9 mars 1780 : fin de la bataille de Fort Charlotte (Alabama).
La bataille de Fort Charlotte fut un siège qui dura deux semaines et fut dirigé par Bernardo de Gálvez contre les Britanniques pour protéger les fortifications de Mobile durant la guerre d’indépendance américaine. Fort Charlotte était le poste frontalier qui menaçait La Nouvelle-Orléans dans la colonie espagnole de Louisiane.
L’armée de Gálvez navigua depuis La Nouvelle-Orléans à bord d’une petite flotte de transports le . Le 10 février, les Espagnols débarquèrent près de Fort Charlotte. La garnison britannique était supérieure en nombre aux Espagnols et elle résista jusqu’au 9 mars, jour où ils virent l’infanterie régulière et l’artillerie espagnole qui s’approchaient pour se joindre à Gálvez, ce qui les força à se rendre. Le commandant de Fort Charlotte, le capitaine Elias Durnford, pouvait s’appuyer sur l’aide de Pensacola, mais celle-ci ne vint jamais. Sa reddition assura le contrôle de la rive occidentale de la baie de Mobile et ouvrit la voie pour les opérations espagnoles contre Pensacola.
9 mars 1814 : bataille de Laon.
La bataille de Laon est une opération de la campagne de France de 1814, dans la guerre de la Sixième Coalition. Elle eut lieu les 9 et , entre l’armée impériale française, commandée par Napoléon, et l’armée prussienne commandée par Gebhard Leberecht von Blücher.
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Les Français sont vaincus dans la campagne de Russie en 1812 et celle d’Allemagne en 1813. En 1814, les Alliés décident de mettre fin aux guerres de la Sixième Coalition en envahissant la France. L’Empire français lutte désormais pour sa survie.
Au cours de la dernière semaine de février 1814, environ un mois après le début de l’invasion alliée, Blücher prend l’initiative et avance sur Paris. Les maréchaux Édouard Mortier et Auguste Marmont protègent la capitale avec deux détachements, mais, avec seulement 10 000 hommes ils ne pèsent pas lourd face aux forces de Blücher, bien supérieures en nombre. Napoléon se précipite vers l’ouest à leur secours avec près de 30 000 hommes, dans l’espoir de piéger Blücher contre la Marne.
Fin février-début mars, Blücher attaque sans succès Marmont et Mortier le long de l’Ourcq et ordonne la retraite vers le nord pour regrouper ses forces, quand il entend parler de l’avance de Napoléon. La prise de Soissons le 3 mars par les deux corps russo-prussiens de Wintzingerode et Bülow, détachés de l’armée du Nord, permet aux troupes de Blücher de traverser l’Aisne en crue le 4 mars. Des renforts du général Vorontsov les rejoignent, portant les forces de Blücher à 91 000 hommes.
Le 7 mars, Napoléon attaque le long du Chemin des Dames. C’est là qu’a lieu la bataille de Craonne. Les Français sont victorieux, mais les Alliés parviennent à se retirer vers Laon.
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Laon est un important carrefour qui offre une superbe position défensive. Blücher choisit d’y livrer bataille. En effet le plateau de Laon, qui domine la plaine d’une centaine de mètres, est défendu par des pentes abruptes. Vers le nord le paysage est plat et découvert. Au sud, le relief accidenté et boisé complique les manœuvres militaires. Au pied du plateau les villages d’Ardon et de Semilly sont comme des bastions pour les armées russes et prussiennes.
Blücher a maintenant 91 000 soldats et 176 canons. Le corps prussien de Bülow est affecté à la défense même de Laon. L’aile ouest des Prussiens est couverte par le corps russe de Wintzingerode, tandis que l’aile, située à l’est, est défendue par les corps des généraux prussiens Yorck et Kleist. Les corps des généraux Langeron et Osten-Sacken constituent la réserve.
Après la bataille de Craonne, Napoléon a envoyé le gros de ses forces vers le nord-est, détachant environ 10 000 hommes sous les ordres de Marmont vers Laon via la route venant de Berry-au-Bac.
Dans la soirée du 8 mars, des escarmouches ont lieu à Urcel, puis à Etouvelles et Chivy-lès-Étouvelles sur la route de Soissons. L’avant-garde française chasse de ce dernier village un petit détachement russe.
Aux premières heures du 9 mars, les Français continuent leur avance le long de la route. À 5 heures 30, les dragons français arrivent en face de Laon, mais ils ont perdu l’effet de surprise et se retirent sous un feu nourri. À partir de 7 heures, les Français attaquent à maintes reprises les positions d’Ardon et de Semilly. Certains éléments de la Jeune Garde atteignent même le licenciement de la colline, avant d’être refoulés.
Blücher souffre d’une fièvre qui l’empêche de suivre de près les évènements. De mauvais renseignements lui laissent à penser que les Français disposent d’au moins 90 000 hommes et il est réticent à lancer une attaque. Contre les 30 000 Français, la victoire eut été déterminante, mais dans l’incertitude réelle de la situation Blücher se contente de lancer contre le flanc gauche de Napoléon, le corps de Ferdinand von Wintzingerode qui est facilement repoussé. Vers 11 heures le brouillard se lève, et le commandement allié a enfin une vision plus claire du champ de bataille.
Blücher décide d’isoler les forces de Napoléon à l’ouest de la colonne de Marmont à l’est. Une attaque alliée très déterminée permet de reprendre le village d’Ardon, mais la brigade d’infanterie prussienne reçoit l’ordre de stopper car Blücher craint que les forces françaises ne les encerclent. Tard dans la soirée du 9 mars, une attaque des divisions des généraux Henri François Marie Charpentier et Joseph Boyer de Rébeval conduit à la prise de Clacy-et-Thierret, un village dans le flanc ouest des Prussiens. Toutefois, à la fin de la première journée de combats, Laon reste aux mains des Alliés.
Vers 17 h 00, les troupes du 6e corps de Marmont ont attaqué le village d’Athies-sous-Laon et chassé les Prussiens de leur poste avancé. À la nuit tombante, les troupes exténuées de Marmont (brigade Lucotte aux avant-postes) bivouaquent sur place, trop près des lignes prussiennes et sans se prémunir d’une éventuelle contre-attaque ennemie. À la suite des observations de plusieurs officiers d’état-major prussiens faites sur le terrain au début de la nuit, Blücher et August von Gneisenau ordonnent une puissante contre-attaque avec deux corps : ceux de Yorck et de Kleist. Celle-ci déclenchée par une nuit noire, à 19 h 00 surprend totalement toutes les unités de Marmont. La déroute est totale parmi les fantassins et cavaliers français, qui sont soit tués dans leur sommeil, soit faits prisonniers par unités entières, soit sabrés par la cavalerie ennemie.
Heureusement, deux interventions permettent à tous ces fuyards de se réorganiser pour faire retraite sur la route de Reims en bon ordre. La première est celle du colonel Charles Nicolas Fabvier que Marmont a envoyé avec 400 cavaliers et 2 canons pour établir un contact avec l’armée principale de Napoléon ; le colonel a l’heureuse initiative de faire demi-tour en entendant les bruits de la bataille, et affronte et stoppe la cavalerie de Kleist à l’aile droite du dispositif d’attaque prussien avant le village de Festieux. La seconde est celle de 125 soldats, anciens de la Vieille Garde, qui se postent au défilé du village de Festieux et repoussent la cavalerie prussienne et permettent aux troupes de Marmont de s’échapper jusqu’à Corbeny, puis à Berry-au-Bac. Dans cette affaire, appelée par les historiens « le hurrah d’Athies », Marmont perd 3 200 hommes et 45 canons.
Napoléon fait face le 10 mars à Blücher, qui, conscient de l’infériorité numérique de l’armée française, décide d’attaquer à 9 heures le village de Clacy qui résistera à cinq attaques successives par trois divisions russes du corps de Vorontsov. Napoléon prend l’offensive en dirigeant les divisions Claude Marie Meunier et Philibert Jean-Baptiste Curial en avant du village de Semilly. Elles sont prises à partie par l’artillerie russe établie sur les hauteurs de Laon et doivent se replier. L’Empereur, dès 15 heures se décide à un repli progressif et organisé; sans être poursuivi, il se dirige sur Soissons dans un premier temps, puis sur Reims où il remporte une dernière mais inutile victoire sur le général russe Guignard de Saint-Priest, fils d’émigré d’origine française.
9 mars 1831 : promulgation de la loi autorisant à la création d’une légion d’étrangers.
La création de la Légion étrangère est plus une réponse à de multiples problèmes, que connaît la nation à cette époque, qu’une réelle volonté de former une unité étrangère. Elle est en grande partie due à la révolution de Juillet et ses conséquences européennes. Elle est, et pour longtemps, une manifestation des politiques des pays étrangers. Il faut, pour bien comprendre les causes de cette création, qu’avant même cette dernière, on envisage un emploi exclusivement étranger de la Légion. Elle ne devra théoriquement combattre en aucun cas sur le territoire national.
