Ce 11 novembre 2018 commémore la fin de la Première guerre mondiale et la victoire sur les empires centraux. Interpréter ce cessez-le-feu du 11 novembre comme le symbole de la victoire a manifestement irrité quelques personnes. La notion de victoire après tant de morts et de blessés peut effectivement laisser la place à une grande amertume même cent ans après. N’est-ce pas la réalité du gâchis de cette « guerre civile européenne » qui a initié le déclin des États européens dans le monde ?
Pour ne pas mépriser ces soldats, qui ne sont pas des civils en uniforme après plusieurs années de guerre – et tout citoyen défendant sa terre et sa famille n’est-il pas un soldat en puissance – , il n’en reste pas moins que célébrer ce 11 novembre comme une victoire reste nécessaire car c’est cette recherche de la victoire sur le « boche » » qui a mobilisé les hommes et permis leur résilience.
Un ouvrage paru il y a quelques mois raconte d’ailleurs ces derniers mois de la guerre où, lors de la dernière offensive allemande de 1918, les forces françaises ont été enfoncées. « La dernière division, sacrifiée à Soisson pour sauver Paris : 27 mai – 5 juin 1918 » (Editions Grancher) narre ces combats. L’auteur, Patrick-Charles Renaud s’est appuyé sur les journaux de marche des unités et les nombreuses lettres ou carnets des soldats qui ont combattu au sein de la 170e division d’infanterie.
Ce qui est particulièrement poignant est cette narration personnalisée de chaque témoignage recueilli par ces sources. Nous vivons ces combats aussi bien au niveau des soldats qu’au niveau de l’état-major de la division. Ce qui paraît comme un roman se déroulant pendant ces combats autour de Soissons de 1918 ne l’est pas puisque ce sont les notes des poilus qui en font la trame et que l’auteur fait parler. Des figures héroïques apparaissent comme le lieutenant Jaurès, fils de Jean Jaurès, qui y sera tué.
Les carnets du capitaine Glotz du 3e bataillon de Chasseurs à pied, décrivent ces combats avec précision. Il a participé à l’ensemble du conflit. Décédé à un âge avancé, il était aussi le grand-oncle de mon épouse. Je l’ai rencontré à de trop rares occasions et n’ai sans doute pas assez discuté avec lui de cette guerre d’autant qu’il n’en parlait pas comme beaucoup d’anciens combattants.
Commémorer ces sacrifices à la fois individuel et collectif est donc une nécessité même si tous les témoins directs ont disparu. Heureusement, le devoir de mémoire a été pris en main par de nombreux citoyens, des associations, des institutions, l’école primaire où l’investissement des professeurs des écoles est à la hauteur, peut-être à l’image même des hussards noirs de la République. Ceux-ci avaient contribué à la préparation des esprits pour la « Grande revanche » après la guerre de 1870.
Cependant, l’histoire ne doit pas être instrumentalisée, politisée (Cf. Mon billet du 10 novembre 2013). Le contexte de l’époque ne doit jamais être oublié avant de porter des jugements. Ainsi, les polémiques suscitées par la mise à l‘honneur des maréchaux qui ont gagné la guerre, dont Pétain, ne doivent pas être acceptées. Pétain a été l’un des vainqueurs de 1918. Phase glorieuse de sa vie, elle n’excuse pas ce qui s’est passé en 1940 mais c’est une autre phase de sa vie qui mérite alors sa condamnation. Les censeurs doivent apprendre à faire la part des choses.
Ainsi, le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) aurait mieux fait de faire preuve de réserve dans ses propos. Il n’a pas la légitimité pour juger Pétain en 1918. Si on suivait ses condamnations comme celles d’autres « brillants » tribuns comme Jean-Luc Mélenchon, ne faudrait-il pas faire comme dans l’ex-URSS, modifier les livres d’histoire et les images des personnes qui seraient rejetées pour rendre l’histoire conforme aux attentes de l’époque ? Situation très orwellienne mais très en phase avec notre société de censeurs qui, finalement, devient bien totalitaire au profit d’une pensée imposée, faite d’amalgames et de peu de nuances réfléchies, avec une présence progressive d’une « police de la pensée ». Le président Macron a bien fait de rester ferme sur ses choix.
