mardi 26 novembre 2024

IN MEMORIAM – Sergent-chef René SENTENAC (mort au combat le 21 novembre 1957)

René Sentenac, né le  à Toulouse (Haute-Garonne) et mort au combat le  à Timimoun, est un sous-officier français qui s’est particulièrement illustré en 1954 lors de la bataille de Diên Biên Phu pendant la guerre d’Indochine.

René Sentenac est engagé volontaire dans l’infanterie de marine en 1948 et il obtient son brevet de parachutiste l’année suivante, année où il accède au grade de caporal. Il participe à la guerre d’Indochine et il est promu sergent le 1er .

Il est caporal-chef au 6e bataillon de parachutistes coloniaux (6e BPC), sous les ordres du commandant Marcel Bigeard, pendant la bataille de Diên Biên Phu. Il est fait prisonnier le  par les forces de l’Armée populaire vietnamienne (APV), après la chute du camp retranché. En compagnie de trois sous-officiers de la même unité, les sergents-chefs Maurice Rilhac, Jacques Sautereau et Michel Skrodzki, il réussit à s’évader le . Skrodzki est blessé au bras d’une plaie pas trop sérieuse mais infectée. En chemin, ils rencontrent deux appelés de Dien Bien Phu qui n’étaient pas paras. Les deux soldats décident quelques jours plus tard de rester dans un village thaï et le groupe se sépare. Les évadés parcourent 200 km en brousse avant de retrouver, le , d’autres évadés, des parachutistes du 35e régiment d’artillerie parachutiste (RALP) qui ont été recueillis par les Méos, les soldats Nallet, Charrier et le maréchal des logis René Delobel. Le , le groupe, privé de Jacques Sautereau qui meurt d’une crise de paludisme pernicieux pendant l’évasion le  à deux jours de marche d’un Groupement de commandos mixtes aéroportés (GCMA). Avec l’aide d’autochtones, Rilhac et Sentenac atteignent très affaiblis et amaigris un avant-poste du GCMA près du village de Te-Kin. Le , un hélicoptère Sikorsky vient les récupérer et les évacue sur Luang Prabang. Ils sont ensuite transportés quelques jours plus tard par Dakota pour Hanoï. Skrodzki, laissé en arrière car trop faible pour marcher, est hospitalisé à l’hôpital de Lanessan, sauvé d’une mort certaine par les Méos du sergent-chef Voilant. Ils sont finalement rapatriés en France.

Sergent-chef René Sentenac mortellement blessé

René Sentenac tombe au combat en Algérie dans les rangs du 3e Régiment de parachutistes coloniaux (3e RPC), toujours sous le commandement de Bigeard, devenu colonel, lors de la bataille de Timimoun, le . Il est abattu juste avant le lieutenant Pierre Roher et l’infirmier Roland Fialon ( – ) par un sniper ennemi embusqué à 400 mètres au nord de leur position. Son agonie est immortalisée par le photographe Marc Flament. Les photos prises par Flament font du sergent-chef Sentenac une icône du mythe du soldat parachutiste à l’époque de leur publication notamment en raison du statut de figure héroïque de René Sentenac lors de la bataille de Diên Biên Phu. L’une de ces photographies illustre l’affiche du film documentaire français Les Yeux brûlés réalisé par Laurent Roth en 1986 et sorti en 2015.

À sa mort, René Sentenac est titulaire de la Légion d’honneur et de la Médaille militaire, avec six blessures et treize citations.

Le général Bigeard, partout où il est muté, garde une photo de René Sentenac, mourant, la tête reposant sur un sac, les yeux clos. 

Bigeard rapporte les derniers instants de René Sentenac : « Il dut encore fournir un dernier effort pour mourir. Il savait bien qu’il avait gagné, et c’est pour cela que son visage apaisé nous parut si beau. Ce qu’il cherchait de l’autre côté de la crête, ce n’était pas une poignée de Bédouins et leurs fusils, mais cette chose impossible qui le hantait depuis si longtemps, et qui ne se trouve que dans le sacrifice et la mort. Seule elle permet de se confondre avec ce qu’il y a de plus grand, de plus inaccessible. C’était sa manière, à lui Sentenac, de comprendre Dieu. »

Bigeard lui dédie son livre « Aucune bête au monde » : « Mais Sentenac cherchait autre chose et je sais qu’il l’a trouvé. De nous tous il fut celui qui eut le plus de chance, car il a réussi sa mort après avoir mené la vie tourmentée qu’il avait choisie ».

René Sentenac est inhumé au cimetière de Saint-Martin-du-Touch à Toulouse.


Témoignage du Sergent Raymond Cloarec, de la section du lieutenant Roher, adjoint du Sergent-Chef Sentenac :
 
« Quand René Sentenac fut touché, j’étais à ses côtés. Le Lieutenant Roher, en bas, essayait de venir vers nous en faisant gaffe car ça tirait de partout.
 