L’une des premières causes est l’épurement de l’armée après la Révolution des Trois Glorieuses. Louis Philippe 1er marque une vraie coupure avec l’Ancien Régime, mais l’armée regorge encore de fidèles de l’ancien régime : bonapartistes ou partisans de Charles X. De la sorte, de multiples cadres et soldats de l’armée impériale reprennent du service après quinze années de repos dans la légion étrangère. De plus, il est trop dangereux pour la jeune monarchie parlementaire d’avoir en son sein de nombreux officiers de la grande armée réduit à la demi solde et parfois à l’inactivité. Il faut employer pour certains leur expérience et surtout leur esprit à autre chose que l’oisiveté qui « peut être mère de tous les vices ».
Ensuite la création de la Légion qui a vocation de combattre dans des horizons lointains est une excellente occasion pour vider les éléments dangereux ou remuants de l’armée régulière, qu’ils soient nationaux ou non. De ce fait, la Légion étrangère devient un exutoire à quelques officiers douteux, endettés ou bien à des soldats encombrants, qui ne répondent pas aux critères de moralité ou de professionnalisme de l’armée sans pour autant être bon à licencier. Mais surtout, il faut utiliser les étrangers entrant ou stationnant en France. Les crises européennes les ont jetés en masse sur le territoire sans ressources. Ceux-ci viennent des premières vagues de chômage, dû à l’industrialisation naissante. Ils sont Suisses, Belges ou Hollandais, pour la plupart. Ce sont donc des hommes sans ressources, sans avenir, qui inquiètent le gouvernement, car il faut les nourrir et ce sont souvent des populations génératrices de troubles.
Ensuite, tous les exilés des crises politiques et insurrectionnelles étrangères venus en France: La Révolution des Trois Glorieuses a amené en France de nombreux volontaires pour le combat armé. On a ainsi des cohortes de libéraux et de révolutionnaires venus dans l’espoir d’installer un régime dans la continuité de 1789. De plus, la Révolution de Juillet a entraîné de vastes mouvements insurrectionnels en Europe entière, en particulier en Italie, dans les provinces germaniques, en Pologne et en Espagne. Mais ces insurrections ont pour la plupart échoué et les gouvernements touchés ont chassé de leur territoire de nombreux révolutionnaires qui échouent en France, terre de liberté. Tous ces individus peuvent remettre le feu aux poudres dans les grandes villes telles Paris ou Lyon. Ils deviennent donc la menace la plus dangereuse pour l’État, aussi bien pour la stabilité du royaume que pour son économie, il est donc urgent de les rassembler et de les éloigner.
Il faut rajouter également que les anciens mercenaires suisses, allemands, ou du régiment Hohenlohe seraient bien mieux, à constituer le noyau dur de l’encadrement et de la formation de cette future Légion que d’être réduits au chômage (il est toujours dangereux pour un pays d’abriter de nombreux mercenaires étrangers désœuvrés). Enfin ces combattants, pour certains fort expérimentés, seraient utiles pour le prochain dur combat pour lesquels ils sont en majorité engagés : la conquête de l’Algérie.
Dès la fin des années 1820, des troubles apparaissent entre la France et l’Algérie. Alger réclame le payement d’une créance vieille du Directoire. Le consul général de France est envoyé afin de rencontrer le dey d’Alger : Hussein Pacha. Ce dernier provoque le consul français. En conséquence, la France entame un blocus naval d’Alger grâce à la force maritime du capitaine de vaisseau Collet. Après une tentative de négociation en qui se révèle infructueuse, le comte de Bourmont, ministre de la guerre, et le baron d’Haussez, ministre de la marine, organisent la formation d’une expédition vers Alger. Ainsi, 36 450 hommes et plus de 650 navires partent de Toulon le et débarquent le . La conquête de l’Algérie vient de débuter. Les troupes progressent vite et Alger tombe le . Le dey d’Alger est contraint à l’exil.
Si la conquête de l’Algérie semble d’abord résoudre un problème diplomatique, c’est avant tout une campagne de prestige. Charles X, en mauvaise grâce à l’époque, espère une victoire rapide pour rehausser son image. Ensuite, c’est le tout début de la colonisation. La France se pose en puissance européenne et essaye de gagner de l’influence par des possessions outre-mer.
Mais dès lors, l’armée piétine. L’insécurité est aux portes d’Alger. De plus, si les hommes ont pu montrer quelque enthousiasme en juin 1830, le moral est maintenant bas et la guerre, très impopulaire. Les demandes de renforts soulèvent l’opinion. Charles X déposé, on ne peut pas faire machine arrière. Louis Philippe 1er est pacifiste et ne veut pas braquer l’opinion nationale et militaire en une conquête coûteuse en vie française. Son seul recours est l’utilisation de troupes étrangères et comme le royaume est réduit, on ne peut pas lever des contingents dans les terres occupées comme au temps de Napoléon. Il va donc falloir utiliser une troupe mercenaire.
Voici l’ordonnance royale qui crée la Légion étrangère :
Louis-Philippe, roi des Français, à tous présents et à venir salut ;
Vu la loi du :
Sur le rapport de notre Ministre Secrétaire d’État au Département de la Guerre : Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1 – Il sera formé une Légion composée d’étrangers. Cette Légion prendra la dénomination de Légion Étrangère.
Art.2 – Les bataillons de la Légion Étrangère auront la même formation que les Bataillons d’infanterie de ligne.
Art.3 – Pour la solde, les masses et son administration, la Légion Étrangère sera assimilée aux régiments français. L’uniforme sera bleu avec le simple passepoil garance et le pantalon de même couleur, les boutons seront jaunes et porteront les mots Légion Étrangère.
Art.4 – Tout Étranger qui voudra faire partie de la Légion Étrangère ne pourra y être admis qu’après avoir contracté, devant un sous-intendant militaire, un engagement volontaire.
Art.5 – La durée de l’engagement sera de trois ans au moins et de cinq ans au plus.
Art.6 – Pour être reçus à s’engager, les Étranger devront n’avoir pas plus de quarante ans, et avoir au moins dix-huit ans accomplis, et la taille de 1m55. Ils devront en outre être porteur d’un certificat d’acceptation de l’autorité militaire constatant qu’ils ont les qualités requises pour faire un bon service.
Art.7 – En l’absence de pièces, l’Étranger sera envoyé devant l’Officier Général qui décidera si l’engagement peut être reçu.
Art.8 – Les militaires faisant partie de la Légion Étrangère se pourront rengager pour deux ans au moins et cinq ans au plus. Les rengagements ne donneront droit à une haute paie qu’autant que les militaires auront accompli cinq ans de service.
Art.9 – Notre Ministre Secrétaire d’État au Département de la Guerre est chargé de l’exécution de la présente ordonnance. Par le Roi :
Le Ministre Secrétaire d’État de la Guerre Signé : Maréchal SOULT Duc de Dalmatie.
signé : LOUIS-PHILIPPE
La Légion étrangère est ainsi créée par ordonnance royale le . La loi est ensuite signée par Louis Philipe 1er et le secrétaire d’État à la guerre le maréchal Soult.
L’ordonnance donne immédiatement le cadre quant à l’usage et la formation de cette unité :
La première particularité est l’engagement par volontariat : article 4. On se trouve, donc, dans un chemin analogue de l’armée française qui pratique à l’époque la conscription réglée par la loi Gouvion-Saint-Cyr de , qui base la conscription sur le volontariat et un tirage au sort des appelés. Ensuite tous les étrangers volontaires, et ce quelle que soit leur nationalité, sont dirigés vers la Légion étrangère. On ne constitue plus de régiments par nationalité. Ainsi, toutes les origines y seront mélangées. De plus, la Légion étrangère sera assimilée à l’infanterie de ligne : Art.2 – Les bataillons de la Légion Etrangère auront la même formation que les Bataillons d’infanterie de ligne. Ce n’est donc pas une troupe mercenaire. Elle fait partie au même titre des autres régiments et bataillons de l’armée française. L’ordonnance renseigne également sur l’uniforme : Art.3 – Pour la solde, les masses et son administration, la Légion Etrangère sera assimilée aux régiments français. L’uniforme sera bleu avec le simple passepoil garance et le pantalon de même couleur, les boutons seront jaunes et porteront les mots Légion étrangère. Il s’agit de l’uniforme standard de l’infanterie de ligne de cette époque, car la Légion ne possède encore ni cavalerie, ni artillerie, ni génie, comme aujourd’hui.
9 mars 1890 : naissance de l’homme politique et diplomate soviétique Viatcheslav Mikhaïlovitch Molotov.
Viatcheslav Mikhaïlovitch Molotov, né le 9 mars 1890 (calendrier grégorien) à Koukarka et mort le à Moscou) est un journaliste, homme politique et diplomate soviétique. Chef du gouvernement de l’URSS de 1930 à 1941, ministre des Affaires étrangères jusqu’en 1949, membre titulaire du Politburo de 1926 à 1957, il est considéré comme le bras droit de Joseph Staline. Il demeure un membre influent du Parti communiste de l’Union soviétique jusqu’à son éviction, lors de la déstalinisation.
