samedi 27 avril 2024

Cérémonie d’hommage aux Invalides rendue au général d’armée Georgelin ce 25 août

Comment beaucoup de camarades, j’éprouve une profonde peine au décès du général d’armée Georgelin ce 18 août 2023 à la suite d’une chute dans les Pyrénées. Sur le plateau de LCI ce 19 août, j’ai eu l’honneur de dire quelques mots sur cet officier général que je respectais profondément (LCI Midi et Le Club de LCI ) avant d’enchaîner sur la guerre en Ukraine.

Des jugements parfois bien malveillants

Certes le général Georgelin n’était pas toujours commode, n’avait pas beaucoup de sentiment dans le travail face aux incompétents, mais il était brillant, avec de l’humour bien que caustique. Si l’on se réfère à plusieurs commentaires suite à son décès, sa rigueur a ennuyé certains de ses anciens subordonnés. Certains se sont épanchés avec virulence sur twitter comme toujours sous pseudo ou parfois dans les médias, que ce soit en diffusant des rumeurs ou simplement en exprimant des aigreurs professionnelles. Ils avaient subi les foudres d’un chef qui commandait et exigeait disponibilité, compétence, sens du service. L’absence de ces impératifs, une éventuelle colonne vertébrale trop souple, c’est-à-dire le manque de courage intellectuel, ne pouvaient amener qu’une volée de bois vert du général Georgelin. Ne pas avoir compris le pourquoi de ces situations s’exprime donc aujourd’hui par l’expression de rancœurs, de frustrations, bref le sentiment d’avoir été « bon » mais incompris par son chef mais c’est le lot de beaucoup de « petits esprits ».

Des anecdotes

Il n’en reste pas moins que de nombreuses anecdotes précisent qui était le général Georgelin. Certes elles sont bien souvent personnelles mais sont significatives à mon sens. Dans notre promotion, l’un d’entre nous rappelle : « BXX, quand vous voudrez faire une bonne fiche, appelez-moi avant ! » Un autre d’entre nous : « Attendez mon colonel, je vais donner des leçons d’un général à un général ». Puis il a « pourri » le général XXX devant moi…

Pour ma part, j’ai trois anecdotes à rappeler. Affecté à l’état-major de l’armée de Terre, bureau de la planification et des finances, le général Georgelin, alors colonel, descendait du second étage à l’heure du déjeuner au premier étage où était installé le service de presse de l’armée de Terre. Non seulement il venait lire les journaux mais il venait aussi discuter avec les deux capitaines, officiers de presse. J’étais l’un d’entre eux. Les discussions étaient franches et amicales ce qui pouvait surprendre des officiers subalternes au contact d’un colonel « ancien » au tempérament connu mais bienveillant envers nous.

Dans une autre circonstance plus particulière de ma vie militaire, j’ai pu apprécier sa sollicitude envers l’électron libre que j’étais (parfois) dans l’institution militaire dans une affaire qui pourrait d’ailleurs presque être d’actualité dans la lutte contre les ingérences étrangères mais c’est une autre histoire sur laquelle je ne m’étendrais pas.

Je me souviens aussi de son intervention un vendredi soir devant l’École de Guerre où j’étais cadre. De sa voix tonitruante, il rappelait à tous les officiers présents et de tout grade l’importance de la disponibilité à une époque où l’esprit des 35 heures s’infiltrait dans la communauté militaire au détriment de son efficacité.

Le général Castres lui rend aussi hommage sur LinkedIN : « Je veux être de ceux qui lui rendent hommage parce qu’ils l’ont connu et l’ont vécu. Je le fais comme officier, comme le subordonné que j’ai été fier d’être mais aussi tout simplement comme un homme qui a croisé sur son chemin de vie une personnalité exceptionnelle ». Il l’a largement côtoyé d’abord à l’état-major particulier du président de la République puis, CEMA, le général Georgelin l’a nommé chef du Centre de Planification et de Commandement des Opérations (CPCO).

Surtout, il lui est reconnaissant de lui avoir fait « prendre conscience de ce qu’est la ‘chose militaire’, la ‘res militia’ dans l’État », de lui avoir appris la relation entre politiques, haute fonction publique et militaire, de l’avoir obligé à regarder l’institution militaire comme elle était et non pas comme elle croyait être, de s’imposer de revisiter et de s’astreindre à cette citation du général de Gaulle : « La véritable école du commandement est celle de la culture générale » qui permet à la pensée de s’exercer avec ordre, de discerner dans les choses l’essentiel de l’accessoire, (…), et surtout, d’avoir incarné ce que ‘courage intellectuel’ veut dire. »

Un rappel de sa carrière

Fils de sous-officier, le général Georgelin intègre Saint-Cyr en 1967 après une longue scolarité au Prytanée de la Flèche, il rejoint le 9e régiment de chasseurs parachutistes comme chef de section, commandant de compagnie puis chef de corps du 153e RI à Mutzig. Il commandera un bataillon de Saint-Cyr portant le nom de « Cadets de la France libre ». Il a donc forgé une promotion d’officiers à qui il a transmis son sens du service. De nombreux généraux en sont issus comme le général Burkhard, actuel chef d’état-major des armées.

Breveté du Command and General Staff College aux États-Unis, de l’École supérieure de guerre. En 1994, il commence à 46 ans un long parcours « politico-militaire » au sein du cabinet militaire du Premier ministre. En 2002 il devient chef d’état-major particulier du président Chirac puis est nommé chef d’état-major des armées en 2006, poste qu’il occupera jusqu’en 2010.

De 2010 à 2016, il occupe le poste de Grand Chancelier de la Légion d’honneur.

Le 17 avril 2019, le président Macron le désigne en charge de la reconstruction de Notre dame de Paris.

Certes il n’a pas fait beaucoup d’OPEX, les mauvaises langues le lui reprochent, mais le soldat ne choisit pas ou peu sa carrière. Peu de généraux de sa génération ont servi en opération. Le contexte géopolitique ne s’y prêtait pas et si on n’était pas affecté en unité de combat, on ne partait qu’exceptionnellement. Faut-il aussi rappeler que sa génération comme la mienne se sont préparées à faire la guerre de haute intensité, l’arme au pied, contre l’ex-URSS comprenant aussi bien les Russes que les Ukrainiens, juste un rappel pour tous les donneurs de leçons aujourd’hui dans la guerre en Ukraine ?

Le général Georgelin en tout état de cause était un grand serviteur de l’État. Nul doute aussi, que catholique fervent, que son plus grand regret là où il est, sera de ne pas voir physiquement la reconstruction achevée de la cathédrale de Notre Dame de Paris.

Général (2S) François CHAUVANCY
Général (2S) François CHAUVANCY
Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l'Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l'Union des associations des auditeurs de l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d'influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d'août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.
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