux régimes politiques face à la révolte de la rue (ou à une révolution ?). Une leçon doit au moins être tirée : l’armée ne tire pas (ou ne doit pas tirer) sur le peuple. Elle reste fidèle au pays et non au régime politique.
Si l’on transpose ces exemples en France, les grandes manifestations de rue, sociales et politiques contre le gouvernement en place ont tenté de le renverser politiquement. Sans succès. Cependant une des conséquences pacifiques est l’appel aux désobéissances civiles ou à la constitution de réseaux « de solidarité et d’entraide », au non-respect de la loi ou à son contournement (magistrats dont une partie n’a pas droit de faire grève, forces de sécurité aussi si l’on se réfère aux C.R.S. « en grève de la faim »).
En revanche, la situation actuelle qu’elle soit internationale ou intérieure permet de soulever le débat qui anime souvent des officiers en popote ou ailleurs : servir la France ou servir la République, assurer la permanence de l’Etat à travers les générations (lorsque l’on s’identifie à lui, autre débat face au multiculturalisme ambiant) –ou servir un régime politique en place en le soutenant « presque jusqu’au bout ».
En fait il s’agit du débat de la légitimité (éventuelle) de la rue face à la légalité des institutions en place et de la légitimité du pouvoir politique lorsqu’il est élu. Or, le pouvoir politique en France ne peut s’appuyer aujourd’hui en première ligne que sur ses forces de sécurité intérieure en cas de grave crise intérieure. Nous pouvons néanmoins nous souvenir des appels à l’armée en novembre 2005 par des syndicalistes de la police au bout de trois semaines d’émeutes, heureusement, non généralisées.
Cependant, une armée qui, dans sa grande majorité, ne s’identifie ni au pouvoir politique, ni à un régime politique, qui cultive une neutralité qui lui est demandée statutairement, qui ne veut pas être soumise à rendre des comptes ultérieurement alors qu’elle a dû agir sur réquisition, une armée de moins de moins nombreuse aussi, ne s’opposera vraisemblablement pas aujourd’hui en France à un changement de régime s’il devait avoir lieu en cas de crise intérieure grave.