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En 1917, il est, avec Alexandre Chliapnikov, le plus ancien bolchevik à Pétrograd lorsque éclate la révolution de Février. Alors que Lénine est encore en exil en Suisse, il se rallie à l’analyse et à la politique de Lénine, mais son rôle dans la révolution d’Octobre et dans la guerre civile russe reste obscur. Son ascension dans les hautes sphères du parti et de la nomenklatura commence en 1921, année où il fut nommé membre candidat du Politburo ; à cette époque, son ascension est contestée par Lénine, qui l’accuse de « bureaucratisme scandaleux et totalement inepte », et par Trotski. Tout au long de sa carrière, il manifeste ostensiblement son entière obéissance à Joseph Staline, au point que ce dernier l’autorise à manifester de temps en temps des désaccords, qui deviendront des critiques après la mort de Staline. L’obéissance de Molotov se manifesta aussi sur le plan privé, lorsqu’il resta sans réaction le face à la mise en cause de son épouse Polina Jemtchoujina, accusée d’avoir des « connexions avec des éléments ennemis, facilitant ainsi leurs missions d’espionnage » — Polina est alors exclue du Comité central —, et d’avoir, en , « trahi l’Union soviétique » ; elle est alors condamnée de cinq ans de relégation dans l’oblast de Koustanaï, au Kazakhstan, et ne sera libérée qu’en 1953 grâce à Beria.
Le , à la suite de manœuvres de Staline, il est élu « Président du Sovnarkom » par le Comité central, soit l’équivalent soviétique d’un Premier ministre ; il conservera ce poste jusqu’au . Il fut également secrétaire du Comité central jusqu’en 1935. À la fin des années 1930, il fit partie avec Lazare Kaganovitch, Nikolaï Iejov et Kliment Vorochilov du groupe restreint de cinq membres qui prenait toutes les décisions importantes en compagnie de Staline.
À ce titre, il fut un des chefs de la « dékoulakisation » dans les campagnes (1930-1933). Il n’hésita pas à se rendre en Ukraine pour conforter la politique stalinienne et « inciter les communistes défaillants à rester fermes contre les paysans révoltés » ; il se fit à ce sujet remarquer par Staline, qui lui écrivit : « Je pourrais te couvrir de baisers de gratitude pour ce que tu as fait là-bas. »
Pendant les Grandes Purges de 1937-1938, Molotov fut le dirigeant soviétique le plus souvent reçu dans le bureau de Staline au Kremlin, avant même le chef suprême de la police politique Nikolaï Iejov. Il ne se cacha jamais d’avoir soutenu fermement la politique de la Grande Terreur, qui aboutit à 680 000 exécutions en deux ans et à l’envoi de centaines de milliers de personnes au Goulag. Sa signature apparaît aux côtés de celle de Staline sur de très nombreuses listes de condamnations à mort collectives.
Dans des entretiens dans les années 1970 avec le journaliste Félix Tchouïev, Molotov fut sans ambiguïté : Staline était le principal responsable de la Terreur, « et nous l’encouragions, qui étions actifs, j’ai toujours été actif, toujours favorable à ce que des mesures soient prises ». Comme membre du Politburo, il continua d’approuver fermement les exécutions en masse des « ennemis du peuple ». Molotov est ministre des Affaires étrangères de 1939 à 1949.
Quand Staline apprend le projet de bombe atomique américaine, c’est encore Molotov qui supervise le projet de bombe atomique soviétique. Comme Staline ne peut se déplacer à cause de la guerre, il envoie Molotov négocier à Londres et Washington. Il accompagne aussi Staline à Téhéran, à Yalta, et à Potsdam et il représente l’URSS à la fondation de l’ONU.
Durant la guerre, les Allemands, ayant capturé son cousin Vassili Kontouline, ne le placèrent pas en camp de prisonniers de guerre mais le gardèrent en otage jusqu’à la fin de la guerre, dans l’éventualité d’obtenir quelque avantage en échange de sa libération9.
C’est au cours de la Seconde Guerre mondiale que par un hommage ironique des soldats finlandais, son nom est donné au cocktail Molotov, un mélange inflammable utilisé pour stopper l’avancée des chars.
Il signe le Pacte germano-soviétique avec le régime hitlérien en et, le , il signe, comme tout le Politburo, l’ordre (préparé par Lavrenti Beria) d’exécuter des milliers de prisonniers de guerre polonais, surtout des officiers, qui est connu comme le Massacre de Katyń.
Le dimanche à 4 heures du matin, les troupes allemandes franchissent la frontière occidentale de l’URSS. À 5 h 30, l’ambassadeur du Reich à Moscou, Friedrich-Werner von der Schulenburg, vient à la rencontre de Molotov et lui remet une déclaration affirmant que le gouvernement soviétique entreprend une politique de subversion en Allemagne et dans tous les pays qu’il occupe, ainsi qu’une politique étrangère dirigée contre l’Allemagne, et « concentre toutes ses troupes sur la frontière allemande en les préparant pleinement au combat ». La déclaration se clôture par ces mots : « Le Führer ordonne donc aux forces armées allemandes de faire face à cette menace avec tous les moyens à leur disposition ». Peu après midi, alors que la Wehrmacht s’est déjà enfoncée de plusieurs dizaines de kilomètres en territoire soviétique, c’est lui qui annonce la nouvelle de l’invasion aux citoyens de l’URSS. Son discours, diffusé à la radio, se termine par la phrase suivante restée célèbre : « Notre cause est juste, l’ennemi sera vaincu, la victoire sera à nous ! ». Le lendemain, Molotov convoque le chargé d’affaires finlandais Paavo Hynninen pour lui demander de clarifier expressément la position de son pays. En effet, même si la Finlande empêche pour l’instant les unités allemandes stationnées à Petsamo et Salla de traverser la frontière, les avions de la Luftwaffe qui participent au bombardement des villes soviétiques utilisent d’ores et déjà les aérodromes finlandais comme bases de ravitaillement. De plus, dans son discours de la veille, Hitler y est allé de sa petite phrase pour les troupes allemandes qui « en alliance avec les camarades finlandais… défendent la terre finlandaise ». Devant Molotov, Hynninen témoigne de son incompréhension.
Le , Molotov envoie une missive à l’ambassadeur soviétique à Washington D.C., Konstantin Oumanski, dans laquelle il lui dit : « Vous devriez immédiatement vous rendre auprès de Roosevelt ou Hull et demander quelle est l’attitude du gouvernement américain vis-à-vis de cette guerre et de l’URSS. Les questions sur l’aide ne devraient pas être abordées maintenant. »
Le le Præsidium du Soviet suprême, le Sovnarkom et le Comité central du PCUS établissent, par le biais d’une résolution conjointe, le Comité d’État à la Défense, un cabinet de guerre d’urgence pour gérer l’agression nazie. Avec l’approbation de Staline, Molotov accède à sa vice-présidence.
Le , Molotov et l’ambassadeur britannique Stafford Cripps signent un accord au nom de leurs nations respectives. Les relations du gouvernement soviétique avec les autres pays de la coalition anti-hitlérienne dont les gouvernements sont en exil à Londres (Belgique, Norvège, Pologne, Tchécoslovaquie, etc.) sont rétablies en conséquence.
Le , Molotov informe son ambassadeur en Turquie, Sergueï Vinogradov, que le gouvernement soviétique reconnaît Charles de Gaulle comme le chef des antifascistes français et est disposé à établir des relations officielles avec la France libre.
Du au , se tient à Moscou une conférence à laquelle participent l’Union soviétique, les États-Unis et le Royaume-Uni. Au cours de la conférence, les questions de livraison de biens militaires à l’URSS sont tranchées. S’exprimant lors de la séance de clôture, Molotov déclare qu’un « puissant front de peuples épris de liberté a été créé sous la direction de l’Union soviétique, de l’Angleterre et des États-Unis d’Amérique ». En , le Commissariat du Peuple aux Affaires étrangères de l’URSS, ainsi que le corps diplomatique, sont évacués vers Kouïbychev, mais Molotov, comme Staline, décide de rester à Moscou pour la bataille décisive. Dans la capitale menacée, Molotov s’intéresse aux livraisons d’armes britanniques et américaines ainsi qu’à l’ouverture d’un second front à l’Ouest, réclamée par Staline.
Le , lors de la catastrophe de Viazma, Molotov se rend sur le front pour la seule fois de la guerre en compagnie de Mikoïan, de Malenkov, de Vorochilov et de Vassilievski qui dirige l’essentiel des activités de la délégation.
9 mars 1934 : naissance du pilote de chasse puis cosmonaute Youri Gagarine, premier être humain à avoir effectué un vol dans l’espace en 1961.
Youri Gagarine, né le et mort le , est un pilote et cosmonaute soviétique, premier être humain à avoir effectué un vol dans l’espace au cours de la mission Vostok 1, le , dans le cadre du programme spatial soviétique.
