dimanche 2 avril 2023

Une réflexion sur les forces armées et les exemples de l’Egypte et de la Tunisie (15 février 2011)

A la lumière des événements en Tunisie, en Egypte, ailleurs peut-être demain, les forces de sécurité intérieure ont obéi aux ordres du pouvoir politique pour réprimer la contestation. Les armées, certes totalement intégrées au fonctionnement de ces régimes autoritaires, n’ont pas agi contre le peuple et ont assuré la transition entre deux régimes politiques face à la révolte de la rue (ou à une révolution ?). Une leçon doit au moins être tirée : l’armée ne tire pas (ou ne doit pas tirer) sur le peuple. Elle reste fidèle au pays et non au régime politique.

Si l’on transpose ces exemples en France, les grandes manifestations de rue, sociales et politiques contre le gouvernement en place ont tenté de le renverser politiquement. Sans succès. Cependant une des conséquences pacifiques est l’appel aux désobéissances civiles ou à la constitution de réseaux « de solidarité et d’entraide », au non-respect de la loi ou à son contournement (magistrats dont une partie n’a pas droit de faire grève, forces de sécurité aussi si l’on se réfère aux C.R.S. « en grève de la faim »).

En revanche, la situation actuelle qu’elle soit internationale ou intérieure permet de soulever le débat qui anime souvent des officiers en popote ou ailleurs : servir la France ou servir la République, assurer la permanence de l’Etat à travers les générations (lorsque l’on s’identifie à lui, autre débat face au multiculturalisme ambiant) –ou servir un régime politique en place en le soutenant « presque jusqu’au bout ».

En fait il s’agit du débat de la légitimité (éventuelle) de la rue face à la légalité des institutions en place et de la légitimité du pouvoir politique lorsqu’il est élu. Or, le pouvoir politique en France ne peut s’appuyer aujourd’hui en première ligne que sur ses forces de sécurité intérieure en cas de grave crise intérieure. Nous pouvons néanmoins nous souvenir des appels à l’armée en novembre 2005 par des syndicalistes de la police au bout de trois semaines d’émeutes, heureusement, non généralisées.

Cependant, une armée qui, dans sa grande majorité, ne s’identifie ni au pouvoir politique, ni à un régime politique, qui cultive une neutralité qui lui est demandée statutairement, qui ne veut pas être soumise à rendre des comptes ultérieurement alors qu’elle a dû agir sur réquisition, une armée de moins de moins nombreuse aussi, ne s’opposera vraisemblablement pas aujourd’hui en France à un changement de régime s’il devait avoir lieu en cas de crise intérieure grave.

François CHAUVANCY
François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Il est expert des questions de doctrine sur l’emploi des forces, sur les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, à la contre-insurrection et aux opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Depuis mars 2022, il est consultant en géopolitique sur LCI notamment sur la guerre en Ukraine. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde depuis août 2011, il a rejoint depuis mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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