Cette polémique est revenue notamment avec la gauche. Ce samedi 3 novembre, j’ai eu cette expérience sur le plateau de RT France (Cf. « Direct » du 3 novembre 2018) pour débattre du refus du président Macron d’avoir une parade militaire ce 11 novembre. Chaque année en effet, les troupes étaient réunies autour de l’Arc de Triomphe où repose le Soldat inconnu mais elles ne défilaient pas.
Certes, je pourrai regretter que les Armées d’aujourd’hui, détenteurs des traditions et des valeurs de courage et de sacrifice de leurs anciens de 1918 (Cf. Article du général Bosser du 4 novembre 2018), ne soient pas honorées « visuellement » par le président de la République. Est-ce grave et cela peut-il faire l’objet d’une polémique ? Je ne le crois pas, dès lors que les honneurs sont rendus aux « Morts pour la France » autour des monuments aux morts et bien sûr de l’Arc de triomphe. N’oublions pas non plus que, depuis 2012, tous les « Morts pour la France » sont honorés le 11 novembre (Cf. Mon billet du 19 décembre 2012 aussi sur la polémique lancée par le parti communiste à l’époque).
Les échanges néanmoins avec le second intervenant de ce plateau sur la guerre me laissent encore dubitatifs avec l’expression d’une idéologie ressassée qui trouve encore des adeptes. J’ai entendu des arguments que j’entendais déjà dans les années 1970 de la part de cette gauche extrême ou proche des extrêmes. Certes, ses membres sont peu nombreux mais actifs. Il est néanmoins inquiétant que, malgré les années, ces « vieilles lunes » se maintiennent d’une manière bien caricaturales envers et contre tout, y compris chez des jeunes citoyens.
Enfin, et l’actualité me fait réagir, combien d’enseignants participent-ils avec leurs élèves à ce devoir de mémoire ? Participer aux cérémonies républicaines qui mettent à l’honneur les sacrifices notamment militaires professionnels ou pas, et permettent de les rappeler, n’est-ce une idée de l’exemplarité de l’enseignant-citoyen qui doit aussi transmettre les éléments nécessaires pour construire le roman national ? Cela ne devrait pas être laissé au libre-choix de ces fonctionnaires.
Je peux rattacher cette attitude à ces professeurs des collèges qui se sont mis en grève contre la venue d’un proviseur adjoint à Stains car il est un ex-gendarme et détaché par le ministère de l’intérieur (Cf. Ouest France du 5 novembre 2018 et site du SNES, syndicat gréviste). Quand on se plaint en permanence de l’insécurité et que l’on n’est pas capable de se faire respecter dans un établissement scolaire, il paraît évident qu’il faut appeler des compétences extérieures. D’ailleurs ne sont-ils pas pour une partie d’entre eux responsables directement ou indirectement de cette situation ? Bien entendu le maire PCF de Stains soutient les grévistes.
Comme je l’écrivais dans un billet précédent (Cf. Mon billet du 6 mai 2018), un certain nombre d’enseignants n’ont pas quitté leur moule idéologique et sectaire. Avant de juger des décisions qui ne leur incombent pas, il serait bon qu’ils prouvent leur attachement à l’État républicain en participant justement aux cérémonies du 11 novembre et du 8 mai.
Pour cependant rester positif, il est possible de proposer une solution qui contribue à l’expression du devoir de mémoire envers ceux qui sont « Morts pour la France ». Pourquoi ne pas commémorer le « 11 novembre » un jour ouvrable à proximité de cette date, dans les écoles, les collèges sinon les lycées, avec une présence obligatoire des enseignants et des élèves ? Une commune qui a fait l’objet d’un reportage sur TF1 cette semaine, a fait ce choix et c’était particulièrement réussi. Et sans polémique.