Youri Gagarine acquiert une notoriété internationale. Il est décoré de nombreuses distinctions, dont celle de héros de l’Union soviétique et de la médaille de l’ordre de Lénine, les plus hautes distinctions soviétiques. La mission Vostok 1 est son seul voyage spatial, mais il fut aussi doublure de secours de Vladimir Komarov pour la mission Soyouz 1. Il meurt à 34 ans au cours d’un entraînement aérien aux commandes de son MiG-15. Son nom a été donné à un cratère lunaire et à un astéroïde.
9 mars 1944 : mort à 32 ans de l’agent de renseignement soviétique Nikolaï Ivanovitch Kouznetsov.
Nikolaï Kouznetsov est né le 27 juillet 1911 dans une famille de paysans de la région de Iekaterinbourg. Il étudia d’abord la sylviculture dans une école technique. Après la découverte de ses talents linguistiques, il apprit l’allemand, l’espéranto, le polonais, l’ukrainien et le komi. En 1932, il s’inscrivit à l’Institut industriel de Sverdlovsk tout en continuant à étudier l’allemand et d’autres langues étrangères.
En 1938, Kouznetsov partit pour Moscou et entra au NKVD. Lorsque l’Union soviétique fut plongée dans la Seconde Guerre mondiale, il fut envoyé, à sa demande, dans l’Ukraine occupée par l’Allemagne et se joignit à des unités de partisan. En 1942, il combattit en tant que membre du groupe de guérilla « Vainqueurs », dirigé par Dmitri Medvedev, dans le centre et l’ouest de l’Ukraine. Il dirigea plusieurs opérations complexes, y compris l’assassinat ou l’enlèvement de hauts fonctionnaires nazis dans les régions de Rivne et de Lvov, mena avec succès des opérations contre le juge en chef de l’Ukraine nommé par les Allemands, le vice-gouverneur de la Galicie, le conseiller impérial du Reichskommissar de l’Ukraine, trois généraux allemand, etc. Kouznetsov fut également le premier agent de renseignement à révéler que les Allemands envisageaient de lancer une attaque massive de blindés dans la région de Koursk et il fournit des informations sur les fusées allemandes V-2 ainsi que sur le plan de Hitler visant à assassiner les chefs de l’Union soviétique, des États-Unis et du Royaume-Uni pendant la conférence de Téhéran.
Le , il fut tué dans un échange de tirs avec des membres de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne près de la ville de Lvov, qui avaient pris Kouznetsov pour un déserteur allemand car il portait un uniforme de la Wehrmacht.
Nikolaï Kouznetsov a été nommé à titre posthume Héros de l’Union soviétique.
Un astéroïde (2233) Kuznetsov découvert en 1972 par l’astronome soviétique Lioudmila Jouravliova a été nommée en son honneur, ainsi que la ville de Kouznetsovsk, en Ukraine, fondée en 1973 près de la centrale nucléaire de Rivne en construction (la ville pris le nom de Varach en ).
9 mars 1945 : coup de force japonais en Indochine.
Les forces japonaises (65 000 hommes) occupent l’Indochine depuis la défaite française de juin 1940 mais n’ont pas revendiqué le pays, ni démembré la petite armée française locale (20 000 Français et 40 000 Indochinois) avec laquelle elles sont imbriquées. La situation générale du Japon devenant critique, les Nippons veulent empêcher que l’Indochine serve de base d’attaque vers leur archipel et prennent le contrôle par surprise de la péninsule.
Le général Tsushibashi invite officiellement les autorités françaises à dîner et en profitent pour procéder au coup de main dans toute l’Indochine. La surprise est grande mais la combativité des garnisons attaquées est excellente. Le comportement des militaires nippons est ahurissant puisque ils procèdent à l’exécution (au sabre) de nombreux prisonniers désarmés, dont le général Lemonnier et des administrateurs. Au total, la prise de contrôle cause la mort de 2650 Français. Les scènes d’horreur sont nombreuses notamment en ce qui concerne les familles européennes. Sous les ordres du général Alessandri, un groupement de quelques milliers d’hommes s’échappe dans une longue marche et livre de durs combats de guérilla tant contre les japonais que des bandes chinoises qui cherchent à s’emparer de leur matériel.
Le commandement allié de la zone, assumé par les Américains applique la doctrine du président Roosevelt pour la décolonisation et abandonne complètement ce groupement à son sort. Seul l’amiral britannique Mountbatten enfreint les consignes pour, aussi souvent que possible, intervenir au profit d’Alessandri par des parachutages de vivres et matériels, des missions d’appui aérien ou encore des évacuations sanitaires.
Lire aussi sur TB : Septembre 1945, les marsouins rétablissent l’ordre et la sécurité à Saigon.
9 mars 1952 : mort à 79 ans de la diplomate soviétique d’Alexandra Kollontaï, probablement la première femme à avoir été officiellement élevée au rang d’ambassadrice.
Alexandra Mikhaïlovna Kollontaï (nom de jeune fille, Domontovitch), née le 19 mars 1872 ( dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg et morte le à Moscou, est une femme politique socialiste, communiste et militante féministe marxiste soviétique. Elle a été la première femme de l’histoire contemporaine à être nommée à la tête d’un ministère et à devenir ainsi membre à part entière du conseil du gouvernement (que l’on avait rebaptisé Conseil des commissaires du peuple dans la Russie révolutionnaire). Elle a également été l’une des premières diplomates femmes du XXe siècle (probablement la première à avoir été officiellement élevée au rang d’ambassadrice.
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Née en 1872, fille unique du général de l’armée tsariste Mikhaïl Domontovitch, issue de l’aristocratie, Alexandra Domontovitch reçoit une éducation soignée et polyglotte. Ses origines partiellement caréliennes lui permettent d’acquérir une bonne connaissance de la culture et de la langue finnoises, ce qui oriente sa carrière à partir de 1939.
Après avoir refusé, à l’âge de 17 ans, un mariage arrangé, elle épouse à l’âge de 20 ans un jeune officier dont elle est éprise, Vladimir Kollontaï, avec lequel elle a un enfant et prend son nom en 1893. En 1896, lassée de la vie de couple, elle rompt avec son milieu d’origine et part étudier l’économie politique à l’université de Zurich, où elle devient progressivement marxiste. Appréciant les voyages, elle parcourt l’Europe, notamment la France, l’Allemagne et l’Italie. Elle se lie avec Lénine et Gueorgui Plekhanov, en exil en Suisse, ainsi qu’avec d’autres figures révolutionnaires, à l’instar de Rosa Luxemburg en Allemagne ou Paul Lafargue en France.
Alexandra Kollontaï adhère au marxisme et au POSDR en 1898. En 1903 se produit la scission entre bolcheviks et mencheviks : rejetant dans un premier temps l’organisation militarisée des bolcheviks, elle rejoint les mencheviks. Elle revient un temps en Russie pour participer à la révolution de 1905.
En 1908, elle est obligée de s’exiler en Allemagne et se rend ensuite dans toute l’Europe occidentale, faisant connaissance avec les plus importantes figures du socialisme international, comme Karl Kautsky, Clara Zetkin, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. En 1911, elle entame une relation d’amour avec un compagnon d’exil, Alexandre Chliapnikov. Ils formaient un couple atypique : elle était une intellectuelle menchevique, d’origine noble, treize ans plus âgée que son amant ; lui était un métallurgiste autodidacte venu de la province russe et un leader bolchevique d’une certaine importance. La liaison se termine en 1916, mais deviendra bientôt une amitié profonde fondée sur une correspondance générale d’idéaux politiques, qui se poursuivra jusqu’au commencement des années 1930, désormais en plein stalinisme.
En 1914, elle s’oppose à la Première Guerre mondiale, et pour cette raison rejoint les bolcheviks, en 1915. Elle déclarait ainsi en 1912 : « Le prolétariat russe, aux côtés de celui du monde entier, proteste contre toutes les guerres. C’est un fait bien connu que le prolétariat ne connaît aucune frontière nationale. Il ne reconnaît que deux « nations » dans le monde civilisé : les exploiteurs et les exploités. »
Elle se réfugie quelque temps en Europe du Nord puis aux États-Unis. Elle participe à la révolution de 1917 et devient commissaire du peuple à l’Assistance publique (qui correspond aux actuels ministères de la santé) dans le gouvernement des soviets, de à , ce qui fait d’elle la première femme du monde moderne à avoir participé à un gouvernement. Pendant la période révolutionnaire, elle épouse en secondes noces le marin bolchevique Pavel Dybenko, 17 ans plus jeune qu’elle, tout en conservant le nom de famille du premier mariage.
En 1919, elle crée le Jenotdel (département du parti chargé des affaires féminines) avec Inès Armand, ainsi que la revue La Communiste qui en est l’organe.