Aussitôt je descends Sentenac en bas de la dune pour le mettre à l’abri des tirs. Et là Sentenac me dit :
Clo Clo laisse moi c’est la fin… occupe toi des gus…du reste de la section … car les fellouzes sont derrière les dunes.
 
Il avait tout vu avant de tomber. Il s’est retrouvé face à un tireur d’élite qui avait un fusil à lunette et qui a eu Sentenac. Moi il m’a loupé. La balle n’est pas passée loin. Sentenac souffrait terriblement. Je dis à l’infirmier Roland Fialon :
Fais lui une piqûre de morphine.
A cet instant le radio Rock me crie :
Sergent le lieutenant est tombé.
Il s’agit du lieutenant Roher, le chef de la section.
Je dis à Fialon d’aller vite voir le lieutenant.
 
Il est mort sur le coup. Mais Fialon au lieu de tirer le corps du lieutenant vers le bas comme je l’ai fait pour Sentenac et nous protéger ainsi des coups de feux, resta à cheval sur la dune pour le dégrafer, et là, dans la minute, le même tireur lui logea une balle dans la carotide le tuant sur le coup. Le tireur était un adjudant de l’armée française qui s’était enterré, caché dans le sable. Et nous ne le voyons pas, Sentenac l’avait vu. Pas moi. Devant, derrière les dunes, tous les méharistes déserteurs. Je n’ai pas voulu quitter Sentenac de peur qu’on vienne l’achever. J’aurais préféré crever avec lui.
 
Mais en attendant les ordres de ‘Bruno’ Bigeard, il n’y avait plus de chef. J’étais l’adjoint de Sentenac qui a continué à me parler, en particulier de son fils qui avait 6 ans et de son épouse, avant de sombrer dans le coma.
 
Nos armes automatiques étaient enrayées par le sable ; autour de nous, des morts et des blessés graves cloués au sol par le tir ennemi. Avec le radio Rock, nous avons essayé de joindre le colonel Bigeard avec le poste de radio SCR 300 par l’intermédiaire du Piper. Non sans mal, la liaison fut établie :
De Bruno… m’entendez vous… parlez…
5 sur 5 Bruno.
 
Et je lui explique la situation. Voici ses ordres :
Bruno à 31. Faites Nettoyer vos armes deux par deux et faites placer sur le sol vos panneaux fluorescents sur vos musettes car le piper n’arrive pas à vous situer par rapport aux fellouzes. Ils sont tous autour de vous. Restez en défensive. Utilisez vos grenades et vos lances grenades. Ne bougez plus. Gardez les corps et les blessés. Je vais faire venir un barlu Mammouth (Hélicoptère lourd Sikorski équipé d’une mitrailleuse 12 m/m 7 de gros calibre) pour éviter l’assaut des rebelles et en attendant le parachutage au nord de votre position de la 4e compagnie du capitaine Douceur. Nous allons avec votre aide essayer de les coincer en tenaille. Tenez bon et Bonne Chance. »

Lire sur TB : Képis noirs et bérets rouges – Sahara 1957 (Bataille de Timimoun), par le général Massu

Jean-Baptiste TOMACHEVSKY
Jean-Baptiste TOMACHEVSKY
Mon grand-oncle paternel s'est engagé dans la Légion étrangère, parti combattre pendant la guerre d'Algérie. Il est mort pour la France en 1962. C'est lui qui m'a donné l'amour de la Patrie et l'envie de la servir. Appelé sous les drapeaux en février 95, j'ai servi dans 6 régiments et dans 5 armes différentes (le Train, le Génie travaux, l'artillerie sol-air, les Troupes de marine et l'infanterie). J'ai participé à 4 opérations extérieures et à une MCD (ex-Yougoslavie, Kosovo, Côte d'Ivoire, Guyane). Terminant ma carrière au grade de caporal-chef de 1ère classe, j'ai basculé dans la fonction publique hospitalière en 2013 en devenant Responsable des ressources humaines au centre hospitalier de Dieuze. J'ai décidé ensuite de servir la Patrie différemment en devenant Vice-président du Souvenir Français (Comité de Lorquin-57) où je suis amené à participer à une cinquantaine de cérémonies mémorielles par an. Je participe également à des actions mémorielles auprès de notre jeunesse. Je suis également porte-drapeau au sein de l'Union nationale des combattants (UNC) de Lorquin (57) et membre du conseil départemental de l'ONaCVG de la Moselle, collège 2 et 3. J'ai également créé sur un réseau social professionnel un compte qui regroupe près de 16 000 personnes dédié au Devoir de mémoire. Je transmets et partage les destinées de ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la France. J'ai rejoint THEATRUM BELLI en novembre 2024 pour animer la rubrique "Mémoires combattantes".
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