Alexandra Kollontaï est rapidement en désaccord avec la politique du parti bolchevik, d’abord avec l’étatisation de la production au lieu de la collectivisation, puis avec la réduction des libertés politiques, les conditions du traité de Brest-Litovsk et la répression contre les autres révolutionnaires. En 1918, elle fait partie de la tendance « communiste de gauche », qui publie la revue Kommunist. Elle se rallie en janvier 1921 à une fraction du parti, « l’Opposition ouvrière » conduite par Alexandre Chliapnikov et par Sergheï Medvedev, qui réclame plus de démocratie, l’autonomie des syndicats et le contrôle ouvrier sur la production industrielle. Toutefois, au cours du Xe Congrès du Parti communiste, qui a lieu en , le droit de fraction est supprimé et l’Opposition ouvrière est dissoute. Les principaux représentants du courant ne cessent pourtant pas leur activité politique. Au mois de juillet, Alexandra Kollontaï prend la parole, au nom des autres, devant le 3e Congrès de l’Internationale Communiste (Komintern) et attaque durement la Nouvelle politique économique (NEP) soutenue par Lénine, accusée de démoraliser la classe ouvrière en galvanisant parallèlement les paysans et la petite bourgeoisie, et de conduire à la restauration du capitalisme. En février 1922, elle contresigne une lettre ouverte adressée à l’Internationale communiste par 22 ex-représentants de la fraction, y compris Chliapnikov et Medvedev, et d’autres communistes d’extraction ouvrière, et cherche en vain à prendre la parole devant le Comité exécutif de l’Internationale pour en exposer la teneur. Au XIe Congrès du parti russe, qui se déroule entre mars et avril de la même année, Kollontaï, Chliapnikov, Medvedev et deux autres signataires de l’appel sont accusés de fractionnisme et menacés d’expulsion. Toutefois, le congrès décide de permettre aux trois de rester, à condition que la conduite fractionniste ne se répète pas à l’avenir, alors que les deux autres, Flor Anissimovitch Mitine (1882-1937) et Nikolaï Vladimirovitch Kuznetsov (1884-1937), sont expulsés avec effet immédiat. Le discours que Kollontaï prononce devant le congrès pour se défendre sera probablement le dernier acte significatif de sa vie politique en tant qu’opposante.
Alexandra Kollontaï devient chargée d’affaires et peu après ministre plénipotentiaire de l’Union soviétique en Norvège en 1924 — elle y était attachée commerciale depuis 1922, mais ce n’était pas encore une légation à proprement parler — ce qui revient à un exil de fait et lui interdit toute action dans la vie politique soviétique. Cela fait néanmoins d’elle l’une des premières femmes diplomates (les premières étant l’Arménienne Diana Abgar, la Hongroise Rosika Schwimmer et la Bulgare Nadejda Stanchova. Elle n’est pas formellement inquiétée, mais les journaux de l’époque l’attaquent avec virulence en mettant l’accent sur sa vie sentimentale sulfureuse, n’hésitant pas à la surnommer : « la scandaleuse » ou « l’immorale ». Alors qu’elle effectue un voyage aux États-Unis en qualité de représentante du Parti, les journaux soviétiques titrent : « La Kollontaïnette part pour l’étranger ; si ça pouvait être pour toujours ! » Cet éloignement lui permet cependant d’échapper aux purges staliniennes (et à la potence), qui frapperont notamment ses anciens camarades de l’Opposition ouvrière et son propre ex-mari, Pavel Dybenko, au cours des années 1930.
Elle marque son mandat en récupérant l’or que l’ancien chef du gouvernement provisoire de la Russie Aleksandr Kerenski avait transféré en Finlande.
Après des missions diplomatiques saluées — en tant que ministre et « représentante commerciale » — au Mexique (1926-1927) et à nouveau en Norvège (1927-1930), Alexandra Kollontaï est envoyée en 1930 — encore en tant que « ministre plénipotentiaire » — en Suède, où elle demeure après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, entre 1940 et en 1944. En 1936, elle rencontre à Stockholm Marcel Body, qu’elle avait connu à Paris avant 1914 et lui transmet l’annonce de contacts secrets entre Hitler et Staline, parce que ce dernier craint plus que tout une guerre avec le Reich, information qu’elle autorise Body à transmettre à Léon Blum, qui refusa d’y croire. En passant cette information, Alexandra Kollontaï prenait un risque énorme pour elle-même et sa famille. De retour à Moscou, elle est longuement interrogée par le chef du NKVD, Iejov, sur ses relations avec Body mais écarte ses soupçons. Elle rencontre en le ministre de Belgique à Stockholm, le prince Réginald de Croÿ, et lui déclare : « L’intérêt évident des puissances européennes est de s’opposer à l’impérialisme allemand. Il est évident que le danger allemand est plus grand qu’on a cru ». Elle mène les négociations pour les deux armistices entre l’URSS et la Finlande, en 1940, après la Guerre d’Hiver, et en 1944. En 1943, lorsque la légation soviétique à Stockholm est élevée au rang d’ambassade, elle aussi est enfin officiellement promue ambassadrice. En août 1942, elle est victime d’un AVC qui la rend paralysée du côté gauche et aphasique pendant plusieurs mois ; elle ne se déplacera plus qu’en chaise roulante. En 1944, elle négocie également, avec le diplomate roumain Neagu Djuvara, les termes de l’armistice avec la Roumanie. En 1945, doyenne du corps diplomatique, personnalité en vue de la capitale suédoise, elle donne une réception de départ où se rend le Tout-Stockholm. Des hommes et femmes politiques scandinaves, dont le président finlandais et ancien ambassadeur à Moscou, Juho Kusti Paasikivi, proposeront sa candidature pour le prix Nobel de la paix, en 1946 et 1947.
Cependant, elle ne manque pas de dureté lorsqu’elle expose et défend les positions du gouvernement stalinien de son pays, dont elle est l’interprète scrupuleuse. À propos des prisonniers de guerre russes de la Seconde Guerre mondiale, considérés par principe comme des déserteurs par le gouvernement soviétique ou, au mieux, comme « des couards et des paniqueurs » et ainsi devenus « victimes de deux dictatures », Nicolas Werth rapporte : « L’URSS ne reconnaît pas l’existence de prisonniers de guerre soviétiques », déclara en décembre 1941 Aleksandra Kollontaï, la plus célèbre égérie bolchevique féministe, ambassadrice de l’URSS à Stockholm, alors que la Croix-Rouge internationale proposait sa médiation auprès des autorités allemandes pour tenter d’alléger le sort des captifs soviétiques. Elle ajoutait : « Ceux qui se rendent aux Allemands sont des déserteurs. »
Les Grandes purges des années 1930 ayant particulièrement renouvelé l’appareil diplomatique soviétique (auxquelles elle échappe avec certains anciens bolcheviks comme l’ambassadeur à Londres Ivan Maïski), elle regrette, après la Seconde Guerre mondiale, l’équipe de Maxime Litvinov et sa pratique de la diplomatie : « Si, depuis la fin de la guerre, […] nous avions mené une politique extérieure plus souple, « raisonnable », sans les efforts acharnés et maladroits des « juristes » pour compliquer les questions, nous aurions pu freiner […] le processus d’hostilité et de réaction. L’objet de la diplomatie est précisément d’obtenir le maximum d’avantages pour son pays dans des circonstances défavorables. Depuis la fin 1945, notre diplomatie a suivi un autre chemin. L’ignorance de la psychologie des leaders des autres pays […] voilà ce qui a suscité des difficultés inutiles là où elles auraient pu être évitées ».
Comme ses collègues Litvinov et Maïski, elle échappa aux Purges grâce à ses succès diplomatiques, où elle sut montrer son savoir-faire : Staline jugeait nécessaire de garder ce type de personnalités pour atténuer des tensions trop vives avec les Occidentaux.
Elle a animé des séminaires sur l’histoire des relations internationales et celle de la politique extérieure soviétique à l’Institut de préparation des travailleurs diplomatiques et consulaires, créé par Maxime Litvinov en .
Alexandra Kollontaï renonce en mars 1945 à ses fonctions et termine sa vie à Moscou, où elle décède en 1952. Elle est enterrée au cimetière de Novodevitchi lors d’une cérémonie où est louée sa carrière de diplomate, occultant son rôle dans la révolution et le parti communiste.
9 mars 1964 : mort à 93 ans du général allemand Paul Emil von Lettow-Vorbeck.
Né à Sarrelouis le , Lettow-Vorbeck est issu d’une famille de la vieille noblesse poméranienne immigrée de Bohême-Moravie au XIIIe siècle. Son père Paul Karl von Lettow-Vorbeck, futur général d’infanterie, est alors capitaine et commande une compagnie dans cette ville au bord de la Sarre. Sa mère, Marie, née Eisenhart-Rothe est également originaire de Poméranie et issue d’une famille de militaires. Il était le neveu par alliance de Bernhard von Bismarck, frère du chancelier Otto von Bismarck.
La famille déménage au gré des affectations du père d’abord à Brandebourg-sur-la-Havel puis à Berlin en 1878, où il étudia deux ans au Collège français de Berlin, et Francfort-sur-l’Oder en 1880. Il étudia l’art militaire à l’École d’artillerie.
Il est envoyé en 1900-1901 en Chine pour combattre la révolte des Boxers. Il est affecté ensuite de 1904 à 1908 dans le Sud-Ouest africain allemand (actuelle Namibie) pour ramener l’ordre dans les territoires affectés par la rébellion des Hottentots et des Héréros. C’est au cours de cette campagne que, blessé à l’œil gauche, il est envoyé en convalescence en Afrique du Sud, où il se lia d’amitié avec Jan Smuts, contre lequel il combat ultérieurement pendant la Campagne d’Afrique orientale de la Première Guerre mondiale. De janvier 1909 à janvier 1913, il est commandant du 2e Bataillon impérial d’infanterie de marine. Il sert également au Cameroun allemand, où il commande les forces coloniales allemandes de tirailleurs connues sous le nom de Schutztruppe. Il fait la connaissance à bord du bateau l’emmenant en Afrique orientale allemande en 1913 de la future baronne Blixen et femme de lettres, avec qui il a des conversations littéraires et qui l’aide à se procurer des chevaux sans savoir que la guerre serait proche. Elle correspond bien des années plus tard avec lui et vient voir à la fin de sa vie cet officier qu’elle considérait comme un homme d’honneur.
En 1914, Lettow-Vorbeck est nommé commandant des minuscules forces allemandes (200 officiers européens et quelques compagnies d’Askaris) de la Deutsch-Ostafrika. Officier ouvert d’esprit et parfait gentleman, il parle couramment les langues indigènes et est hautement respecté par tous les hommes servant sous ses ordres.
À la déclaration de la guerre, en , il comprend instinctivement la nécessité de prendre l’initiative avec sa petite troupe de protection, nonobstant les pactes politiques conclus entre les politiciens locaux des deux camps. Il ignore donc délibérément les ordres de Berlin et du gouverneur général, Heinrich Schnee, qui avaient négocié un pacte tacite de non-agression entre le Kenya britannique et la colonie allemande d’Afrique orientale, tant l’un et l’autre étaient dépourvus de tout sur le plan militaire.
Convaincu que les Britanniques trahiraient la parole donnée à la première occasion, il anticipe un assaut amphibie des forces britanniques de l’armée des Indes contre la colonie et planifie la défense de la ville de Tanga contre laquelle est effectivement menée une attaque britannique du 2 au .
Cette ville, située sur un haut plateau à 80 km de la frontière de l’Afrique de l’Est (actuel Kenya), était à la fois un port et le point de départ de la voie ferrée stratégique d’Usambara qui menait au pied du Kilimandjaro. Initialement, Tanga aurait dû être bombardée par des navires de guerre britanniques. Ce plan est abandonné après un accord d’évacuation de la population. Bien que les Britanniques aient rompu cet accord dès l’arrivée du HMS Fox, cela avait laissé suffisamment de temps au lieutenant-colonel von Lettow-Vorbek pour organiser la défense de la ville. Il complète ses effectifs, initialement une simple compagnie, avec le maximum de soldats qu’il peut faire progresser vers Tanga et ce malgré un manque désespérant de vivres et de munitions.
Dès les premiers jours, l’attaque menée par le général Arthur Aitken avec 8 000 Indiens réservistes tourne au désastre face aux 1 100 hommes déterminés que Lettow-Vorbeck avait réussi à rassembler. Le 3, c’est vraiment par hasard que les troupes mal entraînées du général Aitken ne sont pas rejetées à la mer. Le second jour, Aitken ordonne une attaque qui est repoussée par la garnison de Tanga fortement embusquée. Dans l’après-midi, cela tourne au combat d’embuscade dans la jungle. Le , Lettow-Vorbeck déclenche une offensive qui oblige les Indiens à réembarquer sans armes ni bagages. Dans leur désastreuse retraite, ils abandonnent des fusils, des mitrailleuses et plus de 600 000 cartouches qui seront bien utiles aux Allemands pour poursuivre le combat. Un armistice est conclu le pour évacuer les blessés. Le bilan est de 487 blessés et de 360 tués pour la Brigade indienne, contre 81 blessés et 61 tués pour le camp allemand. Lettow-Vorbeck, en parfait gentleman, rencontre Aitken sous le drapeau blanc des parlementaires et, autour d’une bouteille de cognac, échangea avec son adversaire divers commentaires sur les combats des jours précédents. Il fournit également des médicaments allemands pour que les blessés indiens soient soignés.
Poussant son avantage, il rassemble ses troupes et ses maigres approvisionnements et se lance résolument à l’attaque du réseau ferroviaire de l’Afrique de l’Est britannique, qu’il malmène en plusieurs points stratégiques. Au cours de cette expédition, il est cependant confronté à une force britannique largement supérieure en hommes et en matériel, à Jassin. Cependant des troupes venues du Congo belge attaquaient à l’ouest en utilisant pour franchir le lac Tanganyika des hydravions, à l’époque arme nouvelle en Afrique qui permettait de bombarder les lignes allemandes et la petite flotte que les Allemands étaient parvenus à installer sur le lac et qui est anéantie.
À cette bataille de Jassin, le , il écrase de nouveau les Britanniques, à la stupéfaction des deux camps, mais au prix de la perte de nombreux soldats expérimentés et de son commandant en second, le transfuge britannique Tom von Prince, dont le remplacement s’avère une tâche difficile. Cependant, le moral de ses troupes en sort globalement au plus haut et ce en des moments de grande nécessité.
Le point de vue de Lettow-Vorbeck sur cette lutte apparemment sans espoir contre un adversaire théoriquement supérieur sous tous les rapports était le suivant : l’Afrique de l’Est n’était qu’un théâtre secondaire d’opérations sur lequel il convenait de fixer le maximum de forces ennemies qui, ainsi, ne seraient pas disponibles sur le principal théâtre d’opérations, c’est-à-dire le théâtre européen. Il mène conséquemment une guerre de guérilla qui remplit impeccablement cet objectif, dirigeant avec audace ses hommes dans des incursions dévastatrices au cœur des provinces britanniques du Kenya et de la Rhodésie, lesquelles visaient spécifiquement les forts, les chemins de fer et les communications britanniques. La logique militaire sous-jacente était que tout ce qu’il parvenait à distraire du front européen dans son secteur pouvait contribuer à la victoire des forces allemandes sur le front principal.
Au cours de ces événements ravageurs, le général von Lettow-Vorbeck réussit à lever une armée de 12 000 soldats africains parfaitement entraînés et disciplinés comprenant un minuscule noyau d’européens composé essentiellement de troupes d’infanterie de marine, de marins et de colons. Des noirs parfaitement disciplinés composaient donc la très grande majorité (98 %) de ses effectifs ; c’étaient les fameux Askaris de la Schutztruppe, qu’il avait armés en grande partie grâce aux prises effectuées sur les Britanniques.
Ces soldats noirs se taillent rapidement une réputation méritée de combattants farouches à la loyauté indéfectible envers cet officier allemand qui s’adressait à eux dans leur propre langue et que tous ses pairs respectaient. En stratège avisé, Lettow-Vorbeck ne laisse pas passer l’occasion de récupérer sur l’épave du croiseur SMS Königsberg, sabordé en 1915 dans le delta du fleuve Rufiji, de nombreux canons qu’il fait transformer en artillerie de campagne maniée par son équipage, commandé par le très compétent commandant de bord Max Looff.
Irrités et furieux, les Britanniques et les Sud-Africains (sous les ordres de nul autre que Jan Smuts) lancent alors une formidable offensive (avec plus de 45 000 hommes) en pour éradiquer une fois pour toutes la petite armée africaine du Kaiser. Habilement, le colonel von Lettow-Vorbeck se sert alors du climat et du terrain comme des alliés naturels. Quand il était en infériorité, soit à peu près tout le temps, il se dérobait. Lorsque ses troupes combattaient les Britanniques, c’était là où il l’avait décidé et lorsque le terrain était à son avantage, et ce toujours avec des conséquences humiliantes pour ses adversaires.
Cependant, à l’ouest, les forces belges du Congo remportèrent, le , une victoire décisive à Tabora sous les ordres du général Tombeur, puis à Mahenge sous les ordres du lieutenant-colonel Huyghé.
Malgré tous ses efforts, Lettow-Vorbeck ne peut cependant empêcher les Britanniques d’engager des effectifs de plus en plus importants qui l’obligent finalement à quitter la colonie. Il avait contre lui non seulement les Britanniques, mais aussi les Sud-Africains, les Portugais et les Belges. Il s’échappait cependant constamment et trouvait toujours le moyen d’infliger à ses adversaires de sérieuses défaites. En octobre 1917, acculé par des forces théoriquement écrasantes, il bat à nouveau spectaculairement les Britanniques à Mahiwa, ne perdant que 96 hommes (contre 3 000 pour les Britanniques) après cinq jours de combats acharnés dans des marécages ne figurant par ailleurs sur aucune carte.
Malgré tout, conscient que les Britanniques auraient à long terme le dessus sur sa petite armée, tant en matériel qu’en ressources humaines, et qu’il était absolument impossible de maintenir une autorité sur les territoires ennemis conquis, Lettow-Vorbeck est logistiquement contraint de passer au Mozambique où, grâce à sa maîtrise des dialectes locaux, il recrute de nouveaux hommes et, surtout, récupère du matériel stratégique en attaquant par surprise les garnisons portugaises à la bataille de Negomano, le .
Il retourne ensuite au Tanganyika en , reposé et rééquipé, simplement pour virer subséquemment à l’ouest afin d’attaquer et ravager la Rhodésie, échappant ainsi au piège que l’armée britannique avait vainement préparé pour lui en Afrique de l’Est allemande en spéculant sur son probable retour.
Il remporte une ultime victoire en Rhodésie septentrionale par la prise de l’importante ville de Kasama, le , deux jours après l’Armistice de Rethondes en France. Quand les rumeurs d’armistice en Europe lui sont confirmées par les forces britanniques, le général von Lettow-Vorbeck se rend avec panache, avec son armée toujours invaincue, à Abercorn (actuellement en Zambie), dans le nord de la Rhodésie de l’époque, aux forces britanniques de Smuts, le , soit douze jours après l’armistice conclu en Europe. L’emplacement exact du lieu où il fut mis au courant de l’Armistice et où il a reçu l’ordre de mettre fin aux hostilités est, depuis 1953, marqué par le Mémorial de Lettow-Vorbeck, qui sert à commémorer la fin de la Première Guerre mondiale.
Le , l’Empereur Guillaume II lui avait décerné la médaille Pour le Mérite. Le général combattant en pleine brousse n’en avait pas été informé. Smuts, au courant de la nouvelle, ne manque pas d’en informer son adversaire.
Après la guerre, Lettow-Vorbeck organise le rapatriement des soldats allemands et des prisonniers de guerre et veille à s’assurer qu’un traitement équivalent soit accordé à ses soldats africains. Il rencontre également Sir Richard Meinertzhagen, officier de l’Intelligence Service contre lequel il avait mené une guerre personnelle de tous les instants pendant le conflit.
Il retourne en Allemagne en . Il reçoit le grade de major-général (général de division). Il est le dernier officier général à recevoir une promotion signée par l’Empereur en personne. La Schutztruppe du général von Lettow-Vorbeck, ses 155 soldats allemands survivants et son chef ont même droit à une parade à la porte de Brandebourg. Ebert l’accueille par ces mots : « Je vous salue, vous qu’aucun ennemi n’a vaincu sur les champs de bataille ! ». De fait, la Schutztruppe de Lettow-Vorbeck est la seule et unique armée allemande à parader sous la porte de Brandebourg en 1919, non seulement pour être restée invaincue sur le champ de bataille (sauf une fois au Congo) ou encore pour avoir remporté des victoires contre des forces de loin supérieures en nombre, mais surtout pour avoir été le seul corps d’armée à avoir envahi et ravagé avec succès des territoires britanniques au cours de la Grande Guerre.
Par la suite, il devient un activiste de droite engagé comme tant d’autres dans les bouleversements secouant l’Allemagne aux prises avec la situation révolutionnaire et la naissance de la jeune république de Weimar. Le éclate à Hambourg une insurrection ouvrière d’inspiration révolutionnaire. Il intervient vigoureusement avec son corps franc et rétablit l’ordre avec le soutien de la brigade du capitaine de corvette Hermann Ehrhardt.
Il est impliqué dans le coup d’État de Kapp. Il est incarcéré et mis à la retraite d’office en même temps qu’un certain nombre de généraux qui avaient soutenu Noske.
Il devient marchand de vin en gros à Brême pour le compte de l’entreprise Konrad.
Élu député du Parti national allemand de 1928 à 1930, il s’oppose vigoureusement aux nationaux-socialistes qui avaient cependant essayé d’exploiter sa légende pour leur cause. En 1933, Adolf Hitler lui demande sans succès d’entrer au NSDAP. De guerre lasse, Hitler le nomme à la section coloniale du ministère des Affaires étrangères.
En 1938, à l’âge de 68 ans, il ne s’oppose pas à son intégration dans la Wehrmacht comme général pour des buts de propagande, mais il ne reçoit aucun commandement. Il est vraisemblable que son ancien subordonné, Theodor von Hippel (1890-1977), qui forme les commandos de sabotage de l’Abwehr, ne devait pas être étranger à cette nomination.
Après 1945, il se fixe à Hambourg sans recevoir de pension de retraite, aussi, pour survivre, il devient jardinier.
Mais le gouvernement fédéral de l’Allemagne de l’Ouest n’ayant pas prévu de pension pour lui, c’est son vieil adversaire et ami de 1914, le maréchal Jan Smuts, qui réunit une souscription d’officiers britanniques et sud-africains pour lui en offrir une.
En 1953, il effectue un voyage en Afrique et, à son retour, publie deux livres : Kwa eri bwana ! Au revoir Monsieur ! (1954) et L’Afrique telle que je l’ai revue (1955). En 1956, il est nommé citoyen d’honneur de sa ville de naissance, Sarrelouis. On donna son nom à un collège, qui est ensuite débaptisé en raison de sa participation au putsch de Kapp.
En 1957, il publie Ma vie et deux ans plus tard, il fait un voyage quasi officiel à la demande du gouvernement local dans sa seconde patrie le Tanganyika, voyage au cours duquel il reçoit un accueil enthousiaste de la part non seulement de ses anciens Askaris, mais également de la population locale.
Le général Paul von Lettow-Vorbeck est enterré au cimetière de l’église Saint-Vicelin à Pronstorf, dans le Schleswig-Holstein.
9 mars 1968 : mort à 69 ans de l’ingénieur et constructeur aéronautique René Leduc.
René Henri Leduc naît le à Saint-Germain-lès-Corbeil (Essonne). Il passe son enfance à Corbeil, interrompt ses études à quatorze ans pour travailler et devient successivement apprenti-mécanicien et commis de bureau dans une fonderie. Pendant la Première Guerre mondiale, il s’engage dans l’artillerie et participe aux combats. Il suit le peloton d’élève-officiers à Fontainebleau, dont il sort major.
Après la guerre, il s’inscrit à Supélec, dont il obtient le diplôme d’ingénieur, en y ayant développé son goût pour la thermodynamique et pour la résistance des matériaux. À partir de 1922, sa carrière d’ingénieur se développe. En 1922, il est sous-directeur d’une usine de cellulose à Wörgl, en Autriche. En 1924, il est ingénieur puis chef du bureau de calculs des ateliers Louis Breguet ; au cours de cette période, il soutient une thèse à la faculté des sciences de Paris en 1929, et il dépose son premier brevet, consacré au pulsoréacteur, en 1930. Le pulsoréacteur est le mode de propulsion que les Allemands appliqueront quinze ans plus tard sur leurs bombes volantes V1 à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour bombarder l’Angleterre. En 1931, René Leduc entre à la Société Générale Aéronautique.
En 1933, après la disparition de la SGA, il prend une année sabbatique, durant laquelle il dépose son deuxième brevet, consacré à la tuyère thermopropulsive (appelée aussi statoréacteur), qui sera le dispositif propulsif de ses avions. L’année suivante, il est réembauché comme consultant par Louis Breguet, et reçoit son aide pour poursuivre des essais à échelle réduite de ce système propulsif. Les résultats des essais, assez prometteurs, convainquent le ministre de l’Air, Pierre Cot, de passer un marché pour la fabrication d’un prototype. Ce sera le Leduc 010, dont la presse se fait l’écho à partir de 1936 et dont la fabrication du premier prototype (01) commence en 1937.
Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, l’avion n’est pas terminé. Lors de l’offensive allemande du printemps 1940, les ateliers et le prototype sont déplacés à Biarritz puis en zone libre, à Toulouse. Grâce à l’aide de Louis Breguet, la fabrication est maintenue à petit rythme dans l’usine de Montaudran, sans éveiller les soupçons des Allemands, pourtant intéressés par l’acquisition de la technologie.
Après la libération, René Leduc, dans le cadre de la société des avions Leduc créée à cette fin et bénéficiant de contrats de l’état, développe successivement trois prototypes d’avions :
- 1945-1949 — le Leduc 010 : reprise et achèvement de la construction du prototype (qui avait été mise en veille pendant la guerre), et premier vol thermopropulsé (première mondiale) en 1949 ; une version dérivée, le Leduc 016, sera transformée en 010 ;
- 1949-1956 — le Leduc 021 : deux exemplaires sont fabriqués, essayés et même présentés au salon du Bourget en 1955, avec une présentation en vol de l’un d’eux ;
- 1956-1958 — le Leduc 022 : de conception innovante par l’autonomie du décollage grâce à l’adjonction d’un turboréacteur, le prototype est soumis à des essais jusqu’en . Le , un début d’incendie de tuyère survient lors d’un essai de roulement au sol. Bien que l’appareil soit facile à réparer, ce sera le dernier essai des Leduc.
Début 1958, en raison d’une rationalisation de ses choix budgétaires, l’état abandonne plusieurs filières d’avions expérimentaux, dont les Leduc, et résilie les contrats correspondants. La société Leduc est liquidée. René Leduc se replie sur ses activités d’équipementier, dans le cadre d’une nouvelle société, Hydro Leduc, basée à Azerailles en Meurthe-et-Moselle.
Dix ans après l’arrêt de ses activités d’avionneur, René Leduc décède à Istres (Bouches-du-Rhône) le . Il est inhumé au cimetière d’Étiolles (Essonne).
René Leduc a été précurseur en décrivant deux modes de propulsion :
- pulsoréacteur : Propulseur à réactions intermittentes (brevet no 705 648 du ). C’est l’idée que les Allemands développeront et appliqueront comme mode de propulsion de leurs bombes volantes V1 lancées contre Londres en 1944. Son nom actuel est pulsoréacteur ;
- statoréacteur : Procédé de transformation de l’énergie calorifique en énergie cinétique ou potentielle (brevet no 770 326 du et ses additifs). Il s’agit de ce que René Leduc appelait « tuyère thermopropulsive » et appliqua sur ses avions. Son nom actuel est « statoréacteur ».
Lors des études et du développement de ses prototypes, René Leduc a dû concevoir lui-même toute une série d’équipements et accessoires particulièrement innovants, l’industrie française ne sachant pas satisfaire à ses cahiers des charges. Certains ont transformé les techniques de construction aéronautique et ont été exploités sur de nombreux autres appareils. Mentionnons-en quelques-uns :
- turbine à gaz, destinée à alimenter les servitudes de l’avion ;
- servocommandes hydrauliques, les premières au monde ;
- système d’arrimage tripode avec mesure d’efforts, pour l’accrochage sur avion porteur et largage en vol ;
- cabine éjectable pressurisée, comme solution pour le sauvetage des équipages sur avions rapides et en altitude ;
- pompe à débit de carburant ;
- prisme pour visibilité vers l’avant ;
- diffuseur poreux d’entrée de tuyère pour absorber la couche limite ;
- ailes fraisées dans la masse ;
- distribution iso-richesse.
9 mars 1968 : mort accidentelle à 60 ans du général Charles Ailleret.
Charles Ailleret, né le à Gassicourt (Seine-et-Oise) et mort dans un accident d’avion à La Réunion le , est un général de l’Armée française, ancien résistant puis déporté pendant la Seconde Guerre mondiale, chef d’État-Major des armées de 1962 à 1968 et par ailleurs connu pour s’être opposé au putsch des généraux en Algérie en avril 1961 alors qu’il commandait la zone du Nord-Est constantinois.
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Il entre à l’École polytechnique en 1926 et sort dans l’artillerie en 1928. En 1942, il rejoint l’O.R.A. (Organisation de résistance de l’Armée) dont il devient le commandant pour la zone Nord. En juin 1944, il est arrêté, torturé, et déporté le 15 août 1944 depuis la gare de Pantin vers le camp de Buchenwald (Dora-Mittelbau), d’où il revient en 1945.
Promu colonel en 1947, il commande la 43e demi-brigade de parachutistes. En 1951, il prend le commandement des armes spéciales de l’Armée de terre. Il fait partie, comme adjoint du général Buchalet puis responsable des applications militaires au CEA, du cercle fermé qui mènera la recherche pour concevoir une arme nucléaire : il est, en 1958, commandant interarmées des armes spéciales et dirige les opérations conduisant, le , à l’explosion de la première bombe A française à Reggane, au Sahara.
En , commandant la zone Nord-Est Constantinois, il s’oppose au putsch des généraux d’Alger. En , il prend les fonctions de commandant supérieur interarmées en Algérie.
En 1962, il est promu général d’armée. C’est lui qui publie l’ordre du jour n° 11 du annonçant le cessez-le-feu en Algérie. Il s’oppose à l’OAS, en , lors de la bataille de Bab El Oued et la fusillade de la rue d’Isly, puis il participe, avec Christian Fouchet, haut-commissaire en Algérie, à l’autorité de transition au moment de l’indépendance.
Il est nommé chef d’État-Major des armées, le .
Il organise le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966 et met en place la stratégie établie par le général de Gaulle d’une défense nucléaire française « tous azimuts ».
Le , après une tournée d’inspection dans l’océan Indien, il trouve la mort, avec sa femme et sa fille ainsi que douze autres personnes, dans un accident d’avion. En l’absence de visibilité, le DC-6 du GLAM — qui devait le ramener en France via Djibouti — prend une mauvaise direction peu après son décollage de Saint-Denis de La Réunion et s’écrase contre une colline.
Ses obsèques se déroulent le aux Invalides en présence du général de Gaulle et sont retransmises à la télévision. Charles Ailleret et sa famille sont enterrés à Ver-sur-Mer, en Normandie.
Il est le frère de Pierre Ailleret, un des chercheurs à l’origine du programme électronucléaire civil français.
9 mars 1974 : le Japonais Hirō Onoda se rend après s’être caché dans la jungle philippine durant 30 ans.
Hirō Onoda, né le (an 11 de l’ère Taishō) dans le village de Kamekawa (aujourd’hui situé dans la ville de Kainan) dans la préfecture de Wakayama au Japon, et mort le , est un soldat japonais en poste sur l’île de Lubang dans les Philippines qui refusa de croire à la fin de la Seconde Guerre mondiale et à la capitulation du Japon en 1945 et qui continua la guerre avec trois autres soldats jusqu’en 1974. C’est le plus connu des nombreux « soldats japonais restants ».
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Issu d’une famille de six frères et sœurs, Hirō Onoda fait ses études au collège de Kainan. À 17 ans, il entre dans la société d’import-export Tajima-Yoko, spécialisée dans la vente de vernis à Wakayama, puis demande à être affecté dans une succursale de l’entreprise à Hankou en Chine. À 20 ans, il est appelé pour son service militaire à intégrer le 61e régiment d’infanterie de Wakayama. Peu de temps après, Onoda est affecté au 218e régiment d’infanterie : destination Nanchang, où il retrouve son frère Tadao.
En 1943, Onoda arrive à Kurume, qui a une école d’une réputation effrayante sous les ordres du général Shigetoumi. Après trois mois d’entraînement intensif, Onoda regagne son unité d’origine. Le , Onoda quitte Kurume pour rejoindre la 33e compagnie à Futamata qui est une annexe de l’école de Nakano dans laquelle sont formés des officiers commandos. En , Onoda fait partie des vingt-deux hommes formés aux techniques de la guérilla. Destination : les Philippines, territoire américain occupé par le Japon. Son supérieur, le major Yoshimi Taniguchi, lui donne l’ordre de retarder le débarquement des Américains sur l’île de Lubang, sur laquelle Hirō Onoda passera plus de trente années dans la jungle attendant le retour de l’armée japonaise.
En 1945, les troupes américaines reprennent l’île et presque toutes les troupes japonaises sont anéanties ou faites prisonnières. Cependant, Onoda continue la guerre, vivant d’abord dans les montagnes avec trois camarades (Yuichi Akatsu, Shōichi Shimada et Kinshichi Kozuka). Un d’entre eux, Akatsu, se rend finalement aux forces philippines en 1950, et les deux autres sont tués dans des échanges de coups de feu avec les forces locales – Shimada le , Kozuka le – laissant Onoda seul dans la montagne durant deux ans.
Il considère toutes les tentatives visant à le convaincre que la guerre était finie comme une ruse. En 1959, il est déclaré légalement mort au Japon.
Retrouvé en 1974 par un étudiant japonais, Norio Suzuki, Onoda refuse obstinément d’accepter l’idée que la guerre était finie à moins d’avoir reçu de son supérieur hiérarchique l’ordre de déposer les armes. Pour l’aider, Suzuki retourne au Japon avec des photos de lui-même et d’Onoda comme preuve de leur rencontre. La même année, le gouvernement japonais retrouve le commandant d’Onoda, le major Taniguchi, devenu libraire. Il se rend à Lubang, informe Onoda de la défaite du Japon et lui ordonne de déposer les armes. Le lieutenant Onoda quitte la jungle 29 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et accepte l’ordre de son chef de remettre son uniforme et son sabre, avec son fusil Arisaka Type 99 toujours en état de marche, cinq cents cartouches et plusieurs grenades à main.
Bien qu’il ait tué une trentaine de Philippins qui habitaient l’île et échangé plusieurs coups de feu avec la police, on tient compte des circonstances et Onoda bénéficie d’une grâce du président philippin Ferdinand Marcos.
Le lieutenant Onoda fut, au sens strict, le dernier soldat de nationalité japonaise à se rendre. Le tout dernier soldat de l’armée japonaise fut retrouvé quelques mois plus tard, en : il s’agissait non pas d’un citoyen japonais, mais d’un aborigène de Taïwan incorporé dans les volontaires de Takasago sous le nom de Teruo Nakamura.
Après sa reddition, Hirō Onoda s’installe au Brésil, où il devient éleveur de bétail. Peu après sa reddition, il publie une autobiographie, Ma guerre de 30 ans sur l’île de Lubang, où il décrit sa vie de maquisard dans une guerre terminée depuis longtemps. Par la suite, il épouse une compatriote et, en 1984, retourne vivre au Japon, où il crée en pleine nature un camp pour les enfants. Là, Hirō Onoda partage avec eux ce qu’il avait appris sur la survie pendant ses années de vie solitaire. En 1996, il revient visiter l’île de Lubang et fait un don de dix mille dollars américains pour l’école locale.